Jésus monte à Jérusalem, où il sait qu’il sera arrêté et tué. Et au cours de sa montée, sa parole se fait de plus exigeante et difficile à entendre. Dimanche dernier, il annonçait que le suivre allait être source de violence et de divisions, jusqu’à séparer à l’intérieur des familles « le père contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille contre la mère, la belle-mère contre la belle-fille et la belle-fille contre la belle-mère. » La parole de ce jour vient encore nous inquiéter. A la question du salut que lui pose un disciple, Jésus répond que « beaucoup chercheront à entrer et n’y parviendront pas », que « la porte est étroite » et que même ceux qui ont pu manger et boire avec lui ne seront pas reconnus, alors que d’autres, venus d’ailleurs et même de loin, prendront place au festin dans le royaume de Dieu. Etranges paroles. Nous préférons quand les récits parlent de Dieu qui accueille tout homme, qui pardonne aux pécheurs, qui se fait proche des petits. Nous préférons qu’on nous rappelle que nous sommes sauvés par grâce et que la grâce divine est sans limite. Nous n’avons pas envie de retomber dans une théologie du mérite, qui a fait tant de mal dans l’histoire. Où sont donc l’amour et la Bonne Nouvelle dans ces textes ?
Nous ne pouvons pour autant pas les éliminer. Nous les accueillons pour ce qu’ils sont : la Parole de Dieu qui nous annonce une Bonne Nouvelle. Cette Bonne Nouvelle est Nouvelle du Salut, mais nous comprenons aussi que le salut, c’est-à-dire la rencontre avec Dieu, la vie de communion avec lui dans l’amour, cette vie de l’au-delà qui commence dès aujourd’hui parce qu’elle est vie dans l’amour qui se joue du temps et de l’espace, ne se fait pas sans nous, sans notre implication, sans notre volonté, sans notre engagement, sans notre responsabilité. Sans l’exigence à laquelle nous convoque tout amour. Le Seigneur veut que nous vivions avec Lui et nous accueille, même inconditionnellement, mais il ne nous accueille pas sans notre consentement vécu. Nous pouvons avoir été baptisés, aller régulièrement à la messe, faire des exercices de piété, invoquer le nom du Seigneur… ce qui est attendu de nous est de faire œuvre de justice. C’est-à-dire de mettre en œuvre concrètement et jusque dans sa radicalité l’amour qui nous est donné. De nous convertir en acte à cet amour.
L’amour de Dieu vient nous saisir tout entier… encore faut-il se laisser être saisi par lui. Pour Jésus, ce n’est pas forcément ceux qui se réclament le plus de lui, qui sont le plus proche ou qui se sont laissés saisir davantage. Mais bien ceux qui œuvrent pour la justice. Ceux qui « s’ajustent » à sa grâce, ceux qui conforment leur vie à la grandeur de son amour. C’est là la porte étroite, qui n’est pas uniquement à entendre comme un chemin de morale étroite. La Porte, c’est le Christ. Et dans ce passage d’évangile, Jésus nous parle aussi de lui : il est Celui qui donne de rencontrer Dieu, non parce qu’il aurait répondu en tous points aux critères et aux règles religieuses de l’époque – ce qu’il a au contraire dénoncé à bien des reprises – mais parce qu’il a fait œuvre de justice, d’« ajustement » à l’amour de Dieu son Père, parce qu’il a aimé concrètement tous ceux qui venaient à lui, guérissant, écoutant, accueillant, relevant, pardonnant…
Dans cette posture, cet « être-au-monde », ils sont nombreux, les hommes et les femmes de tous les horizons, « de l’Orient et de l’Occident », qui passent par la porte étroite et vivent de Celui qui est la Vie. Même ceux qui paraissent loin du Seigneur parce qu’ils ne se réclament pas de lui et qu’ils ne partagent pas spontanément ses paroles et son repas.
Les baptêmes que nous célébrons aujourd’hui ne sont ni une assurance tous risques contre les dangers de ce monde, ni une assurance pour le salut. Ils sont l’accueil de la grâce infinie et gratuite qui nous responsabilise et nous engage à vivre en enfants de Dieu, en fils et filles du Père, en nouveaux Christs pour ce monde, dans la dynamique d’amour infini de Jésus. Pour que par nos œuvres de justice, nous soyons des acteurs et des témoins de la miséricorde qui nous sauve.
Amen.
P. Benoît Lecomte
Une réponse sur « Homélie du 21 août 2022, par le P. Benoît Lecomte »
[…] d’une paroisse encore un peu au rythme de l’été !– Retrouvez ici l’homélie de ce dimancheRendez-vous de cette semaineMardi 2310h-12h Atelier créativité dans les salles paroissiales de […]