Introduction à la célébration
Que le Dieu de l’espérance
vous donne en plénitude la Paix dans la Foi,
Et que le Seigneur soit toujours avec vous.
Comme pour les disciples d’Emmaüs faisant route dans la nuit de leur tristesse au lendemain de la Passion, que le Seigneur vienne auprès de toi Sophie, auprès de chacun de tes 8 enfants, petits-enfants, membres de ta famille, proches et amis venus si nombreux.
Oui, que le Seigneur vienne à notre rencontre en cette heure où Il vient rejoindre son frère et disciple Arnaud sur sa route pour le conduire jusqu’à l’Auberge des Noces éternelles, celle où Il fait du blé de l’Humanité le pain de la Vie éternelle.
Au début de cette Messe, de cette étape Nouvelle pour notre frère, que le Seigneur, nous donne de nous souvenir de sa présence aux côtés d’Arnaud tout au long de sa marche pèlerine sur la terre des hommes.
Hommage des enfants à leur papa
FX. C’était un soir vers vingt heures, et j’avais sept ou huit ans. Comme beaucoup d’enfants qui ont la chance de grandir dans une famille aimante, j’attendais avec impatience que tu rentres du travail. Mais ce soir-là, tu n’es pas rentré seul : un homme t’accompagnait. Tu l’avais trouvé dans la rue ; il cherchait un toit pour dormir. Et au moment où je t’ai sauté au cou pour t’embrasser, papa, l’homme s’est mis à pleurer. Ce soir-là, il t’a dit qu’il n’avait jamais pu embrasser son père.
Aujourd’hui, c’est notre tour de ne plus pouvoir t’embrasser, et nous sommes remplis de tristesse. Mais à l’heure de te dire adieu, nous voulons nous souvenir de tout ce que nous avons reçu, de tout ce que vous nous avez donné, maman et toi.
Tu avais d’abord un grand sens de l’accueil et un authentique souci de l’autre. Nous avons grandi dans un foyer où la porte était toujours ouverte. Nos amis s’y sont sentis chez eux. Tu ne leur témoignais pas seulement de la sympathie : tu t’intéressais à eux, à leurs joies, à leurs épreuves, à leurs espérances.
Tu n’avais pas peur de la rencontre. Avec maman et toi, nous avons côtoyé bien des visages, familiers ou inconnus, vies simples, fascinantes ou brisées. Familles en précarité, sans papiers et sans-abris, gens du voyage ou amis de passage : tu les recevais avec la même bienveillance. Ta vie sociale était riche. Dans ton cabinet dentaire, tu soignais ceux que personne ne voulait soigner. Aujourd’hui, c’est à Ghislain que nous pensons spécialement. Venu de République Démocratique de Congo et débouté du droit d’asile, vous l’avez hébergé et accompagné. Sa disparition dans des circonstances tragiques il y a quelques années t’a profondément affecté.
Gaby. Pour accueillir et aller vers l’autre, il faut aussi aimer parler. Chacun en conviendra ici, c’était quelque chose que tu aimais faire. Nous aussi. Tu nous as transmis ton amour des mots et ton envie de d’engager la conversation. Et ton sens de l’humour, ces fameuses « blagues à la papa », qui nous laissaient parfois entre le rire et le soupir. Sois-en certain, nous continuerons à le faire vivre.
Avec les mots, il y avait aussi les images et une sensibilité toute particulière à la beauté. Tu avais un rapport affectif aux choses. Nous pensons bien sûr au patrimoine, pour lequel tu t’es beaucoup engagé. À Blanzac, avec la Chapelle des Templiers et l’église de Porcheresse. À Brantôme, dans une vie passée.
Dans cette maison de Tané, que tu as tant aimé, tu t’es efforcé de terminer les travaux jusqu’au dernier instant.
Mais l’art était aussi une aventure intérieure. Il allait de pair avec ta très grande sensibilité. Tu as beaucoup peint, papa. Tu aimais exprimer par le dessin ce que tu ne parvenais pas toujours à transmettre par la parole.
Car la parole pouvait t’être aussi douloureuse. Toute ta vie, tu as vécu avec la peur d’être incompris. Et quand cela t’arrivait, tu avais beaucoup de mal à le supporter. Cette difficulté te dépassait. Elle te blessait. Elle générait en toi de la culpabilité et du remord. Souvent, tu ne parvenais pas à en faire part aux autres. Dans la vie de quelqu’un qui aimait tant parler, il y avait beaucoup de non-dits.
Cela suscitait parfois de grands malentendus. Et cela nourrissait tes tourments intérieurs. Quand venait le soir, ils se faisaient plus rudes et t’empêchaient de trouver le sommeil. Tu t’es d’ailleurs éteint au milieu de la nuit, à l’heure où tu finissais par t’endormir. Tu es parti comme tu as vécu.
Olivier. Mais dans les ténèbres, même lorsque tu tâtonnais, tu n’as jamais cessé de chercher. Tu avais une exigence de vérité. Tu l’appliquais d’abord à toi-même : nous savons combien tu as regardé en face et éprouvé dans ta chair les contradictions de la vie humaine.
Et tu la poursuivais dans le monde, dans tes engagements et tes relations avec les autres. Tu étais une personne entière et tu en as parfois payé le prix.
Tu doutais beaucoup, papa. Mais s’il y a bien une chose dont tu n’as jamais douté, c’est de l’amour du Christ. Ta foi en Christ était solide comme un roc. Tu as beaucoup bâti sur elle.
Ta vie de couple, avec maman. Vous l’avez nourrie dans votre engagement aux Équipes Notre Dame et dans la préparation au mariage.
Ta vie de famille, avec chacun de nous et avec la famille élargie.
Ta vie en Église, si riche, ta vie professionnelle, si intense.
Et ta vie intérieure, jusqu’à ton dernier souffle. Sur ton lit d’hôpital, quelques jours avant de nous quitter, tu nous as dit combien tu croyais qu’Il t’attendait. Dans ta relation à toi-même, aux autres et au monde, tu cherchais le Christ.
Et puis tu nous as donné la vie. Avec maman, qui nous as dit combien t’avoir épousé avait été la décision la plus importante de sa vie, tu as l’a donnée à neuf enfants. Vous nous avez donné la liberté d’être nous-mêmes et de choisir le chemin qui nous correspondait le mieux. A chaque moment important de notre existence, tu as été présent. Parfois avec maladresse, toujours avec sincérité.
Tu travaillais beaucoup, et tu t’en voulais parfois de ne pas passer assez de temps avec nous. Tu aimais faire plaisir et partager nos joies, petites et grandes. Tu n’as jamais manqué un concert ou un match, une exposition ou une pièce de théâtre qui impliquaient l’un de tes enfants.
Anne-Claire. Ta relation à chacun de nous était unique. Elle est impossible à résumer aujourd’hui. Merci de nous avoir aimé et fait grandir dans l’amour.
A l’heure où tu passes de ce monde à celui du Père, et t’apprêtes à rejoindre notre frère Philippe, nous poursuivons notre route chacun avec une part de toi-même. Ta foi, ta recherche de sens, ton refus absolu de toute compromission, ton engagement, ta sensibilité artistique et poétique, ton bagou et ton amour des mots, ton attention à l’autre, tout ce que nous gardons au fond de notre cœur, qui n’a pas été dit et que nous nous efforcerons de cultiver.
Tu voulais que tes obsèques soient un moment pour pleurer, pour se souvenir mais aussi se réjouir et même se réconcilier. C’est ce que tu nous as dit avant de nous quitter. Avec toi et avec les vivants, nous nous réjouissons, papa, parce que nous savons que la récompense sera grande dans les cieux.
Homélie du Père Yves Frémont
Arnaud a souhaité pour sa sépulture la lecture des disciples d’Emmaüs.
La 1ère lecture, celle de l’Ecclésiaste, est la même que le jour de son mariage avec Sophie. « Il a un temps pour enfanter et un temps pour mourir »… Vie et mort se croisent dans chacune de nos vies.
Arnaud aimait les rencontres, surtout celles qu’il suscitait. Les disciples d’Emmaüs évoquent à merveille les multiples rencontres qu’il a vécues avec son épouse durant leur 38 ans de mariage.
Neuf enfants à la maison, cela crée de la relation, des échanges, du mouvement. Comme dentiste, il ne manquait pas non plus de rencontres. Il parlait beaucoup avec ses patients mais il savait aussi les écouter et appréciait cette confiance qu’on lui faisait.
« Il y a un temps pour se taire et un temps pour parler ».
Avec son épouse, il a vécu des engagements comme les Equipes Notre Dame, les préparations au mariages sur le secteur paroissial et sur le doyenné. Arnaud a été aussi 12 ans membre du conseil municipal de Brantôme.
« Il y a un temps pour planter et un temps pour arracher le plan. »
Si les disciples d’Emmaüs illustrent toutes les rencontres qui jalonnent le chemin de vie, il ne faut pas oublier l’accueil à l’auberge : moments de convivialité. La porte d’Arnaud et de Sophie était largement ouverte. Si tous les amis des 9 enfants étaient bien sûr les bienvenus, il était possible aussi que notre cher défunt arrive à la maison avec un invité surprise : un blessé de la vie, un peu perdu. « Il y a un temps pour détruire et un temps pour bâtir. »
Arnaud savait aussi que tout dans sa vie n’était pas forcément que du bon grain, il y avait aussi de l’ivraie. Il pouvait faire sa tête de mule. Lorsqu’il était habité d’une conviction forte, accepter un compromis c’était tout simplement se renier. Cela a pu le conduire dans certaines affaires à une certaine intransigeance, voire une certaine dureté. Il en a souffert et il a aussi fait souffrir. Oui, comme dans la plupart de nos vies, « il y a un temps pour faire la guerre et un temps pour faire la paix. »
Je ne peux terminer sans dire un mot de la foi d’Arnaud. Je ne reviens pas sur ce que ses enfants ont évoqué à ce sujet. Je voudrais juste souligner combien il a soigné jusqu’au bout sa relation simple et profonde avec notre Seigneur Jésus-Christ. Malgré qu’il se savait condamné par la maladie, il s’est intéressé à la vie de sa paroisse jusqu’à la fin, comme cette marche œcuménique de ce mardi dernier, à laquelle il tenait beaucoup. Marche de la Chapelle de Cressac à cette église de Blanzac.
Et puis, pour ne pas déroger à ses habitudes, il a préparé avec le plus grand soin sa rencontre avec le Ressuscité. Comme les disciples d’Emmaüs, il mange désormais à la table du Seigneur, face-à-face, dans une vive, douce et chaleureuse lumière.
Toutes les rencontres qu’il a vécues parmi nous trouvent dans ce face-à-face divin leur pleine signification. Avec l’Ecclésiaste, nous pouvons affirmer : « Tout ce que Dieu fait, à jamais, demeurera. »
Nous pouvons poursuivre cette célébration dans l’espérance avec Marie. En effet, qui peut, mieux que la mère de Dieu et de l’Église, nous aider à vivre davantage notre union à son Fils ? Arnaud avait cette grande dévotion à Marie.
Père Yves Frémont
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