Homélie pour la messe pour les défunts, le 2 novembre 2020

Barbezieux - Baignes - Barret

Publié le 2 novembre 2020

« De même que le péché a établi son règne de mort, de même la grâce doit établir son règne en rendant juste pour la vie éternelle par Jésus Christ notre Seigneur. » Cette phrase de Saint Paul accroche notre oreille et notre attention. Parce qu’à regarder autour de nous, il semble bien que « le règne de mort » nous entoure. Entre la violence des attentats et l’angoisse du virus, combien de précautions devons-nous prendre pour, justement, éviter la mort ? A croire qu’elle rode autour de nous. Sa présence n’a peut-être jamais été aussi forte, faisant monter en nous la peur, l’angoisse, l’inquiétude pour nous-mêmes, pour nos proches, pour l’avenir. Notre prière rejoint celle du psalmiste : « L’angoisse grandit dans mon cœur : tire-moi de ma détresse. Vois ma misère et ma peine, enlève tous mes péchés. »

Alors il nous faut entendre la suite de la phrase de l’apôtre, et entrer par la foi dans son mystère : « de même la grâce doit établir son règne en rendant juste pour la vie éternelle par Jésus Christ notre Seigneur. » Il n’y a pas là une simple construction intellectuelle, un parallèle entre le péché et la mort d’un côté, la grâce et la vie éternelle de l’autre. Il n’y a pas, non plus, le récit d’une chronologie entre le péché et la mort maintenant, la grâce et la vie éternelle dans l’au-delà. Non, il y a plutôt l’expression d’une espérance, d’un regard de foi, d’un acte de confiance discernant ce qu’on ne voit pas au premier coup d’oeil, ce qu’on entend qu’en tendant l’oreille.

Et c’est là dans cette foi et cette espérance, que nous voulons nous tenir, alors même que nous faisons ce soir mémoire de ceux qui nous ont quittés, et plus particulièrement ceux qui nous ont quitté cette année, parfois dans l’isolement et la solitude à cause des contraintes sanitaires qui nous étaient imposées, rendant plus profonde encore notre tristesse et plus lourd notre cœur. S’il sont morts, nous croyons que la mort n’a été pour eux qu’un passage et que ce passage les mène à la vie, la vie d’éternité qu’ils connaissaient déjà avec nous, et qu’ils connaissent maintenant en plénitude dans la lumière de Dieu. Folie de la foi. Comme est la folie du serviteur, dans l’évangile, qui reste toute la nuit en tenue de service en train de veiller, attendant, dans l’obscurité, que le maître revienne. Mais folie qui ouvre à une dimension si belle et si profonde qu’elle en devient dimension essentielle, bien qu’invisible, de notre vie à tous. Au milieu de la nuit – par delà la nuit, au milieu de la mort – par delà la mort, notre lampe reste allumée pour que nos yeux voient ce qui ne se voit pas – ou du moins ce qui ne se voit pas nécessairement avec les yeux, mais qui se voit par l’expérience de l’amitié et de l’amour partagé.

N’est-ce pas de tous ces moments partagés avec tous ceux qui sont décédés autour de nous, dont nous nous souvenons encore aujourd’hui ? Ces moments où la grâce agit, où la grâce est présente alors même que nous n’y faisons pas attention. Et vient alors à notre esprit et à notre cœur cette intuition folle : l’amour était présent et l’amour ne peut mourir. L’amour était présent et l’amour ne passe pas, il est toujours là, dans une relation à construire autrement, mais de façon bien réelle. Ce n’est pas seulement le souvenir de l’amour qui se présente à nous, mais bien la présence pleine d’amour de ceux avec qui nous avons passé du temps, que nous avons aimés et que nous aimons encore. Présence lumineuse au milieu de la nuit.

Cette présence ne commence pas à se construire ou à se façonner à partir du moment de notre mort. Cette présence lumineuse est celle que nous connaissons chaque jour de notre vie, dans le quotidien de nos engagements et de nos relations. Elle est ce goût d’éternité dont nous vivons déjà, saveur de vie divine qui traverse notre existence et la nourrit et la construit. Elle est ce présent d’éternité que rien n’arrête. « Rappelle-toi Seigneur, ta tendresse, ton amour qui est de toujours », chantait le psaume. Car la vie éternelle, si elle n’a pas de fin, n’a pas non plus de début ! Elle est présent de tout présent, elle est cet « aujourd’hui et maintenant » où tout de Dieu nous est donné pour que nous en vivions. Elle est cette grâce que rien n’arrête et qui établit son règne plus grand que celui du péché et de la mort. Elle est cette force de l’amour offert et vécu en partage, dans la communion des vivants et des morts, embrassant en un seul élan toute l’humanité de tous les lieux et de tous les temps, et nous faisant entrer, tous, dans l’unique amour de Dieu.

Le règne de la mort peut faire semblant de rôder, nous savons que non seulement il n’aura pas le dernier mot, mais il a déjà perdu. Car le maître n’a pas laissé sa maison à la nuit. Les serviteurs ont maintenu la lumière de leurs lampes allumées et nous continuons, chacun à notre façon, de maintenir cette lumière allumée, pour qu’elle brille dans les gestes d’amour et de vie, de solidarité et de partage, d’attention et de pardon. Heureux sommes-nous de nous tenir là, debout, en tenue de service, au milieu de notre monde incertain. Que notre foi soit forte, que notre espérance soit signe, que notre charité soit porteuse d’avenir et de paix, dans la communion et la présence de tous ceux qui nous ont précédés et qui, de là où ils sont, nous indiquent les chemins de résurrection et de vie éternelle, les chemins de Celui qui a réduit la mort à néant, les chemins de Jésus Christ.

Amen.

P. Benoît Lecomte

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