Homélie et photos de l’Ascension et des rogations à Charmant

Montmoreau - Blanzac - Villebois-Lavalette

Publié le 9 mai 2024

Ce 9 mai 2024, Charmant vivait son pèlerinage annuel et les rogations aux 4 points cardinaux de la commune.

« Le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu. » Fin et but de l’histoire. Jésus ouvre la voie à toute l’humanité. Nous célébrons sa victoire ! Avec son Ascension, nous savons désormais que tout homme a accès au ciel, auprès du Père. Et nous pouvons regarder le ciel, comme les Apôtres, alors qu’il s’élève ! Car notre espérance se concrétise, se réalise sous nos yeux. Nous désirons le ciel, et nous y avons part.

Mais nous ne désirons pas forcément les nuages, ni les iconographies en tous genres essayant de représenter un « Dieu le Père » barbu sur des nuages accueillant les uns et les autres au fur et à mesure de leur « ascension ». Désirer le ciel, n’est-ce pas plutôt désirer du plus profond de son cœur être habité, déjà aujourd’hui, par l’amour tout puissant de Dieu et se laisser faire par lui ? Non pas le ciel à distance infinie, mais le ciel à portée de main, dans notre quotidien. Car il ne nous faut pas « rester à regarder vers le ciel » comme si tout était fini pour Jésus, et bientôt pour nous. Il ne nous faut pas rester la tête en l’air, mais partir, parcourir les villes et les villages, aller de chemin en chemin, pour « proclamer partout l’Evangile. » L’Ascension ne nous invite finalement pas tant à regarder le ciel, qu’à regarder la terre. N’est-ce pas ce que nous ferons tout à l’heure, avec la prière des rogations, aux quatre points cardinaux ? Nous aurons les pieds bien au sol, et nous prierons pour que les récoltes soient bonnes, pour que la création et tout être vivant soit respecté, pour que nous vivions en harmonie avec tout le vivant. Il ne nous faut pas tant regarder le ciel, que la terre. L’humus. Nous tourner vers celui qui est pétri de la terre : le terreux, l’Adam, vers l’Homme.

C’est bien le mouvement de Dieu. « Que veut dire : ‘il est monté ?’, demande Paul aux Ephésiens. Cela veut dire qu’il était d’abord descendu dans les régions inférieures de la terre. Et celui qui était descendu est le même qui est monté au-dessus de tous les cieux pour remplir l’univers. » Tu veux monter aux Cieux ? Descend. Descend encore. Va au plus bas, au plus bas de l’en-bas. Notre Dieu n’est pas le Dieu des hauteurs lointaines, mais de la proximité avec le plus inférieur. Même lors de son Ascension. Et c’est à l’Homme, à l’humanité, que les deux hommes en blanc renvoient les Apôtres, et nous avec eux.

C’est encore ce que suggère cette lettre de Paul qui nous est proposée à la méditation en ce jour d’Ascension. Pas de religion hors sol, pas de spiritualité brumeuse : « Ayez beaucoup d’humilité, de douceur et de patience, supportez-vous les uns les autres avec amour, ayez soin de garder l’unité dans l’Esprit par le lien de la paix. » Vous parlez d’une spiritualité éthérée, d’une Ascension loin des problèmes du quotidien ! Bien au contraire, c’est à nos relations les plus ordinaires que la fête de ce jour nous renvoie.

Et à notre vie en Eglise. Car si Jésus s’efface, c’est pour que nous devenions sa face, son visage. Si son Corps disparait, c’est pour que son Corps ressuscité, qu’est l’Eglise, poursuive sa mission et sa présence, son annonce et son action. Tous les textes de la Parole de Dieu aujourd’hui nous parlent de l’Eglise, appelée à « l’état de l’Homme parfait, à la stature du Christ dans sa plénitude. » Mais comme Jésus disparait au regard des Apôtres, il faut que l’Eglise prenne le même chemin que son Maître et disparaisse de ses prétentions, de ses propres hauteurs, de ses orgueils, pour laisser l’autre, l’Homme, être autre. Il n’y a d’acte d’amour véritable que dans l’abandon, la liberté et l’acceptation de ne pas retenir l’autre. Permettez-moi de citer un peu longuement Mgr Pierre Claverie, évêque d’Oran assassiné en 1996 et dont nous faisions mémoire avec toute l’Eglise hier 8 mai, qui ne dit pas autre chose, mais avec des mots autrement plus incisifs : « Elle se trompe, l’Eglise, et elle trompe le monde. N’est-il pas essentiel pour le chrétien d’être présent dans les lieux de souffrance, dans les lieux de déréliction, d’abandon ? Où serait l’Eglise de Jésus-Christ, elle-même Corps du Christ, si elle n’était pas là d’abord ? Je crois, qu’elle meurt de n’être pas assez proche de la croix de son Seigneur. Si paradoxal que ça puisse paraître, et Saint Paul le montre bien, la force, la vitalité, l’espérance, la fécondité chrétienne, la fécondité de l’Eglise viennent de là. Pas d’ailleurs ni autrement. Tout, tout le reste n’est que poudre aux yeux, illusion mondaine. Elle se trompe, l’Eglise, et elle trompe le monde lorsqu’elle se situe comme une puissance parmi d’autres, comme une organisation même humanitaire ou comme un mouvement évangélique à grand spectacle. Elle peut briller, elle ne brûle pas du feu de l’amour de Dieu, “fort comme la mort” dit le Cantique des Cantiques. Car il s’agit bien d’amour ici, d’amour d’abord et d’amour seul. Une passion dont Jésus nous a donné le goût et tracé le chemin : “Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime”. »

L’Evangile de ce jour le dit à sa façon : la proclamation de l’Evangile à laquelle l’Ascension de Jésus nous appelle, n’est pas d’abord déclamation de jolis mots ou de paroles toutes faites, elle est expulsion de démons, langues nouvelles, absorption de poisons mortels et bénédiction de malades. Elle est communion jusqu’à la misère, la tristesse et l’angoisse de l’Homme, par amour, et dans l’élan d’espérance qu’offre la résurrection et l’Ascension de Jésus. Elle est humilité, descente, pour être exalté à la droite de Dieu et entrer dans sa gloire.

En ce jour d’Ascension, ne restons pas à regarder le ciel, le nez en l’air ! Portons le regard à hauteur d’Homme : c’est là qu’est Dieu, c’est là qu’est le Ciel que nous désirons. Sûrs que le Seigneur travaille avec nous, confirme la Parole par les signes, et nous envoie l’Esprit de Pentecôte pour déployer notre confiance, notre audace et notre joie.

Amen.

P. Benoît Lecomte

Ascension et rogations à Charmant le 9 mai 2024

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