Homélie du jour de Noël, 25 décembre 2022, par le P. Benoît Lecomte

Barbezieux - Baignes - Barret

Publié le 24 décembre 2022

Il y en a, du brouhaha et des paroles, en notre monde. A en être saturés : télé, radio, réseaux sociaux, téléphone, sms, visio, injonctions en tous genres, invectives, ordres et contre-ordres, promesses d’avenir meilleur, publicités pour tout et pour rien. Il y a les paroles et les cris des enfants, les dialogues plus ou moins faciles au sein des couples, les pleurs des souffrants et des victimes de toutes les injustices et de tous nos systèmes inhumains. On parle pour ne rien dire, on regrette que « les gens n’arrivent plus à se parler », on fait des réunions pour en discuter. On négocie de pays à pays, on bluffe au cas où la parole aurait un peu de poids… Même le silence des sans-voix peut-être assourdissant pour qui sait tendre l’oreille. Il y a aussi, bien sûr et heureusement, toutes les paroles de paix, les paroles bonnes et constructives, les paroles de réconciliation, d’encouragement, de liberté, de dignité. Toutes les paroles de confiance qui relèvent et redonnent vie. Il y a bien « les pas du messager, celui qui annonce la paix, qui porte la bonne nouvelle, qui annonce le salut et vient dire à Sion : ‘Il règne, ton Dieu !’ » Il y a bien « la voix des guetteurs qui élèvent la voix tous ensemble en criant de joie ». Elles font parfois moins de bruit, chuchotements imperceptibles mais qui changent le monde et le ramènent à sa véritable hauteur. Au milieu du brouhaha ambiant.

Et dans la nuit, en cette nuit, un cri. Le cri d’un enfant. Un nouveau-né. Cri d’une naissance. Du jaillissement de la vie. Une Parole Nouvelle venue autant de Dieu que du sein d’une femme. Parole inouïe. « A bien des reprises et de bien des manières, Dieu, dans le passé, a parlé à nos pères par les prophètes ; mais à la fin, en ces jours où nous sommes, il nous a parlé par son Fils… expression parfaite de son être. » Point de verbiage ici. Point de brouhaha ou de cacophonie. Juste un cri, un cri inarticulé. Et un bébé, en qui Dieu se dit. Silencieusement. Et « le Verbe s’est fait chair. » La voilà, la Parole de toute éternité Créatrice, celle sans qui rien ne fut, celle qui fit les soirs et les matins, et les horizons sans fin.

Surgissement de Dieu, en un nouveau-né. Voici Dieu. Voici l’Homme.

En prenant chair de notre chair, Dieu ne révèle pas seulement lui-même. Il nous révèle aussi à nous-mêmes. Il révèle la grandeur de notre chair, la beauté de notre humanité. En prenant chair de notre chair, le Verbe réalise son projet ultime en nous le dévoilant : que toute chair devienne parole.

            On réclame souvent d’avoir la parole, ou de la prendre. L’incarnation à Noël, la naissance de Dieu en Jésus, nous dit autre chose. Il ne s’agit plus d’avoir la parole, mais de l’être – ou de la devenir. Tu es une parole. Tu es parole de Dieu, parole divine. Et ton voisin, aussi. Que nos vies soient paroles ! Paroles de vie, paroles d’amour, paroles à l’image de cet Enfant-Dieu né au milieu de la nuit – comme au milieu des nuits de ce monde, nuits parfois si obscures et ténébreuses, si lourdes et épaisses. Mais le Verbe s’est fait chair et par lui « la Lumière est venue dans le monde », et les ténèbres en ont été transpercées… Que nos vies soient paroles lumineuses qui chassent les ténèbres et apportent la paix !

Imaginez ce que cela pourrait donner, si nous prenions au sérieux la nouvelle de Noël. Si nos vies devenaient paroles divines, paroles du Verbe. Imaginez ce que cela pourrait donner dans notre rapport aux migrants, aux mourants, ce que cela pourrait changer entre les plus grands et puissants de ce monde et les plus petits et les plus pauvres. Imaginez ce que cela pourrait transformer dans notre entourage, dans nos familles, dans nos cercles de relations, entre nos pays, dans notre façon de vivre ensemble et avec tout le vivant présent dans l’immensité de la création… si le bavardage ou l’injonction sans écoute de l’autre laissait place à la Parole de chair, parole de vie partagée, à la parole lumineuse laissant l’autre devenir lui-même Parole… si un nouveau-né donnait le « la » à notre façon de vivre.

            Cela n’est pas une utopie. C’est pour cela qu’il « s’est donné pour nous », « pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien », disait Saint Paul en cette nuit. C’est cela que nous célébrons à Noël. Point de départ, s’il en était besoin, d’une transformation radicale de nos cœurs et de nos êtres, de notre monde. C’est ce que nous avons voulu nous entraîner à vivre durant notre temps d’Avent, en nous invitant les uns les autres pour partager le repas et l’évangile, pour partager nos paroles humaines et la Parole de Dieu, pour devenir paroles de vie les uns pour les autres, pour expérimenter en ces rencontres le jaillissement de la vie du dedans et d’au-delà de nous. Pour découvrir Dieu, en son incarnation, présent au-milieu-de-nous. N’arrêtons pas cet entraînement, cette transformation intérieure progressive.

            Nous sommes « nés de Dieu », annonce l’Evangile. « Pas nés du sang, ni d’une volonté charnelle, ni d’une volonté d’homme, mais nés de Dieu » ! Et « le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous », et il a habité en nous, pour que toute notre vie devienne Parole de Dieu et renvoie dans le monde et aux hommes la Lumière de Dieu. Entrons dans cette clarté, laissons-nous façonner par cette Parole. Eclatons en cris de joie avec tous les veilleurs. Cette nuit, un enfant est né, un fils nous a été donné, Dieu est entré en notre histoire.

Alléluia !

P. Benoît Lecomte

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