Homélie du dimanche 15 septembre 2024, par le P. Maxime Petit

Montmoreau - Blanzac - Villebois-Lavalette

Publié le 14 septembre 2024

Homélie prononcée à l’abbaye de Maumont

Chers frères et sœurs,

Depuis plusieurs années, je rêve de faire une expérience… me mettre un samedi après-midi au milieu de la rue piétonne d’Angoulême pour poser à tous ceux qui passent la première question que nous venons d’entendre : « à votre avis, qui est Jésus ? ». Malheureusement, sous prétexte d’un manque de temps, qui est en réalité un manque de courage, je n’ai jamais osé passer à l’acte.

Oh, je ne me fais pas d’illusion. Une petite minorité répondrait peut-être qu’il est un personnage historique. Quelques autres, qu’il est un maître spirituel – souvenons-nous du titre de Frédéric Lenoir paru il y a une quinzaine d’années et qui plaçait Jésus entre Socrate et Bouddha. Mais j’ai bien conscience que la grande majorité de nos contemporains seraient démunis face à une telle question.

Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que dans l’évangile, Jésus ne pose pas non plus cette question à la cantonade. Il la réserve à ses disciples avant de leur poser une question plus sérieuse encore : « et vous, que dites-vous, pour vous, qui suis-je ? »

Eh bien, chers frères et sœurs, faute d’avoir assez de courage pour le faire dans la rue piétonne, je me permets de faire aujourd’hui ce petit sondage, confortablement installé derrière cet ambon. Je vous propose que l’on prenne un instant de silence pour que chacun puisse recevoir personnellement cette question : « Pour vous, chers frères et sœurs, qui est Jésus ? »

Rassurez-vous, je ne vais pas donner à chacun un micro pour écouter toutes les réponses. Mais je suis prêt à parier que nous serions étonnés par leur diversité. Car, pour nous chrétiens, comme ce fut le cas pour les apôtres, cette question est très personnelle. D’ailleurs, plus on avance en âge, plus elle le devient. Car la fréquentation régulière de la prière nous donne de découvrir que Jésus n’est pas simplement un modèle extérieur, un maître de vie dont il faudrait imiter les faits et gestes. La prière nous fait expérimenter que la réponse à cette question en apparence très formelle devient, en raison de notre foi, éminemment relationnelle.

Certains, j’en suis sûr, on répondu dans le cœur en disant que Jésus était pour eux un AMI. Un homme que l’on apprend à découvrir à travers les Ecritures, mais qui est bien vivant. Jésus nous répond, comme un ami. Il nous met des coups de pieds au derrière quand on en a besoin, comme un ami. Il nous console quand la tristesse nous envahit, comme un ami. Oui, la relation fidèle avec Jésus nous donne d’entrer dans une compréhension intérieure de la parole en Jean 15 : « je ne vous appelle plus serviteurs mais amis » car tout ce qu’il a appris de son Père, il nous l’a fait connaître.

Pour d’autres, ce terme AMI ne paraît pourtant pas le plus approprié. Pour avoir déjà fait ce petit exercice, je sais que certains disent plus volontiers que Jésus est leur FRERE… Ce que Jésus lui-même ne démentirait pas, lui qui appelle frère, sœur et mère ceux qui font la volonté de son Père. Un frère, c’est celui que l’on ne choisit pas mais qui demeure à nos côtés. Un frère, c’est celui avec lequel on partage le même sang, la même lignée. Et Jésus est précisément ce Dieu qui s’est fait homme pour actualiser notre filiation avec le Père et faire de nous des frères et sœurs dans l’Eglise.

D’autres encore, et je m’adresse peut-être plus spécifiquement aux consacrés, considèrent peut-être Jésus comme leur EPOUX… Et c’est bien légitime… si cela est justement compris. Pour lui, les consacrés renoncent à une vie conjugale afin de lui réserver la meilleure part. Pour lui, ils tentent d’être le signe visible que Dieu SEUL peut combler le cœur humain. « Súscipe me, Dómine, secúndum elóquium tuum, et vivam, et non confúndas me ab exspectatióne mea ».

          Chers frères et sœurs, je souhaite de tout cœur que Jésus soit pour chacun d’entre nous un ami, un frère ou un époux. Peut-être les trois à la fois. Mais je voudrais que chacun de nous, aujourd’hui, se laisse aussi interpeller par la réponse de saint Pierre. Car à ce stade de l’évangile de Marc, au centre névralgique de celui-ci, le proche d’entre les proches ne qualifie pas Jésus comme son frère ou son ami, mais comme le CHRIST, le MESSIE tant attendu.

          Peut-être que ce terme ne nous est pas le plus naturel. Pour un Juif du premier siècle, il l’était certainement davantage. Mais il est intéressant de remarquer qu’à partir de cette appellation messianique, Jésus va commencer à enseigner ouvertement le sens de sa mission. Il faut que le Fils de l’homme souffre, qu’il soit rejeté, qu’il soit tué et qu’il ressuscite. Cela nous fait sortir instantanément du petit cocon confortable que l’on s’était constitué en considérant Jésus comme notre frère, notre ami ou notre époux.

          Par ces paroles, Jésus remet les choses dans l’ordre. Il refuse de se laisser enfermer dans une relation humaine, trop humaine peut-être, ce qui nuirait à la juste compréhension de sa mission. Face à la réprimande déplacée de Pierre, il lui répond avec dureté : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes ».

          Sans pour autant annuler tout ce que j’ai dit dans la première partie de mon homélie, je crois que cette seconde phase de du dialogue est bien nécessaire pour la rééquilibrer. Car la proximité avec le Christ, favorisée par la contemplation de sa douceur dans les évangiles, pourrait nous donner la tentation, à nous aussi, de nous l’approprier, de devenir tellement familier avec lui que l’on en viendrait à l’étreindre dans les limites de notre conscience humaine. Or, s’il y a bien une chose que Jésus refuse, c’est de se laisser enfermer. On ne peut mettre la main sur lui ! On ne peut le saisir ! Il se dérobe toujours face à une telle entreprise. Et c’est LUI qui nous saisit pour nous ouvrir à un nouveau mode de relation avec lui. Il se fait intimement proche sans cesser d’être le Tout-Autre, le Dieu Créateur et Sauveur.

          C’est, me semble-t-il, le sens profond de cette violente réprimande dont Pierre fait l’objet. Par-là, Jésus montre à ses disciples le sens profond de sa mission. En se faisant l’un de nous, il devient le CHRIST, le MEDIATEUR, le SAUVEUR de toute la création. Et comment le réalise-t-il ? En donnant sa vie sur la croix… et en nous associant à ce don : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, révèle-t-il aujourd’hui, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Evangile la sauvera ».

          Ce mystère, chers frères et sœurs, n’épuisera jamais notre contemplation. Cette Parole nous ébranlera toujours ! Et heureusement ! Car Jésus, en se faisant notre frère, notre ami, notre époux, est toujours plus que cela. La folie de la croix en est le signe douloureux. Par son Incarnation, Jésus se fait proche de chacun de nous. Par sa mort sur la Croix, il nous révèle jusqu’où il est prêt à aller par amour. Et par sa résurrection, il accomplit notre salut. Oui, Jésus s’est fait notre frère et notre ami. Mais pour nous révéler notre vocation profonde : l’aimer comme le Dieu qui a donné sa vie et, à sa suite, donner notre vie par amour. Car il n’y a pas de plus grand amour que cela, « donner sa vie pour ceux que l’on aime ». Amen.

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