« Que devons-nous faire ? » Les foules se pressent autour de Jean-Baptiste, avides de réponses à cette question que nous nous posons finalement tous. Que devons-nous faire dans ce monde qui est le nôtre aujourd’hui ? Que devons-nous faire pour arrêter d’abimer la planète ? Que devons-nous faire pour plus de justice sociale ? Que devons-nous faire dans telle ou telle situation ? Que devons-nous faire quand on est parents, avec nos enfants ? Que devons-nous faire aussi dans notre vie chrétienne, pour que la vie de l’Eglise, marquée par tant de scandales et de défis, soit davantage fidèle à l’Evangile ? Quand le pape lance un synode invitant chacun de nous à participer, il ne pose pas d’autre question que celle-ci : « Que devons-nous faire ? » Et Jean-Baptiste de répondre à chacun, selon sa condition, aux publicains, aux soldats, etc. Répondant finalement par un appel à toujours plus de partage, de justice, d’attention aux petits et aux pauvres. Et nous entendons ces réponses aussi pour nous.
Ces réponses sont intéressantes, elles sont importantes, mais elles ne nous suffisent pas. Si elles nous suffisaient, nous nous arrêterions à la figure de Jean-Baptiste et à une morale honnête dont personne, même sans être chrétien, n’est dispensé. Mais Jean-Baptiste ne nous arrête pas à lui, il désigne le Messie et tourne nos regards vers Lui. Lui qui ne baptise pas « avec de l’eau », comme Jean, mais « dans l’Esprit Saint et le feu ». Et nous, nous n’avons pas reçu le baptême d’eau de Jean Baptiste, mais le baptême de la Pâque de Jésus, dans l’Esprit Saint et le feu. Or Jésus, nous dit Jean-Baptiste, tient dans sa main « la pelle à vanner pour nettoyer son aire à battre le blé. » Une pelle à vanner, c’est un outil qui permet, après la moisson, de faire le tri dans le blé entre le grain et la poussière, la paille, l’enveloppe du grain. Le grain, il faut le garder. Le reste, il faut le jeter, et pourquoi pas le brûler.
Jésus vient faire ce tri en nous. Il vient nous secouer comme on secoue le blé, pour nous libérer, nous désencombrer de tout ce qui ne sert à rien, de tout ce qui est inutile. Pour nous préparer à la fête de Noël, pour accueillir dans l’enfant de la crèche Dieu qui se donne à nous, que devons-nous faire ? Nous laisser secouer par le Christ, le laisser nous libérer de l’encombrant qui nous empêche de le rencontrer. Et le laisser creuser en nous le désir.
Car c’est ainsi que Dieu se donne à nous. “Le peuple était en attente”, lisons-nous dans l’Evangile. Comme nous aussi, nous sommes en attente. Mais Dieu ne vient pas combler un manque, il vient creuser le manque. Il ne vient pas combler un désir, il vient creuser le désir. Dieu ne se donne pas à nous en nous gavant. Dieu ne sature pas ceux qu’il rencontre. Il se donne dans le retrait. Il ne s’impose pas à nous pour nous contraindre à lui, il nous donne de devenir qui nous sommes en nous renvoyant à nous-mêmes et à notre humanité, en nous rendant auteurs de notre vie. L’Amour ne nous remplit pas à saturation, il creuse en nous le désir de plus d’Amour, de plus de fraternité, de plus d’humanité, de plus de joie.
Cette joie dont parlent le prophète Sophonie et l’apôtre Paul. « Réjouis-toi, de tout ton cœur bondis de joie ! » « Frères, soyez dans la joie du Seigneur ; je le redis : soyez dans la joie. » En ces temps un peu difficiles et troublés où nous cherchons ce que nous devons faire, en ces journées un peu courtes à cause d’une nuit qui tombe tôt, nous avons soif de joie. Alors nous allumons des guirlandes de lumière, nous passons de la musique aux haut-parleurs des rues, nous voulons partager, dans notre chalet paroissial de Noël, un peu de café et de vin chaud pour nous retrouver ensemble et nous ouvrir aux autres. Mais à travers tout cela, c’est de la joie du Seigneur, de la joie du cœur que nous avons soif.
Le temps de l’avent, de préparation à Noël, est le temps idéal pour creuser en nous le désir de cette joie, ou plutôt pour laisser le Christ creuser en nous ce désir profond. Le laisser creuser en nous car comme le dit Sophonie par deux fois : « Le Seigneur est en toi, tu n’as plus à craindre le malheur. » « Le seigneur ton Dieu est en toi, il apporte le salut. » Le Seigneur est en toi. C’est là que tu peux le trouver. C’est là, en toi, qu’il tient la pelle à vanner pour te libérer de ce qui t’encombre. C’est là qu’il vient te rencontrer pour se faire connaître à toi et creuser encore et encore en toi le désir de le suivre.
Si cette rencontre te met en joie, écoute la suite de l’écrit du prophète Sophonie : « Le Seigneur aura en toi sa joie et son allégresse ! » Oui, le Seigneur lui-même trouve sa joie en étant en toi ! Et « il te renouvellera par son amour, il exultera pour toi et se réjouira, comme aux jours de fête. »
Alors pour nous préparer à Noël, ne lui demandons pas ce que nous devons faire, mais demandons-lui ce que nous devons laisser tomber dans nos vies, nos paroles, nos pensées, nos actions, et demandons-lui de faire le tri en nous, pour creuser le désir de la vraie joie et de la vraie rencontre, et pour accueillir sa présence au creux de notre humanité.
Amen.
P. Benoît Lecomte
Une réponse sur « Homélie du dimanche 12 décembre 2021, par le P. Benoît Lecomte »
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