Homélie prononcée à Barbezieux pour la célébration de la Parole

Qu’est-ce que veut dire « Jésus est le Chemin », sinon qu’il faut que nous nous mettions nous-mêmes en route ?

En route, nous le sommes… ou nous voulons l’être. Depuis notre naissance, depuis notre baptême, depuis le début de cette année pastorale au cours de laquelle nous réentendons et méditons si souvent ces paroles dites à Abram : « Quitte ton pays et va vers le pays que je te montrerai. » La mise en route, nous l’avons mieux comprise avec la rencontre de Florencia pendant le carême, et l’échange sur l’accueil des migrants.

Ce week-end encore, comme en un sommet de cette année pastorale pour notre doyenné, 120 d’entre nous se sont mis en route. Ils ont quitté la douceur du train-train du week-end, le confort de leur habitation et de leur horizon, parfois les réjouissances déjà prévues dans leur agenda, et ils sont partis. A Lourdes, pour aller à la Source. Ils ont pris la route, en chemin.

En chemin comme l’est toute l’Eglise en ce temps synodale, inaugurant une nouvelle façon de vivre les relations en son sein et avec le monde, plus ajustées à l’Evangile.

En chemin, ceux qui sont restés en Sud Charente le sont aussi. Car il ne suffit pas de prendre la voiture, le bus ou son bâton de pèlerin. On peut rester dans sa chambre d’hôpital, dans sa cellule carcérale ou dans son cadre ordinaire, et être plus en chemin que ceux qui sont physiquement partis. Car le chemin est déplacement du cœur, avant d’être du corps. N’est-ce pas à ce déplacement que nous invite le Christ ce matin, que l’on soit à Lourdes ou ici en Sud Charente ?

Les disciples sont décontenancés. Ils ne comprennent pas ce que Jésus essaie de leur dire. Lui, le Chemin, est lui-même en mouvement. « Je pars », leur annonce-t-il. « Je pars vous préparer une place. » Et il les met en mouvement. Il n’y a pas de suite du Christ sans déplacement intérieur, sans incompréhension, sans départ de ses propres positions pour vivre une aventure… qui nous mène… vers le Père.

Jésus est le Chemin. Mise en route.

Il est aussi la Vérité. L’Homme est Vérité. L’Homme en chemin, l’Homme tout entier uni au Père, est Vérité. Qu’est-ce que cela veut dire, sinon qu’il n’y a pas d’autre Vérité à chercher ailleurs qu’en l’Homme, en cet Homme qui nous révèle qui nous sommes dans le projet et le cœur du Père ? La Vérité est Homme et Parole, Parole faite Homme. Et « la Parole de Dieu était féconde », nous rapportent les Actes des Apôtres. Parce qu’elle révèle les hommes à eux-mêmes, et à leur vocation, et à leurs relations, et à leur but : « Annoncer les merveilles de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière », disait Saint Pierre. Voilà la Vérité de ta vie, de toute ta vie. Pas de ta vie de croyant, ou de « pratiquant », ou de pèlerin, mais de ta vie dans toutes ses dimensions, à l’image de la vie de Jésus, le Christ.

La Vie, il l’est, aussi. Au commencement était la Vie. Et la Vie n’a pas de fin. Elle est puissance, jaillissement de l’Amour du Père.

Les pèlerins de Lourdes sont partis à la Source de cette Vie, en communion avec toutes celles et tous ceux qui sont ici – car il n’y a de Vie véritable que dans la communion universelle de tous les vivants. Ils sont partis à la Source, petite source de Lourdes creusée par une enfant, qui ne cesse depuis de rassasier des foules et des foules de tous les horizons. Image de la Source du baptême en laquelle nous avons été immergés. Image de la Source qu’est le Christ Jésus lui-même, que la Vierge Marie ne cesse de désigner pour nous tourner vers Lui. Il est la Vie car en lui la mort n’a aucune prise. Il est la Vie car il ne la garde pas jalousement, mais l’offre à toute femme, à tout homme qui a soif et qui veut vivre.

Ce matin même, par le geste de l’eau, les pèlerins ont replongé à la source de leur baptême. En communion avec eux, nous pouvons dire cette prière qu’ils disent eux-mêmes et qui renouvelle notre désir de suivre Celui qui est le Chemin, la Vérité et la Vie, en nous mettant en route, en le laissant nous révéler à nous-mêmes, en accueillant sa puissance de vie en nous :

Père,
Nous te rendons grâce de nous avoir choisis et comblés de tes bénédictions.
Par le baptême et le don de ton Esprit, tu as fait de nous, en Jésus, tes enfants bien-aimés.
Aujourd’hui, comme tu nous l’inspires, avec tout l’amour que tu as répandu en nos cœurs, par Marie, avec elle et comme elle, nous disons oui à notre baptême.
Seigneur Jésus, donne-nous la force de le vivre généreusement.
Que ton Esprit nous renouvelle afin que sous son inspiration, nous vivions de l’Evangile, à la suite du Christ aussi fidèlement que nous le pouvons, selon la vocation que tu as confiée à chacun.
Esprit Saint de Dieu, voici nos vies, nous te les consacrons et nous nous livrons à toi.
Saisis-nous tout entier pour qu’en ton Eglise, peuple de Dieu en marche venu ce matin se renouveler à la Source, nous témoignions par toute notre vie  de la résurrection de ton Fils.

Nous te le demandons, Père, par Lui, Jésus, ressuscité et vivant pour toujours avec toi et dans la communion de l’Esprit Saint.

Amen.

P. Benoît Lecomte