Homélie du 5 novembre 2023, par le P. Benoît Lecomte

Barbezieux - Baignes - Barret

Publié le 5 novembre 2023

« Ils disent et ne font pas. » Voilà la terrible critique que nous entendons et que nous pouvons aussi exprimer, bien souvent. Elle est formulée à l’égard des femmes et des hommes politiques, de toutes celles et tous ceux qui ont un peu de pouvoir ou d’autorité dans les associations ou les entreprises, elle l’est encore à l’égard des prêtres et de tout le système religieux, quelques soient les religions – c’est le cléricalisme que dénonce le pape à longueur de discours. Elle émise à l’égard des parents par leurs enfants qui voient toutes les contradictions, surtout celles qu’on veut cacher. Elle l’est à l’égard des chrétiens « qui vont à la messe et qui ne sont pas cohérents en sortant de l’église », entend-on trop souvent.

L’expression est terrible. Parce que dirigée vers les autres, elle assassine, elle réduit, elle condamne, elle rabaisse. Elle est aussi terrible parce qu’avec un peu d’honnêteté, elle peut être dirigée contre soi-même, et elle devient source de culpabilisation, de dénigrement de soi, de perte de confiance, de découragement. Avouons-le humblement : oui, nous disons et nous ne faisons pas toujours ce que l’on dit. Oui, il y a un écart entre ce que je dis et ce que je fais : le prédicateur est le premier à qui l’on prêche. La critique de Jésus ne dézingue pas uniquement les scribes et les pharisiens, elle prend tout le monde dans son mouvement et renvoie chacun à soi-même, à sa propre attitude, à son propre discours, à sa propre cohérence.

Mais loin de nous lamenter à cause de cette critique, nous pouvons entendre une bonne nouvelle et un appel fort à la lecture de cette page d’Evangile.

La bonne nouvelle, c’est l’attente du monde, l’attente profonde de l’homme, que Jésus exprime et qui nous saute aux yeux. La conséquence de cet écart entre la parole et l’agir, c’est la décrédibilisation. L’Evangile que nous prêchons ne vaut rien, puisque nous-mêmes ne sommes pas capable de la mettre en pratique. Nos prières ne sont que des façades pour nous donner bonne conscience, puisque nous sommes capables d’être des crapules juste après. Nous ne sommes pas crédibles. Or, le monde attend de recevoir un témoignage crédible. Rappelons-nous des grandes figures chrétiennes dont la voix a porté : les Abbé Pierre, Sr Emmanuelle ou Mère Teresa. Faisons mémoire aussi de telle ou telle personne, et je suis sûr que nous en avons tous croisé, pour qui nous pouvons dire que c’est « une grande et belle personne » justement grâce à ce qui paraît être cohérent, lumineux et joyeux en elle.

Nous savons bien que dans l’éducation de jeunes ou d’enfants, que l’on soit parents ou éducateurs, cette cohérence entre le dire et le faire est primordiale. A la fin du Synode sur les jeunes en 2019, les jeunes décrivaient avec beaucoup de clarté les caractéristiques et les qualités qu’ils espèrent trouver chez un accompagnateur, et notamment : « quelqu’un qui reconnaît ses limites et comprend les joies et les peines d’un chemin de vie spirituelle. A leurs yeux, la recon­naissance de leur humanité et de leur vulnéra­bilité revêt une particulière importance. Parfois les accompagnateurs spirituels sont mis sur un piédestal, et cela a un impact dévastateur qui ruine la capacité des jeunes à continuer leurs engagements dans l’Eglise » (Christus Vivit 246). L’attente exprimée des jeunes rejoint l’attente du monde, et son désir, peut-être, de simplicité et de vérité : ne pas faire croire que l’on est des surhommes, mais accepter de se montrer avec ses faiblesses et ses vulnérabilités, accepter de se montrer soi-même en chemin, en construction, en conversion permanente. En critiquant notre attitude de chrétiens (pour ne reprendre que cet exemple), le monde dit son désir profond qui va à l’inverse de la puissance et de la gloire mal placée. Nous pouvons rendre grâce pour ce désir profond. Ceci est une bonne nouvelle, qui peut nous aider à grandir en humilité et en paix avec soi-même et avec les autres dans toutes nos relations. « Qui s’abaissera sera élevé. » Invitation à une véritable fraternité.

            Cette bonne nouvelle et cette invitation à la fraternité se prolongent quand Jésus demande ne pas se faire appeler « père » ou « maître » parce qu’un seul est Père et Maître. Autrement dit, ne pas se mettre à la place de Dieu, ne pas se prendre pour la source. « Si vous n’écoutez pas, si vous ne prenez pas à cœur de glorifier mon nom », mettait en garde le Seigneur par la bouche du prophète Malachie. Un appel à recevoir, avec la force que porte en elle la Parole de Dieu : se mettre à l’écoute du Seigneur, avoir les yeux rivés sur Lui en non sur soi, son image, son apparence, son standing à tenir, sa réputation ou sa fonction. Notre modèle, c’est le Christ. Non pas modèle moral, mais modèle de dynamique de vie, d’une vie qui s’abaisse et s’efface pour laisser toute sa place à la Vie du Père. Modèle d’une vie qui descend jusqu’à la mort pour que la puissance de résurrection soit manifestée. Modèle d’une vie qui ne garde rien pour elle mais qui donne tout et se donne elle-même par amour, en allant jusqu’au bout de l’amour, de l’exigence et de la vérité de cet amour. Il est, Lui, Jésus, celui qui révèle notre vérité parce qu’en lui, se manifeste une cohérence parfaite entre la parole et l’action, entre ce qu’il dit et ce qu’il fait : sa parole, sa présence, son action et son être ne font qu’un. En le contemplant, nous découvrons un autre bonheur que celui des places d’honneurs : celui auquel notre cœur nous appelle, celui du service des frères, celui de l’amour des autres.

            Que la Parole de Dieu convertisse elle-même notre cœur et nous donne de devenir des frères et des sœurs de tous, disciples et témoins joyeux et vrais de la vie du Père au milieu de notre monde.

Amen.

P. Benoît Lecomte

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