Je confesse que j’ai pu faire un peu moins de vélo ces dernières semaines, à cause d’un emploi du temps bien chargé et parfois d’une météo peu encourageante. Mais j’aime toujours autant me balader en ce Sud Charente. Et ce que je préfère en vélo, contrairement à beaucoup d’autres, ce sont les dénivelés, les montées en particulier. Celles qui donnent de s’élever et nous mènent vers des paysages parfois somptueux, des horizons larges, des lumières magnifiques. En revanche, il faut bien le reconnaître, c’est aussi ce qui est le plus fatiguant pour le corps, qui durcit les muscles et essouffle les poumons. Bref, ce qui fait le plus souffrir et transpirer.
Or la volonté de Dieu est justement que nous ne souffrions pas trop dans nos vies, que nous ne transpirions pas à longueur de journées. Nos vies, c’est vrai, sont parfois comme ces routes de notre territoire, avec des hauts et des bas, des côtes que l’on peut trouver trop raides et trop fatigantes, des descentes trop dangereuses ou qui nous mènent trop bas. Les défis, les crises, les difficultés de toutes sortes nous rejoignent sans que nous ayons à sortir le vélo du garage. Mais ce n’est pas le projet de Dieu pour nous. Ce n’est pas ce qu’il veut pour nous. Au contraire, il veut nous faciliter la vie, la fluidifier, la rendre plus simple. « Dieu a décidé que les hautes montagnes et les collines éternelles seraient abaissées, et que les vallées seraient comblées : ainsi la terre sera aplanie, afin qu’Israël chemine en sécurité dans la gloire de Dieu », clamait Baruch. Ce que Jean-Baptiste reprenait devant les foules, ajoutant que« tout être vivant verra le salut de Dieu. »
Sur notre chemin d’Avent, de préparation à Noël, voilà le travail que Dieu veut faire en nous. Un travail que nous devons accepter que Dieu fasse, et cela est aussi un véritable travail intérieur, une préparation intérieure, un temps de conversion et de mise en disposition jusqu’à « voir le salut de Dieu. » Et le voir et le reconnaître non dans ce que nous en attendons spontanément, mais dans le fragile enfant de la crèche.
Comment ce travail peut-il se faire ? Peut-être n’arriverons-nous pas à être « purs et irréprochables pour le jour du Christ », comme nous y invite Saint Paul. Mais le même Saint Paul nous rassure aussi : « J’en suis persuadé, celui qui a commencé en vous un si beau travail le continuera jusqu’à son achèvement au jour où viendra le Christ. » Et il continue, indiquant quelques pistes qui nous sont désormais offertes : « Je demande que votre amour vous fasse progresser de plus en plus dans la pleine connaissance et en toute clairvoyance pour discerner ce qui est important. »
Progresser dans la pleine connaissance et en toute clairvoyance pour discerner ce qui est important. C’est ce que le pape François nous invite à vivre avec cette démarche synodale à laquelle nous sommes toujours tous invités à participer. Dans nos groupes constitués, avec des amis croyants ou incroyants : nous mettre ensemble à l’écoute les uns des autres et de Dieu pour discerner ce qui est le plus important dans l’Eglise du Christ. Non pour notre confort personnel, mais pour qu’en Eglise nous puissions vivre notre mission d’action de grâce, de témoignage et de service. Et je vous encourage vivement à participer à cette démarche, par amour de l’Eglise et parce qu’aimer l’Eglise, c’est aimer le Christ et la vouloir plus belle et plus fidèle à son identité et à sa mission, c’est vouloir se rapprocher du cœur du Christ.
Progresser pour discerner ce qui est important, c’est aussi ce qui peut se vivre dans nos familles, dans nos cercles de relations, dans notre investissement professionnel ou dans nos différents engagements. Nous découvrirons peut-être que nous donnons beaucoup d’importance à ce qui n’en a pas tant ou qui peut être relativisé, qu’à l’inverse une dimension un peu délaissée est en fait fondamentale… Pourquoi ne pas prendre un peu de temps, pendant cet Avent, pour nous arrêter, personnellement et à quelques-uns, le Seigneur au cœur, pour échanger sur ce qui est important pour chacun, ce qui nous nourrit, nous embellit, nous construit, ou nous détruit ? Prenons le temps de nous parler, d’écouter les silences, entre parents et enfants, entre paroissiens aussi… là se trouvent à ne pas douter des chemins tortueux à rendre droits, des conversions à vivre, des regards à transformer, des élans d’accueil et d’amour à retrouver.
La démarche de parrainage que nous entamons ce week-end en vue de Noël nous indique encore un lieu d’importance pour apprendre ensemble à accueillir L’Enfant Dieu. Tant de personnes âgées éprouvent la solitude et l’isolement. En acceptant de prier pour l’une d’entre elles, de lui envoyer quelques pensées positives, de lui témoigner d’un peu d’attention et d’amitié, notre cœur s’élargira et celui qu’on nomme « Paix-de-la-justice » viendra se révéler au plus profond de nous. Cette démarche nous fera découvrir ce que nous savons déjà de façon intellectuelle et qu’il nous faut toujours expérimenter dans la vérité de notre histoire : qu’il n’y a rien de plus important que les relations que nous pouvons faire germer, tisser, nouer, entretenir. Et que ce sont elles qui nous font grandir en humanité, dans le projet que Dieu porte pour chacun de nous.
Adaline, par le baptême dans lequel tu vas être plongée et par l’onction d’huile dont tu vas être marquée, tu vas recevoir l’Esprit Saint en toi. C’est lui qui fait ce travail de discernement en nous et qui nous indique ce qui est important et ce qui ne l’est pas, autant que nous nous mettons à son écoute. C’est lui qui fera vivre le Christ en toi, comme il le fait vivre en chacun de nous. Pour que tu apprennes à le découvrir et à l’aimer, à le rencontrer et à le suivre, à l’écouter et à témoigner de lui et de sa Bonne Nouvelle pour notre monde.
Pendant ce temps d’Avent, ne nous lançons pas forcément dans de plus grands travaux et de plus grandes aventures : notre aventure (notre Avent – ure) est là, dans notre capacité à laisser Dieu travailler en nous et préparer nos cœurs à le recevoir, à l’accueillir et à le louer.
Amen.
P. Benoît Lecomte
Une réponse sur « Homélie du 5 décembre 2021 par le P. Benoît Lecomte »
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