Homélie du 29 janvier 2023, par le P. Benoît Lecomte

Barbezieux - Baignes - Barret

Publié le 29 janvier 2023

Il n’y a qu’à suivre les informations, qu’à regarder les bien nommés « rapports de force » qui sous-tendent bien de nos relations et notre façon de vivre, il semble que le plus important soit souvent d’en avoir le plus. Plus d’argent, plus de pouvoir, plus de persuasion, plus de conviction, plus de motivation, plus de moyens, plus de monde, etc. Tant dans le rapport entre les nations qu’au sein de notre nation, dans les tensions qui peuvent naître un peu partout, c’est bien le plus fort qu’il faut être. On n’imagine pas une lettre de motivation indiquant rechercher la tranquillité : pour emporter le poste, il faut être le meilleur. On encourage nos enfants à avoir les meilleures notes, à progresser dans le sport ou la musique, on cherche à se démarquer des autres en faisant percevoir sa supériorité. Avouons-le, pour réussir, il vaut mieux être « sage aux yeux des hommes, puissant ou de haute naissance. »

Ces remarques pourraient n’être que des constats de comptoir, si d’une part nous ne comprenions pas que cette situation entraine une forme de violence intérieure et entre les personnes, et si d’autre part nous n’entendions pas la Parole de Dieu nous proposer un autre style de vie. « Je laisserai chez toi un peuple pauvre et petit », prophétise Sophonie. A notre Eglise qui ne cesse de se rêver toujours plus grande, plus nombreuse, plus riche, plus jeune, aussi imposante « qu’avant », la prophétie tombe comme un coup de bambou. Notre rêve n’est pas celui de Dieu. Ou plus exactement, la richesse et la grandeur ne sont pas les moyens que Dieu choisi pour faire grandir son peuple. Etrange logique, désarmante. Tout autant que le sont ces béatitudes, qui renversent toutes les logiques de nos relations humaines.

Mais avec elles, s’efface la violence et s’installe la paix. C’est ce que nous pouvons percevoir si nous laissons descendre en nous-mêmes les mots de ces béatitudes, et si nous projetons toutes nos relations à leur lumière. « Heureux les pauvres de cœur. Heureux ceux qui pleurent. Heureux les doux. Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice. Heureux les miséricordieux. Heureux les cœurs purs. Heureux les artisans de paix. Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice. Heureux êtes-vous si l’on vous insulte à cause de moi… » Laissons résonner au plus intime de nous-mêmes ces béatitudes, qui sont comme autant d’appels intérieurs, d’appels de Dieu à notre conscience, à notre intelligence, à notre cœur. Ne les laissons pas passer trop vite comme une musique trop entendue, comme des mots connus par cœur. Laissons-les nous pétrir, nous façonner, et nous façonner encore. Faisons-en les murmures de notre prière pour toutes les femmes et tous les hommes de notre temps, pour tous les cœurs empêtrés dans tant de violences, pour tous ceux pris dans les conflits de toutes sortes.

Il y a dans ces mots un secret. Jésus nous délivre un secret. Le secret de Dieu pour que nous soyons heureux. Le secret de Dieu pour que nous vivions heureux. Ensemble. Un secret aussi pour notre Eglise, à l’intérieur d’elle-même et pour son rapport avec les autres. Un secret pour « les fous que Dieu a choisis », dirait Saint Paul. Ceux qui sont « faibles pour confondre les forts, modestes et méprisés pour réduire à rien ce qui est. » Et si, pour l’Eglise, quand nous parlons d’elle, quand nous nous reconnaissons d’elle, quand nous rêvons d’elle, nous cherchions d’abord à entrer dans le portrait que dressent ces béatitudes ? Et si nous prenions le chemin d’une Eglise pauvre de cœur – et pas seulement installée dans ses certitudes et ses dogmes –, d’une Eglise qui sait pleurer – et pas seulement consoler –, d’une Eglise faite de douceur – et pas nécessairement installée dans des rapports de forces tant intérieurs qu’avec l’extérieur –, d’une Eglise qui a faim et soif de justice – jusque dans ses propres fonctionnements –, d’une Eglise miséricordieuse – et non condamnante – d’une Eglise au cœur transparent et artisan de paix ? Le chemin d’une Eglise qui se laisse jusqu’à être insultée à cause de la grandeur de l’Homme et de l’Amour que Dieu porte à chacun ? Et si ces Béatitudes, loin d’être un code moral que d’aucun pourraient imaginer, était le secret que Dieu nous donne pour faire de son Eglise le Peuple qu’il veut conduire au cœur du monde, pour devenir signe de la révolution de l’Evangile et du Royaume de Dieu déjà présent au milieu de nous ?

            « Cherchez le Seigneur », commençait Sophonie. Soyons en état de recherche, d’avancée, d’aventure sur ce chemin de vie, de paix et de bonheur. Sur ce chemin où Dieu se laisse trouver à mesure que notre cœur se décentre de lui-même pour se mettre au diapason de l’autre et du Tout-Autre. Et que l’Evangile des béatitudes resplendisse sur nos visages et notre façon de servir le monde, nos frères et sœurs et toute la création.

            Amen.

P. Benoît Lecomte

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