Que n’a-t-on pas déjà raconté et commenté de cette page inépuisable de l’Evangile ? Plutôt que de la commenter à nouveau sans apporter quoi que ce soit de neuf, qu’il nous soit donné de l’intérioriser et de la vivre, de la faire notre et d’en découvrir l’expérience qu’elle propose.

En ce temps pascal, laissons-nous rejoindre par le Christ ressuscité, qui faisant route avec nous, ouvrant les Ecritures, partageant notre table et notre pain, nous donne de resusciter à notre tour et de vivre de sa joie.

Je pense à toi, Konrad, qui va être plongé dans un instant dans l’eau du baptême pour vivre avec Lui, Jésus, passé de la mort à la vie. Puisse-t-il te rejoindre et prendre tout de ton humanité, pour que tu connaisses sa joie, qui n’enlève rien aux tristesses et aux malheurs de ce monde, mais ouvre à une espérance et une présence plus forte et plus réelle.

Je pense à toi, Jade, et à toi, Grâce-Marie, qui faites ce matin au milieu de nous un premier pas sur le chemin de votre baptême. Inévitablement, si vous entamez ce chemin, c’est que vous vous êtes déjà laissés rejoindre, mystérieusement, par le Christ ressuscité, au milieu de vos questions, de vos projets, parfois aussi de votre tristesse, comme les disciples de l’Evangile. Continuez de le laisser parler à votre cœur et à votre intelligence, laissez-le vous ouvrir les Ecritures qui le révèlent dans les creux de notre histoire, laissez-le vous conduire jusqu’à l’auberge où il vous attend pour partager le pain de la route, le pain de l’eucharistie. Laissez-le réchauffer votre cœur jusqu’à ce qu’il devienne brûlant de lui, brûlant d’amour.

Je pense à vous, jeunes professionnels qui vous préparez à partir aux JMJ, en ce week-end que nous passons ensemble pour faire connaissance. Ici encore, laissez le Christ vous rejoindre dans votre histoire, dans vos projets, dans vos questions et vos inquiétudes. Laissez-le vous conduire jusqu’à Lisbonne au milieu de la foule innombrable des autres jeunes du monde entier, figure d’une Eglise et d’une humanité réconciliées. C’est là qu’il se donnera à vous en partage « pour la multitude », et pour que votre témoignage porte jusqu’aux extrémités de la terre.

Je pense à vous tous – à nous tous – chrétiens de plus ou moins longue date, trop souvent enfermés dans nos petites affaires, dans les tristesses du quotidien, de notre petite vie d’Eglise ou étriqués par les inquiétudes de notre société. « De quoi discutiez-vous en marchant ? Ils s’arrêtèrent tout tristes. » « Et nous qui espérions ! » Espoirs déçus. Terrible désespérance de nos esprits et de nos cœurs. Mais le ressuscité passe par là. Pas en super héros, pas de façon tonitruante, sans grand signe ou prodige, sans même se laisser reconnaître au premier regard. Mais il est là. Au milieu de la tristesse, sa présence sèche les larmes. Sa Parole remet en route et ouvre le chemin.

Il n’est peut-être pas là comme nous aurions aimé qu’il le soit : « Nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël. » Nous espérions – et peut-être l’espérons-nous encore secrètement – qu’il rétablirait sa royauté, qu’il rendrait l’Eglise forte, nombreuse et vigoureuse, qu’il nous épargnerait les tracas, les malheurs, les guerres et les maladies, qu’il imposerait sa justice et sa paix. Mais rien de tout cela. A quoi cela sert d’avoir la foi, A quoi servent nos prières ? Pourquoi espérer encore ? Tout cela n’est-il pas illusion ?

C’est que sa seule victoire – mais elle est définitive et elle embrasse tout – est le tombeau ouvert. La vie passe, jusqu’au travers de la mort. Sauras-tu la voir ? Ouvrir les yeux pour la découvrir, la contempler, l’accueillir et la faire tienne ?

Les disciples de l’Evangile en font l’expérience… en écoutant Jésus parler. Ecouter la Parole, voilà qui ouvre les yeux et le cœur. Non pas l’écouter comme un fond sonore de télé ou de radio, comme des récits connus par cœur ou au contraire réservés à des spécialistes de la Bible, mais l’écouter avec le cœur, et le cœur devenant tout brûlant progressivement. Ecouter sa Parole à le rendre Présent, à le voir et le reconnaître là, lui, au milieu de nos tristesses, de nos questions et de nos lamentations. A le reconnaître sur nos propres chemins, faisant route avec nous au milieu des événements du monde et de nos vies. Ecouter de l’intérieur, jusqu’au partage du pain, jusqu’au partage de Lui. Non comme une apothéose mais comme un envoi joyeux : « A l’instant même, ils se levèrent et retournèrent à Jérusalem retrouver les onze apôtres et leurs compagnons. » Sans même avoir mangé le pain, tellement le cœur était brûlant ! « Marie se leva en hâte et partie », répond le thème des JMJ de cet été. Partir en hâte, parce que nourris de la Parole, la Parole accueillie comme nourriture : « ce n’est pas seulement de pain que l’homme doit manger, mais de toute Parole qui sort de la bouche de Dieu », disaient les anciens.

Nous sommes de ces disciples, sillonnant le monde et nos vies. Apprenons des compagnons d’Emmaüs à nous laisser rejoindre par le Christ ressuscité, à l’écouter et à nous laisser revivifier par Lui. Il ouvre nos cœurs et nos vies comme il a ouvert le tombeau : Il est avec nous, Vivant, jusqu’à la fin des temps.

Amen, Alléluia !

P. Benoît Lecomte