Homélie du 20 février 2022 par le P. Benoît Lecomte

Barbezieux - Baignes - Barret

Publié le 20 février 2022

Cette page d’évangile est redoutable. Parce qu’elle nous invite à vivre dans une attitude si difficile ! Aimer nos ennemis, faire du bien à ceux qui nous haïssent, prêter à ceux dont on n’espère pas recevoir en retour, pardonner… Si cela est possible dans bien des situations, il faut admettre que dans d’autres, cela devient plus que compliqué et parfois impossible. Jésus ne placerait-il pas la barre trop haute pour nous ? Ou trop basse pour lui ? « La mesure dont on se serre pour les autres, servira pour nous », nous dit-il, alors qu’on aurait pu imaginer que Dieu donne davantage que ce que nous pouvons nous-mêmes donner. Combien alors nous faut-il aller loin dans l’amour, le respect, l’abnégation !

Cette page pourrait n’en rester à être qu’une page de bonne morale chrétienne. Et elle serait déjà exigeante, avec l’énoncé de cette règle d’or valable non pas seulement pour les chrétiens mais aussi pour tous les hommes de toutes les cultures : « ne pas faire aux autres ce qu’on ne voudrait pas qu’ils nous fassent, faire aux autres ce qu’on voudrait qu’ils nous fassent. » Combien nos relations humaines seraient transformées si déjà nous arrivions à vivre un peu cette parole ! Combien le monde serait autre si tous appliquaient cette maxime permettant la vie sociale en bonne intelligence et en harmonie !

Mais il me semble que l’Evangile nous entraine ailleurs que sur une question de morale. Ou plutôt, que la morale n’est qu’une conséquence d’une réalité plus profonde. Car si on n’en reste qu’à une loi morale, on risque de n’en rester qu’à une loi extérieure à nous-mêmes, à laquelle obéir, et peut-être obéir par crainte ou par peur, ou de façon égoïste, puisque ce serait pour que Dieu nous accorde « une bonne mesure. » L’Evangile invite à un art de vivre, mais l’Evangile n’est pas un livre de préceptes moraux. C’est un récit anthropologique, qui parle de l’Homme, de qui est l’Homme, de qu’est-ce que l’Homme. C’est une Bonne Nouvelle qui nous révèle la grandeur de l’Homme. Et cette grandeur est indiquée ici par un petit mot : « comme. » « Soyez miséricordieux comme votre Père. » La mesure de l’humanité, c’est la démesure de l’amour de Dieu. La vérité de notre humanité, c’est cette filiation divine, devenant « fils du Très-Haut » et donc des fils et des filles vivants de la même intensité d’amour que leur unique Père.

Paul décrit admirablement bien cette double filiation, cette double nature dont nous sommes : « comme Adam est fait d’argile, ainsi les hommes sont faits d’argile ; comme le Christ est du ciel, ainsi les hommes seront du ciel. Et de même que nous aurons été à l’image de celui qui est fait d’argile, de même nous serons à l’image de celui qui vient du ciel. » Lorsque nous avons été baptisés du même baptême que celui dans lequel Leya va être plongée, nous n’avons pas été plongés dans un bain de morale ou de valeurs à suivre, mais dans le bain de la vie du Christ ressuscité pour être avec lui vivants de la résurrection dès aujourd’hui. C’es cette réalité que va vivre et recevoir Leya dans quelques instants. Par ce baptême, Leya n’aura pas instantanément une vie parfaitement morale nous le savons bien pour nous-mêmes. Mais ce baptême et la Parole de Dieu aujourd’hui, nous rappellent que notre vie se place du côté de Dieu, et non pas ailleurs.

Bonne Nouvelle ! Bonne nouvelle pour chacun de nous, qui désespérons parfois de nous-mêmes, qui pouvons nous trouver médiocres, fatigués, trop « terreux » pour parler de l’ « Adam » en nous. Le Christ nous rappelle à notre véritable nature, à ce dont nous sommes et à ce dont nous sommes capables. A notre extraordinaire dignité.           

Reprendre conscience de cette dignité pour nous-mêmes, c’est nous redécouvrir tous pétris du même amour de Dieu, de cette même dignité aussi pour celles et ceux qui nous entourent. Si David ne tue pas Saül, ce n’est pas parce qu’il a une bonne morale (David ne sera pas toujours un modèle de vie morale). Mais parce qu’il reconnaît en Saül, son ennemi, un enfant de Dieu, un fils du même Père, l’un de ceux qui a reçu l’onction du Seigneur. Au nom de cette onction, au nom de la dignité de Saül, une dignité divine, David ne peut le tuer.

Ce à quoi la Parole nous invite n’est pas tant à obéir à des préceptes moraux, aussi bons et louables soient-ils, qu’à nous redécouvrir tous, les uns et les autres, jusqu’à ceux que nous n’arrivons pas à aimer ou que nous n’aimons pas assez, d’une égale dignité. Au nom du respect de cette dignité, nous ne pouvons plus faire n’importe quoi de l’autre. Ni dans la vie familiale, ni dans la vie affective, ni dans la vie sociale, ni dans la vie ecclésiale, ni dans la vie économique ou politique, ni dans la vie médiatique. A l’heure où le rejet de l’autre, les invectives, les violences de toutes sortes, les enfermements nourrissent les informations et les relations de toutes sortes – et nous ne sommes parfois pas en reste aussi dans notre vie d’Eglise et de communauté chrétienne –, la Parole nous invite à aimer comme Dieu aime. Parce que nous venons de Dieu, nous sommes de Dieu et nous allons à Dieu. Parce que notre vie est amour, et que tout ce qui n’est pas amour en nous n’est pas vie.

Que cette Parole de Dieu vienne pénétrer nos cœurs et transformer nos vies, pour faire de nous tous, toujours davantage, des hommes et des femmes à l’image et à la ressemblance de Celui qui ne cesse de nous créer et de nous recréer, jusqu’à la pleine dimension de sa puissance d’amour.

Amen.                                                                       

P. Benoît Lecomte

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