Homélie du 19 novembre 2023, par le P. Benoît Lecomte

Barbezieux - Baignes - Barret

Publié le 19 novembre 2023

(Homélie prononcée à l’Abbaye de Maumont)

 

« Une femme parfaite, qui la trouvera ? » demande l’auteur du livre des Proverbes. J’avoue qu’en préparant cette homélie, je me suis demandé si un couvent de moniales n’était pas l’endroit idéal pour trouver une femme parfaite. Et puis en poursuivant la lecture, je me suis ravisé : le texte parle du mari. Nous ne pourrons donc pas la trouver ici.

Il est beaucoup question de femmes dans cette liturgie. Dans le livre des Proverbes et dans le psaume, où elle est associée à la joie et au bonheur. Dans la lettre de Paul aux Thessaloniciens ensuite, où l’apôtre parle des douleurs de la femme enceinte, dans une comparaison avec la venue du jour du Seigneur. Et si tous ces textes peuvent nous faire penser à telle ou telle femme (plus ou moins parfaite) de nos connaissances, peut-être nous parlent-ils d’abord en métaphore, en image. La femme parfaite, en qui « son mari peut faire confiance », « qui fait le bonheur de son époux », nous fait penser à la figure de l’humanité, avec laquelle Dieu veut faire Alliance. L’humanité que Dieu prend pour épouse. Peut-être est-elle cette épouse qui n’apparaissait pas dans l’évangile de dimanche dernier, alors que nous étions invités à la noce avec les 10 jeunes filles au milieu de la nuit. Cette femme, humanité, qui fait le bonheur de l’époux, son Seigneur et Maître, parce que l’un et l’autre sont pris dans une communion d’Alliance qui ouvre à la joie, à la vie, à la liberté. Mystère de l’amour que les couples mariés veulent donner à voir et révèlent à nos yeux – ceux des équipes Notre-Dame présents ici en ont conscience plus que quiconque.

Les femmes, il en a aussi été question dans l’actualité de cette semaine. Elles étaient au cœur du rapport annuel du Secours Catholique sur la pauvreté en France. Ce rapport indique avec un cri d’alarme qu’elles sont les plus nombreuses, et à chaque fois toujours plus nombreuses, à être touchées par la précarité. Qu’elles soient sans emploi, issues des migrations ou travailleuses pauvres dans des familles monoparentales, les raisons sont multiples et les chiffres inquiétants. Ils décrivent des réalités des plus terribles dans notre pays. Toutes ces femmes n’ont pas eu la chance d’avoir un homme riche qui leur confia ses biens et autant de pièces d’argent et de talents, comme dans l’Evangile. Elles n’ont pas eu l’opportunité de déposer cet argent à la banque pour le faire fructifier. D’argent, il n’y en a pas. Ce qui se multiplie pour elles, ce sont les démarches administratives sans fin, les petits boulots parfois, et les files d’attente dans les épiceries sociales. « Celui qui n’a rien se verra enlever même ce qu’il a » est une phrase qui porte pour elles une réalité bien trop fréquente.

Mais sans doute est-il trop facile de faire coïncider, comme nous le faisons souvent, l’argent du maître dans l’évangile, et les talents ou les dons que nous pouvons avoir les uns et les autres. Si Jésus nous parle de Dieu, il ne nous parle pas de biens matériels. La seule chose que Dieu peut donner, n’est-ce pas lui-même, amour de tout amour que rien n’arrête et qui ne cesse de se donner ? Dieu ne peut que donner son amour, et sa capacité à aimer, à entrer dans l’Alliance, à accueillir cet amour. Un amour appelé à être déployé, partagé, fructifié. Ce que le 3ème serviteur ne fait pas, par peur. Il s’enferme dans sa peur. Il s’enterre avec son talent. Ce serviteur est mort à la vie, à l’amour, à l’Alliance. « Mais vous, frères et sœurs, clame Saint Paul, vous n’êtes pas dans les ténèbres ! Vous êtes des fils et des filles de la lumière, des fils et des filles du jour ; nous n’appartenons pas à la nuit et aux ténèbres. » Invitation de l’époux à ce que notre humanité ne s’enferme pas sur elle-même, à force de peurs partout amplifiées par les multiples crises qui animent notre monde. « Aime ! », semble crier l’Evangile. « Fais confiance ! » Fais confiance au Maître, au Seigneur Dieu de l’univers. Fais confiance au-delà de tes images et de tes projections, déploie en toi ta capacité d’aimer, car tu en es capable ! Les deux premiers serviteurs offrent au maître de nouveaux talents, des talents autres. Voilà l’appel de la parabole : dans la confiance en Dieu, ouvre-toi aux autres !

« Les doigts de la femme parfaite s’ouvrent en faveur du pauvre, elle tend la main aux malheureux », décrivaient les Proverbes. Là est la capacité d’aimer que le Seigneur aime et qui conduit au bonheur, là est la bénédiction de notre humanité. Capacité à s’ouvrir aux plus petits, aux plus loin, aux plus rejetés. Combien l’appel est pressent ! Dans notre pays, dans notre monde, dans notre Eglise aussi, dont tant et tant se sentent encore rejetés par elle. Et le désir de notre prière et de notre cœur rejoint le désir de Dieu, le désir commun de cette Alliance indélébile.

Elle est peut-être là, la femme parfaite. Dans cette Eglise et cette humanité, dans cette Eglise figure de l’humanité, qui se savent encore en chemin, encore marquées par les ténèbres et les forces de la nuit, mais intimement et réellement le cœur tourné vers le jour du Seigneur, vers le Maître du domaine, vers le Christ, sa Lumière et sa puissance de communion.

Ouvrons nos cœurs aux dons que Dieu nous fait. Sachons tendre la main et aimer tous ceux qui nous entourent. Dans cette eucharistie, rendons grâce pour le don que Dieu nous fait, don surabondant et bien au-delà de toutes nos capacités, et déployons ce don pour témoigner autour de nous de la Lumière du jour.

Amen.

P. Benoît Lecomte

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