Homélie du 19 février 2023, par le P. Benoît Lecomte

Barbezieux - Baignes - Barret

Publié le 19 février 2023

Aimer. Aimer radicalement. Aller jusqu’au bout de l’amour et le dépasser encore. Aimer à en perdre la raison humaine, aimer jusqu’à la folie divine. Aimer. Jésus n’a que ce mot là à la bouche et au corps. L’Evangile n’a que ce secret à déployer à longueur de pages et de rencontres.

L’amour n’est pas l’apanage des chrétiens, me direz-vous. Et heureusement ! Heureusement que l’amour ne se limite pas à ceux qui se disent disciples du Christ. Heureusement que l’amour habite le cœur de toute femme et de tout homme de bonne volonté !

Mais inversement, comment parler des chrétiens sans parler d’amour fou ? Quel sens cela aurait-il ? Ou quel non-sens ?

L’amour n’est pas une religion et ne se réduit à aucune d’entre elles. Mais nous reconnaissons en Jésus Celui qui nous révèle le véritable amour, l’amour véritable. Celui qui rend libre – et Homme. « Sanctuaire de Dieu », dirait Saint Paul. Celui qui est « saint ».

Pas moralement parfait : cela est probablement impossible. Et ce serait encore répondre à une loi, à des codes, à des règles. Cela risquerait de donner des personnes fades, ou niaises, ou tristes, ou molles. Sans joie, sans énergie, sans critique, sans relief. Ou à l’inverse, des gens trop sûrs d’eux, supérieurs, invivables. Jésus, le Saint, n’était rien de cela. Ce ne serait pas vivre de la folie de l’amour, ou de l’amour fou. Un saint n’est peut-être pas quelqu’un de « par-fait » mais plutôt quelqu’un de toujours « insatis-fait. » Parce qu’il sait, il sent, au fond de lui, qu’il peut aimer davantage, que l’on peut aimer encore plus. Et qui va sans cesse critiquer habitudes et les structures, inventer de nouveaux chemins, déployer de nouvelles énergies, chercher que faire pour aimer mieux. « Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint. » D’une sainteté qui n’est qu’amour – puisque Dieu n’est qu’amour. C’est cela que Dieu attend de nous. Non pour lui faire plaisir, mais pour devenir nous-mêmes, pour devenir ce que nous sommes : des enfants de Dieu. Tu es appelé à devenir saint. C’est-à-dire à t’enraciner dans l’Amour de Dieu pour en vivre, c’est-à-dire à devenir tel un Christ pour aujourd’hui, en te conformant à lui, en devenant son image. Non pour le singer, mais pour respirer comme lui la folie de l’Amour qui va jusqu’au bout. Je reprends ces mots d’Emmanuel Lévinas : “L’humain commence dans la sainteté avec comme première valeur ne pas laisser le prochain à sa solitude, à sa mort. Vocation médicale de l’homme.”[1]

Adam, c’est pour cette raison, c’est pour cette vie et cette mission que tu vas être plongé dans l’eau du baptême tout à l’heure. Pour embrasser le projet et la vocation de cette sainteté là.

Il n’y a pas d’autre religion qui vaille. Le salut n’est pas ailleurs que dans ce projet de vie personnel et collectif : aimer.

Alors regardons, concrètement autour de nous : ceux qui sont nos ennemis ou de qui nous pouvons l’être. Ceux qui nous giflent ou nous font violence. Ceux qui nous demande de marcher avec eux. Ceux qui nous demandent de l’aide. Dans nos proches, ou celles et ceux que nous connaissons moins. Ils ne sont peut-être pas loin ! Mon conjoint, certain jours… ou mes enfants… ou mes parents… mon voisin, ou mon collègue, mon patron, mes associés… Ceux qui m’irritent, ou que j’irrite… A la lumière de cette page d’Evangile, qu’allons-nous vivre désormais avec eux ? Quel regard porter ? Quelle posture adopter ?

Il ne s’agit pas d’habiter un monde de bisounours. Jésus n’était pas un bisounours, il a connu la haine, la trahison, la violence, le rejet, la diffamation, la mort. N’imaginons pas un jour être au-dessus de lui. Mais il s’agit de construire dans l’amour, un monde de justice et de fraternité, jusque et à travers les luttes parfois. Un monde ou la dignité de chacun est respectée. Un monde où l’amour n’est pas une homélie ou un discours, mais une incarnation, une réalité concrète, un mode de vie au quotidien. Un art de vivre ensemble.

Cette semaine, nous allons entrer dans le temps du carême. C’est traditionnellement le temps de préparation à la fête de Pâques où nous cherchons à nous mettre sous le regard de Dieu et dans une dynamique d’amour plus grande encore. Mais il n’est jamais trop tard… ni trop tôt pour entamer notre conversion quotidienne ! Prenons déjà quelques instants pour entendre ces mots de la Parole de Dieu résonner en nos cœurs, en nous demandant comment réaliser concrètement, dans les jours qui viennent, l’invitation du Seigneur : « Aime à la folie de Dieu… aime, jusqu’au bout. »

Amen

P. Benoît Lecomte


[1] Emmanuel Lévinas, in “Médecine et éthique. Le devoir d’humanité”, dir. E. Hirsch, éd. Cerf, 1990

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