« Père, pardonne-nous ! »
Aux jours de la Passion du Christ dont nous venons d’écouter le récit,
l’Heure est venue où La mort et la vie s’affrontent en un duel prodigieux.
C’est le terrible combat du Mal contre le Bien, de la Haine contre l’Amour,
des ténèbres contre la Lumière. Le point culminant de ce combat est celui
de la Croix. Suspendu au bois de la Croix, l’esprit du monde s’acharne
contre le Christ, l’Innocent, qui y est cloué.
En une litanie de provocations, l’orgueil et l’égocentrisme des
hommes qui ont crucifié le Christ lui répètent en chœur : « Sauve-toi toi-
même », les chefs d’ajouter « Qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de
Dieu, l’Élu ! », et enfin l’un des 2 malfaiteurs « N’es-tu pas le Christ ? Sauve-
toi toi-même, et nous avec ! ».
Se sauver soi-même, s’occuper de moi, penser à moi. Ne pas penser
aux autres, mais seulement à ma santé, à mon succès, à mes intérêts. Se
préoccuper seulement de mon avoir, de mon pouvoir, de mon paraître :
c’est la sentence de l’humanité défigurée qui a crucifié l’Innocent.
Et c’est à cette heure là que jaillit du cœur du Christ la Réponse de
Dieu aux péchés des hommes que nous sommes : « Père, pardonne-leur,
car ils ne savent pas ce qu’ils font. »
Cette réponse de Dieu jaillit à l’heure la plus terrible. En cette heure
où, suspendu sur la Croix, mains et pieds cloués sur le bois, la souffrance
de Jésus est la plus insupportable et que le poids de son corps l’empêche de
plus en plus de gonfler ses poumons et de respirer.
C’est en cette heure-là, dans un souffle venant d’au-delà de lui-même,
que le Christ répand sur l’Humanité, et jusqu’à nous ce matin, la Parole la
plus aimante et la plus miséricordieuse qui soit : « Père, pardonne-leur, car
ils ne savent pas ce qu’ils font. ».
Fixé à la potence de l’humiliation, Jésus aime toujours plus, au-delà
du Don qu’il fait de lui-même, jusqu’au Par-Don : « Père, pardonne-leur ! »
Il vit en sa chair même le commandement qu’il nous a donné, le plus
difficile qui soit : l’Amour des ennemis.
Il nous montre ainsi comment réagir face à ceux qui nous ont blessés
ou qui nous blessent encore. Il nous enseigne à briser le cycle vicieux du
mal, de la haine, de la rancune et de la vengeance par l’amour et le pardon.
Il nous enseigne aussi comment réagir aux clous de nos vies avec amour,
aux coups violents que nous avons pu porter avec la caresse du pardon.
« Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ». À l’esprit
d’une humanité défigurée par le péché. À l’esprit mesquin et méprisant du
« Moi » s’oppose l’Esprit Saint de Dieu.
« Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ». Non
seulement Jésus implore le pardon sur nous, mais il en donne aussi le motif
: pardonne-leur « car ils ne savent pas ce qu’ils font ».
C’est ainsi que Jésus se comporte avec nous : il se fait notre Avocat. Il
n’est pas contre nous, mais pour nous contre notre péché. Quand on utilise
la violence, l’abus, quelque soit sa forme, on ne sait plus rien ni de Dieu, ni
des autres, qui sont nos frères, ni de nous-mêmes. On oublie pourquoi on
est dans le monde, et on va jusqu’à commettre des abus insensés.
Nous le voyons dans la folie des guerres, dans ces mères qui pleurent
la mort injuste de leurs maris et de leurs enfants, dans cette multitude de
réfugiés qui fuient les bombes avec des enfants dans les bras, dans ces
personnes âgées laissées seules pour mourir, dans ces jeunes privés
d’avenir, dans ces soldats de tant de pays envoyés pour tuer leurs frères. Là,
le Christ est crucifié. Il est encore crucifié aujourd’hui !
« Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ». Beaucoup
écoutent cette phrase inouïe, mais un seul l’accueille. C’est un malfaiteur,
crucifié aux côtés de Jésus. L’Amour du Christ suscite en lui l’Espérance,
une ultime et dernière Espérance qui le conduit à prononcer ces mots : «
Jésus, souviens-toi de moi » (Lc 23, 42). Comme s’il disait : “Tout le monde
m’a oublié, mais toi, tu penses aussi à ceux qui te crucifient. Avec toi, il y a
donc de la place pour moi aussi”.
Le bon larron accueille Dieu au moment où sa vie s’achève et ainsi sa
vie commence à nouveau ; dans l’enfer du monde, il voit s’ouvrir le paradis
: « Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis ».
Frères et sœurs, en cette Semaine Sainte ne nous laçons pas de prier
avec le christ : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. »
Amen !
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