Homélie de Noël 2021, par le P. Benoît Lecomte

Barbezieux - Baignes - Barret

Publié le 24 décembre 2021

Une naissance. Voilà la Bonne Nouvelle de ce soir : une naissance. « Un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. » « Un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! » Une naissance comme tant d’autres et au milieu de toutes les autres, au moment du recensement où, justement, on compte toutes les naissances qui ont eu lieu depuis des décennies. Mais cette naissance est différente des autres. C’est la naissance « du Sauveur. Le Christ, le Seigneur. » Cette nuit, la terre chante la gloire de Dieu et le Ciel est vide : Dieu n’y est plus, il est là, au milieu de nous, homme au milieu des hommes. Ne cherchez plus Dieu au-delà des nuages, si tant est qu’il y ait habité un jour, il est maintenant sur la paille, dans la crèche, en humanité. Pour parler de cette naissance, Saint Jean dira que « le Verbe s’est fait chair. » Le Verbe, la Parole de Dieu, la Parole créatrice, la Parole éternelle par qui tout a été fait et qui donne à tout son existence, cris. Car l’enfant cris, comme après toute naissance. Dieu cris. Dieu pleure. Les premiers mots du Verbe de Dieu en humanité est un cri, un pleur, celui d’un bébé. Cri de la naissance qui fend la nuit comme la Parole de la Genèse à la naissance du temps. Et la Lumière fut, et l’Homme est. Parole inarticulée offerte à la responsabilité des hommes. Dieu est là, la Parole s’est faite fragile chair. C’est lui, le Sauveur.

En quoi est-il notre sauveur ? pouvons-nous nous demander. Peut-être justement en ce Mystère que la Parole est chair. Qu’il n’y a pas, en cet Enfant Dieu, comme il n’y aura jamais en l’homme Jésus qu’il deviendra, de distance entre la Parole et la chair, entre le Verbe et le Corps. Cette distance qui, en nous tous, ouvre l’espace à ce qui doit être sauvé. N’est-ce pas ce hiatus, cette distance entre ce qui est dit et ce qui est fait, entre la parole et les actes, qui laisse le champ à la méfiance, à la violence, à l’incompréhension, à la mésentente, et parfois de façon dramatique au mal ? A tout ce qui brise la communion entre les hommes ? N’est-ce pas ce qu’on reproche aux femmes et aux hommes politiques, de faire des promesses et de ne pas les tenir ? N’est-ce pas ce qui est si difficile à vivre au sein de nos familles ou de nos entreprises, cette cohérence parfaite entre ce que nous disons et ce que nous faisons ? Que dire des paroles fortes que rien ne vérifie ensuite dans les faits ? Ou que dire, à l’inverse, des corps réduits au silence et qui n’ont pas la parole – les malades, les migrants, les prisonniers et tant d’autres, anonymes, que nos sociétés n’entendent pas ou ne veulent pas entendre ? N’est-ce pas aussi ce qui a permis à l’Eglise, le Corps Eglise, de réduire au silence tant d’enfants en abîmant leurs corps, quand dans le même temps elle se targuait d’annoncer la Parole de Dieu ? Quand le corps et la parole ne coïncident plus, quand l’écart entre l’un et l’autre se creuse, tout s’écroule, tout se perd, tout disparait. L’existence, la vie n’a plus de consistance et la confiance n’est plus possible.

Mais le Verbe s’est fait chair. En Jésus, Dieu saisi tout de notre humanité, il entre dans le temps et dans la finitude humaine, il prend corps de notre corps, lui la Parole éternelle.

Que peut-il alors se passer ? Qu’est-ce que cela va changer ? Un miracle ? Non. Une conversion. Un changement de regard. De perspective. Jésus ne nous révèle pas seulement qui est Dieu, vidant le ciel de la divinité pour vivre au milieu de nous sa vie d’homme. Il nous révèle aussi à notre véritable humanité. Celle que nous désirons et où coïncident la Parole et l’action, la vie et le verbe, la promesse et l’engagement. Et il ne vient pas seulement nous révéler le projet de notre vie humaine, il vient réaliser ce projet. Car en lui, un homme est parvenu à ce but. Désormais, la voie est ouverte pour chacun de nous, pour toutes les femmes et tous les hommes de tous les temps et tous les lieux. Et si « la Parole faite chair » n’était rien d’autre que l’irruption au monde de notre véritable identité ? Non pas d’une humanité forte et puissante avide de pouvoir et de bruit de bottes, mais d’une humanité faible et vulnérable comme Jésus dans la crèche. D’une humanité dépendante du soin des autres. Par sa naissance cette nuit, Jésus révèle notre identité de femmes, d’hommes, d’enfants de Dieu. Et nous voilà tous filles et fils de Dieu.

En cette nuit de Noël, laissons-nous toucher par ce Mystère et qu’il vienne transformer toutes nos relations en relations d’accueil, de solidarité, d’attention, de partage, d’écoute et d’amour. Qu’il vienne transformer nos sociétés non plus en sociétés de l’indifférence et de la méfiance, mais en société de la confiance et de la joie d’être ensemble, de se savoir sauvés, tous, par l’unique Enfant Dieu, l’Enfant de la crèche, Jésus. « Il s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien », disait la Lettre de Paul. « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière… Et la paix sera sans fin », prophétisait Isaïe.

La fête de Noël est plus que la fête des enfants et du « petit Jésus dans la crèche. » C’est la fête de la naissance d’un bébé dont l’humanité est totalement accomplie parce qu’abandonnée, et d’un bébé qui, révélant chacun de nous à notre propre humanité vulnérable, nous fait naître intérieurement à notre propre vie, à une vie accomplie dans l’amour unifié de la Parole et du Corps. Une vie non pas individuelle, mais une vie de communion, de relations, de rencontres, de liens, ouverte et dépendante. « Le sens même de l’incarnation est de rassembler toute l’histoire, toute l’humanité et tout l’univers dans la présence et la personnalité divine qui est la personnalité du Verbe. » Ainsi, « le mystère de l’incarnation n’est pas le mystère d’un Dieu qui vient, c’est l’ascension d’une humanité jusque-là absente » (Zundel), d’une humanité qui devient réellement humaine, c’est-à-dire divine, autant que Dieu, en cette nuit, est devenu humain.

Nous fêtons une naissance, ce soir. Pas seulement la naissance de Jésus qui par sa présence en notre monde porte ce monde à son accomplissement. Nous fêtons une naissance, celle de Dieu en nous, et de nous à Dieu. Dieu naît en toi. Dieu nous met au monde. Tu es sa crèche et tu deviens son visage. Le ciel est vide ? Non. Tout est renversé cette nuit ! Par la naissance de Jésus, nous sommes déjà célestes, pour vivre dès aujourd’hui l’immense banquet de fête, dans une communion sans fin. Grâce à l’incarnation du Fils de Dieu, le ciel est rempli de nous tous et de tous les hommes de tous les temps, pour faire de cette terre une terre fraternelle.

Amen.

P. Benoît Lecomte

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