4ème dimanche de l’Avent – B
On ne se croirait pas trop à Noël. On essaie bien un peu de s’activer parce qu’on sait que « ça » arrive, on réorganise une nième fois les vacances et les retrouvailles entre prudence, envie de se voir, idée de se faire tester pour se rassurer, inquiétude et autres ajustements de règles sanitaires dans nos propres maisons. On a bien décoré nos maisons et fait nos crèches depuis quelques temps… il n’empêche. Sommes-nous vraiment prêts à accueillir l’inouï que Dieu nous propose, non pas comme un des éléments de plus à caser dans notre organisation, mais comme ce qui vient déranger absolument tout de notre confort et de notre façon de penser ?
Je n’ai personnellement jamais ressenti les contractions avant un accouchement – et je doute pouvoir vivre un jour cette expérience dans ma chair, aussi mesdames, vous voudrez bien me pardonner cette image si elle s’avérait totalement fausse. Mais la Parole de Dieu de ce jour m’a fait penser à ça : la naissance se profile, tout s’accélère et les contractions commencent à se faire sentir. Pas question de revenir en arrière ni de vouloir prendre davantage de temps pour se préparer, le travail a commencé. La naissance de Jésus est annoncée à Marie. Toute l’histoire de l’humanité et du Peuple élu a été préparée, jusqu’au cœur et à la disponibilité de Marie, et c’est maintenant que Dieu veut prendre chair. L’heure est venue. L’humanité n’attendra plus. Celui qui va naître sera appelé Fils de Dieu, c’est Lui que nous attendions. Et cette naissance est imminente. Plus que 9 mois pour Marie, plus que 4 ou 5 jours pour que nous célébrions cette naissance à Noël. Plus que quelques jours pour nous préparer, intérieurement, à cet Avènement.
Le Seigneur vient. Il ne vient pas quelque par dans une étable à Bethléem. Il ne vient pas comme on rajoute un santon dans une crèche. Il vient là, ici et maintenant, en ce monde et en toi. Dans le Livre de Samuel, David, le roi bien installé et auquel tout a souri jusqu’à maintenant, veut remercier Dieu pour sa protection et lui construire une maison. Son intention est louable ! Mais le Seigneur reprend encore l’initiative : c’est lui qui fera lui-même une maison. Ce n’est pas David qui organisera le logement de Dieu – bien qu’il est pu, certainement, lui construire un palais dans le plus bel endroit du Royaume. Mais ce serait encore décider pour Dieu, mettre la main sur Dieu, lui assigner une résidence – et pourquoi pas, un confinement. Ce n’est pas David qui organisera le logement de Dieu, c’est Dieu qui se trouvera une maison. Une maison digne de Lui. Une maison pour le Roi de l’Univers, une maison pour le Créateur de toute chose, une maison pour l’Amour de Tout-Amour. Et Dieu trouve cette maison dans le cœur de Marie. Il vient se déposer dans le ventre de cette fille d’Israël devenue dès lors figure de l’Église et de l’humanité. Dieu n’a pas trouvé de plus beau palais, plus belle maison, plus belle demeure, qu’en l’Homme. Voilà de quoi dérouter tous les plans de David, de Marie et de toutes les agences immobilières de la région. C’est l’Homme qui devient la demeure de Dieu, le lieu où il prend chair, le lieu où il se donne à voir, à rencontrer et à aimer.
Cette page d’Evangile parle de Marie, bien sûr. Elle parle également du Christ. Mais elle parle aussi de nous, de nous tous, et de notre mission ou plutôt de notre vocation : faire grandir en nous la Parole de Dieu faite chair. Lui donner naissance, visibilité, existence sensible. Parole de Dieu – Parole d’Amour – au concret. Pour ce monde, pour toutes nos relations, pour tous nos engagements. Donner naissance au Verbe éternel dans la finitude de notre quotidien. « Révélation d’un mystère gardé depuis toujours dans le silence, mystère maintenant manifesté au moyen des écrits prophétiques, mystère porté à la connaissance de toutes les nations », médite Saint Paul.
Nous prenons conscience alors de la grandeur, du mystère et de l’urgence de Noël. De l’impatience de Dieu à se nicher au cœur de notre humanité, pour peu que notre oui fasse écho à celui de Marie et que notre disponibilité intérieure lui laisse toute la place pour grandir en nous. N’est-elle pas ardente, cette attente de la famille humaine d’un espace de paix, de justice, de pardon et d’amour ? Cette attente de témoins véridiques d’une humanité habitée par une Parole de Vie et de Tendresse, de miséricorde et d’accueil sans jugement ? Notre monde n’attend-il pas avec impatience l’Avènement de ce temps de Noël, non pour vivre enfin une fête dont on ne connaît pas les contours sanitaires, mais pour accueillir en son sein la promesse réalisée de devenir demeure d’Amour où se réfugier et trouver réconfort ? Ce lieu et ce temps où, comme en une « maison commune », sans compter et parce que ce n’est plus nous qui agissons mais Lui qui agit en nous, nous veillons, les uns sur les autres, dans un doux et puissant élan de bienveillance ?
Peut-être ne sommes-nous pas encore tout à fait prêts à célébrer Noël. Peut-être, même, ne serons-nous jamais totalement prêts à saisir et à vivre totalement cet insaisissable et unique Mystère de Dieu et de l’Homme, de Dieu venant rencontrer l’Homme, nous rencontrer en faisant sa demeure en nous. Alors, « sois sans crainte », Humanité, « car tu as trouvé grâce auprès de Dieu et rien n’est impossible à Dieu. » Riches de ce temps d’Avent vécu tous ensemble, que ces quelques jours qui nous séparent de Noël nous donnent d’entrer encore davantage dans la disponibilité de l’accueil et de la paix, pour accueillir Celui dont le règne n’aura pas de fin, pour accueillir la Vie en nous.
Amen.
P. Benoît Lecomte
Une réponse sur « Homélie du 20 décembre 2020 par le P. Benoît Lecomte »
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