La Parole de Dieu, la vie en Dieu, la vie de Dieu en nous, met tout sans dessus-dessous.
C’est l’expérience de Paul, Philémon et Onésime. Onésime est un esclave. Et il s’est converti au Christ et a reçu le baptême par Paul. Paul étant en prison, il envoie Onésime à son ami Philémon. Paul écrit donc à Philémon une lettre de recommandation à propos d’Onésime, demandant à Philémon de ne plus accueillir Onésime comme un esclave, mais bien plutôt comme un frère dans le Christ. Philémon, tes raisonnements humains, ta vision sur Onésime est faussée, dit Paul. Il n’est pas l’esclave que tu croyais, il est ton frère ! Folie de Dieu. Changement radical des relations : la vie de Dieu en nous met tout sans dessus-dessous.
N’est-ce pas encore plus vrai dans l’Evangile ? On connaît le passage où Jésus nous demande d’aimer nos ennemis, de faire du bien à ceux qui nous persécutent. Et là, il nous demande de, littéralement, « haïr » père, mère, femme, enfants, frères et sœurs et même sa propre vie pour s’attacher à lui. Aimer ses ennemis et haïr sa famille… Quelle est donc cette Parole qui ne respecte rien, qui transforme tout, qui semble mettre tout à l’envers sans aucune logique censée ?
Si tu veux être son disciple, voilà pourtant ce qu’il t’est demandé de vivre. Etonnant renversement qui nous projette à une distance infinie de ce que nous pensons être : précisément ses disciples. La dernière phrase de l’évangile est pourtant claire : « Celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple. »
Tout ce qui nous appartient, ce sont nos propres logiques et les logiques du monde. Ce qui ne nous appartient pas, c’est la logique de Dieu. Et la logique de Dieu, la Sagesse de Dieu, c’est l’amour de Dieu comme but ultime, car l’amour de Dieu porte en lui tout ce qui est amour et jusqu’à nos amoures humaines. La demande de Jésus n’est sûrement pas tant d’haïr ses proches, que de ne pas confondre les moyens, les signes, les manifestations, et le but ultime. Nul doute qu’en aimant le Seigneur, cet amour se déploiera dans toutes nos relations et jusqu’à nos plus proches – père, mère, femme, enfants, frères, sœurs et même esclaves devenus frères dans le Christ.
Voilà la Sagesse de Dieu – qui n’est pas sagesse du monde – que le Christ nous invite à déployer. Pour pouvoir aller jusqu’au bout, jusqu’à l’extrême de notre aventure humaine. Ne prenons pas pour base les petits calculs humains, pour ne pas nous retrouver comme le roi qui part en guerre sans suffisamment d’hommes, ou comme le bâtisseur sans suffisamment d’argent.
En ce début d’année, alors que nous commençons à faire des projets, à dessiner les grandes lignes de ces prochains mois (tant en paroisse, en doyenné ou en diocèse que dans les entreprises, dans nos familles, dans nos associations et tous nos groupes et équipes), prenons le temps de nous mettre au diapason de la Sagesse de Dieu. « Les réflexions des mortels sont incertaines, et nos pensées instables… Qui aurait connu ta volonté, si tu n’avais pas donné la Sagesse et envoyé d’en haut ton Esprit Saint ? » disait la prière de Salomon dans la première lecture. « C’est ainsi que les sentiers des habitants de la terre sont devenus droits ; c’est ainsi que les hommes ont appris ce qui te plaît et, par la Sagesse, ont été sauvés », continuait-il. Prenons le temps du discernement. Prenons le temps, avant toute chose, de laisser taire en nous nos propres idées, nos volontés, nos lubies et nos petits calculs, pour écouter l’Esprit Saint, l’Esprit de Dieu et sa Sagesse. Pour adopter les perspectives de Dieu.
Et cela est vrai en tous domaines : non seulement dans toutes nos relations, jusqu’à nos relations familiales, mais aussi, en ce mois de prière et d’action en faveur de la Création, notre relation avec tout le vivant. Pour que par notre contemplation et notre engagement, la Terre et toute la Création unie dans une même communion, devienne le lieu de la manifestation de l’amour de Dieu, comme un immense Magnificat à la gloire de Dieu.
Amen.
P. Benoît Lecomte
Une réponse sur « Homélie du 4 septembre 2022, par le P. Benoît Lecomte »
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