Méditation pour la veillée de prière pour Jean Chambras, par le P. B. Lecomte

Barbezieux - Baignes - Barret

Publié le 29 juin 2021

Jean, nous ne nous sommes jamais rencontrés mais ton nom (je me permets de te tutoyer, je crois que nous nous serions tutoyés rapidement) résonne encore sur les lèvres et dans les cœurs des Barbeziliens. Et nous voilà dans cette église ce soir pour prier pour toi. Le moins que l’on puisse dire, c’est que tu n’étais pas un habitué de ce genre d’exercice. A d’autres, mais pas à toi. Alors notre espérance nous pousse à croire que tu nous regardes ce soir d’un œil bienveillant et aimant, nous laissant aller à l’abandon et la confiance des priants. Tu ne croyais pas en Dieu et nous ne saurions te respecter en t’y faisant croire aujourd’hui. D’autant que tu sais maintenant mieux que nous-mêmes ce qu’il en est, « Celui qui croyait au ciel Celui qui n’y croyait pas » chantait Aragon. C’est donc à la fois forts de notre espérance et avec une infinie délicatesse que vibrent nos chants et nos paroles.

La page d’Evangile que nous venons de recevoir nous dit peut-être l’essentiel de ce qui nous unit. A l’aube du troisième millénaire, Jean-Paul II écrivait que c’est sur cette page que nous serons tous jugés – et non pas sur la qualité de nos dogmes, la beauté de nos liturgies, la pureté de notre morale ou la profondeur de notre foi. Mais bien à la mesure de l’amour que nous vivons concrètement.

Juger est peut-être un terme inapproprié. Il évoque déjà un au-delà et un après dont Jean ne partageais pas l’idée. Mais nous pouvons le remplacer par « ce qui fait sens », « ce qui donne sens à la vie », à notre vie, tant à celui qui croyait au ciel qu’à celui qui n’y croyait pas. Aimer dans l’aujourd’hui car hier nous presse et il sera peut-être trop tard demain. Aimer dans le présent de celui que l’on rencontre, quelque soit sa situation, son histoire, sa pauvreté ou sa richesse. Aimer sans regarder aux apparences mais en aimant l’Homme devant soi. Ici et maintenant. Pour la grandeur de l’Homme. Pour sa dignité à défendre. Pour la justice à faire briller. Pour que la vie ensemble soit possible – et c’est bien cela, cet amour, qui précisément la rend possible.

C’est cette dimension de l’amour qui résonne lorsque le nom de Jean est évoqué. A travers tous les engagements qu’il a pu avoir, et avec la force qu’il mettait en tous ces lieux d’investissement, mais avec toujours la même présence à chacun, la même douceur pour les hommes, la même colère contre l’injustice. Autrement dit, Jean a vécu cette page d’Evangile. Mais il nous faut aller au bout de cette affirmation. Il n’a pas vécu cette page d’Evangile pour rencontrer ou servir le Christ, puisque tel n’était pas son horizon. Il a vécu cette page d’Evangile sans croire au Christ – en tout cas pas au Christ vrai Homme – vrai Dieu. Il a vécu cette page d’Evangile dans ce qu’elle a de plus radical : non pour obtenir une quelconque récompense dans l’au-delà, ni pour grandir dans une relation avec Dieu, mais pour la beauté et la grandeur de l’humanité.

En cela, Jean nous montre un chemin. Non pas qu’il faille nous éloigner de Dieu ou renier notre foi en Christ et en son espérance, mais nous rappeler que le chemin de l’Homme, l’amour premier de tout Homme, ce que Jean a voulu vivre au jour le jour, est bien le projet et le programme de Dieu lui-même. Si l’Homme était premier pour Jean, c’est aussi l’Homme qui est premier pour Dieu et c’est pour lui qu’il donne sa vie, son Fils, son pardon, sa Parole créatrice et libératrice. Dieu n’a pas d’autre idée en tête que l’Homme, jusqu’à se faire l’un de nous, jusqu’à se faire le plus petit d’entre nous, jusqu’à devenir assoiffé, étranger, sans papier, malade, prisonnier.

C’est là, dans l’amour de l’Homme et des hommes, que se dessine la vie et nos vies. Des êtres vivants eux-mêmes porteurs de vie comme le suggère le Livre de la Sagesse. D’une vie qui se déploie et se donne et se met au service, d’une vie que rien n’arrête, ni les tracasseries administratives, ni les embûches des accidents de l’existence, ni les ratés ni les loupés. Ni même la mort, puisque là est notre foi, notre espérance et notre paix.

Jean a peut-être, nous le croyons, rencontré Celui qu’il servait sans le savoir, et nous pouvons nous amuser de la Rencontre que l’un et l’Autre ont vécu il y a quelques mois. Ce que nous savons et dont nous faisons l’expérience, c’est que l’Amour vécu au jour le jour continue de porter des fruits. Que cet amour et ce service de l’Homme est plus fort que l’absence.

C’est pour cette vie, cette vie infinie, cette vie d’éternité, que nous rendons grâce, ce soir.

Amen.

P. Benoît Lecomte

(Photo : Archive Charente Libre)

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