Homélie pour le 15 août 2024, par le P. Benoît Lecomte

Barbezieux - Baignes - Barret

Publié le 14 août 2024

L’Eglise est en fête ! Et la fête est belle ! Magnifique ! La Vierge Marie, la Mère de Dieu, est élevée au Ciel, corps et âme. Notre cœur est dans l’allégresse et nous pouvons quasiment visualiser son assomption, telle l’Ascension de Jésus son Fils après Pâques. Elle s’élève, et avec elle nous sommes élevés dans la joie et l’émerveillement devant cet événement qui dépasse tout entendement. Et nous avons raison de nous rassembler si nombreux, ici et partout dans le monde, pour le célébrer. 

Si notre joie est grande pour Marie, et sans vouloir être rabat-joie, je vois tout de même un risque dans notre exultation : celui de faire de Marie une déesse, à l’égale de son Fils. Je retrouve ce que le 2ème Concile du Vatican dit dans sa constitution sur l’Eglise : « Que les fidèles se souviennent qu’une véritable dévotion ne consiste nullement dans un mouvement stérile et éphémère de la sensibilité, pas plus que dans une vaine crédulité ; la vraie dévotion procède de la vraie foi, qui nous conduit à reconnaître la dignité éminente de la Mère de Dieu, et nous pousse à aimer cette Mère d’un amour filial, et à poursuivre l’imitation de ses vertus » (LG 67). Il nous faut donc aller plus loin, ou plus profondément que cet élan d’allégresse premier – sans l’éteindre pour autant -, et rechercher ce que nous fait comprendre cet événement marial. Le même concile continue au numéro suivant : « Tout comme dans le ciel où elle est déjà glorifiée corps et âme, la Mère de Jésus représente et inaugure l’Eglise en son achèvement dans le siècle futur, de même sur cette terre, en attendant la venue du jour du Seigneur elle brille déjà comme un signe d’espérance assurée et de consolation devant le peuple de Dieu en pèlerinage » (LG 68).

Voilà qui nous éclaire : la fête que nous célébrons ce jour n’est pas uniquement un événement marial. Il n’est pas un spectacle d’effets spéciaux divins qui nous laisserait spectateurs d’une grâce spéciale accordée à Marie. Il est la révélation de ce qui nous attend, il est l’anticipation de ce qui nous est promis, à nous et à toute l’Eglise – et certainement, par le signe que l’Eglise pose dans le monde, à toute l’humanité. L’Assomption de la Vierge Marie est notre fête, parce que nous comprenons que toute l’humanité est destinée à entrer dans la gloire du Ciel, corps et âme, par la puissance du Fils de Marie et notre frère : Jésus Christ. Aux cris d’Elisabeth devant sa cousine qui s’exclame : « Heureuse es-tu, Marie, qui as cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur », nous pouvons compléter dans notre prière d’action de grâce : « Heureuse es-tu, Eglise, heureuse es-tu, humanité, qui crois à l’accomplissement des paroles du Seigneur Jésus ! » Et notre cœur de reprendre avec Marie : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur ! »

La fête de l’Assomption de la Vierge ne fait pas de Marie une déesse. Elle fait de Marie une femme de notre peuple (« en pèlerinage » disait le Concile), une femme qui, par la grâce du Fils qu’elle a porté, ouvre pour nous le chemin vers le Père. « La première en chemin », dit la chanson. La première en chemin parce qu’elle n’est pas seule : nous sommes tous avec elle sur le même chemin, avec le même destin. Son Fils, dans une prévenance non pour sa mère mais pour nous-mêmes, qui avons besoin d’être guidés et rassurés, nous fait connaître notre destin en nous le révélant par Marie. Et Marie, dans son acquiescement totalement libre à la volonté de Dieu, nous dévoile notre propre capacité humaine à vivre ce chemin, à nous laisser porter par cette même grâce, à vivre de la même joie en Dieu. Saint Paul rappelle que c’est par le Christ que tous ressuscitent et reçoivent la vie, que c’est lui et lui seul qui porte la victoire sur les forces de mort. « Voici le pouvoir de son Christ », clamait l’Apocalypse ! Mais pour que nous croyons que cela est possible, Jésus nous donne en exemple sa propre mère, cette fille du peuple, cette fille de notre peuple.

Alors notre joie a raison d’être grande, car ce jour est jour d’espérance et de fête. Nous pouvons vivre tous les malheurs du monde, toutes les contradictions, toutes les frustrations, toutes les incompréhensions. Nous pouvons nous débattre avec nos luttes intérieures. Nous pouvons nous sentir impuissants devant le mal, la violence, l’horreur parfois, qui rode dans le monde. Mais toujours, dans les larmes ou dans la joie, nous pouvons regarder Marie. Nous pouvons la regarder et la suivre. Sur les chemins de la rencontre, de la simplicité, du courage et de l’audace. Sur les chemins de la liberté et du service. Sur les chemins de la compréhension du projet de Dieu pour nous. Et avec elle, croire, humblement. Croire que son Fils, mort en croix, a vaincu le mal et la mort. Croire que le Père attire à Lui, mystérieusement, tous les Hommes. Qu’Il les attire jusque dans leur assomption à eux aussi, la nôtre, qui est résurrection. Que son amour va jusque-là, sans limite, et qu’il se souvient de son amour, de génération en génération.    

Avec Marie, nous prions. Le Seigneur fait pour nous des merveilles, Saint est son Nom. Il élève les humbles, comble de bien les affamés et conduit tous les Hommes dans sa gloire éternelle.

Amen ! Alléluia !

P. Benoît Lecomte

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