Chers frères et sœurs, une fois n’est pas coutume, au début de cette homélie, j’aimerais que l’on prenne un petit temps de silence pour que chacun puisse se poser la question suivante : quelle est ma plus grande espérance ?
Silence
Peut-être parce que l’on est des cathos bien élevés, et que nous avons été attentifs au catéchisme de notre enfance, il est fort probable que beaucoup d’entre nous répondent – de manière un peu mécanique – quelque chose du genre : « être saint » ou bien « vivre de l’amour de Dieu pour l’éternité ».
Loin de moi l’idée de balayer d’un revers de la main ces réponses qui sont tout à fait casher sur le plan théologique comme spirituel. Mais j’aimerais que l’on aille un tout petit peu plus loin dans notre réponse. Et contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce n’est pas si évident. Car, avouons-le, cette belle espérance du Ciel, on est bien en peine de l’expliquer. Evidemment que l’on veut communier à la vie de Dieu pour l’éternité. Evidemment que l’on veut partager la vie des saints. Mais qu’est-ce que cela veut dire ? Il faut bien admettre qu’on n’en sait pas grand-chose !
C’est peut-être là d’ailleurs le plus grand paradoxe des chrétiens – un paradoxe bien difficile à appréhender par nos contemporains. Nous, les chrétiens, voulons plus que tout autre chose devenir des saints, mais, outre ce que nous ont rapporté quelques mystiques sur la vie de l’au-delà avec des images parfois déconcertantes, on ne sait pas très bien ce que sera notre vie pour l’éternité, une fois que nous serons passés de l’autre côté de la mort.
Il faut dire que l’on n’a pas beaucoup d’expérience d’un au-delà de la mort. D’ailleurs, il ne faudrait pas nous méprendre sur les innombrables récits d’expériences de morts imminentes qui remplissent les rayons des librairies. Aussi intéressantes voire rassurantes soient-elles, ces dernières ne sont jamais que des moments fugaces, des expériences terrestres d’une transition, d’un passage qui demeure en-deçà de la vie céleste. Aucun de ceux qui ont frôlé la mort ou qui ont été déclarés en état de mort cérébrale ou cardiaque n’a vraiment fait l’expérience de la vie éternelle en tant que telle…
Mais alors, pourquoi, chers frères et sœurs, continuons-nous à espérer ce Ciel dont on sait si peu de choses ?
Je crois que l’on peut commencer par répondre de manière négative, en considérant notre incapacité à nous satisfaire de la vie ici-bas. Car cette dernière, aussi belle et intéressante soit-elle, n’arrive pas à combler notre cœur de manière pérenne. A bien y regarder, ce que propose notre monde est TOUJOURS en-deçà de nos attentes. Nos désirs sont TOUJOURS plus grands que ce qu’il peut nous offrir. Nous, les chrétiens, sommes en définitive des éternels insatisfaits… Et je crois que c’est une bonne chose à en croire l’évangile que nous venons d’entendre. Car c’est, me semble-t-il, de cette insatisfaction dont fait état Jésus quand il gravit la montagne pour enseigner les béatitudes. Vous êtes pauvres de cœur ? Vous pleurez ? Vous avez soif de justice ? Vous êtes persécutés ? Eh bien, « heureux êtes-vous » ! Car il passe ce monde qui vous insatisfait ! Votre Royaume, qui est aussi mon Royaume, vous sera offert et vous y serez ENFIN consolés, rassasiés, pardonnés et surtout aimés ! Vous serez appelés « fils de Dieu » et surtout, vous VERREZ Dieu, tel qu’il est !
Elle est peut-être là, chers frères et sœurs, la promesse par excellence, et qui n’est plus simplement négative cette fois. On la retrouve dans chacun des passages de la Parole de Dieu que nous venons d’entendre. Si nous, les chrétiens, continuons à espérer contre toute espérance, c’est parce que DIEU lui-même nous a fait la promesse que nous le verrons face à face et que cela comblera enfin notre cœur. Et il n’a pas fait que nous le promettre. Il l’a réalisé, anticipé, dans sa propre résurrection d’entre les morts. Cette foule immense, que l’on ne peut dénombrer dans la vision de saint Jean, se tient debout, vêtue de robes blanches. Elle contemple l’Agneau qui a versé son sang pour elle et qui est ressuscité. L’apôtre surenchérit dans sa première épître, pour développer encore : « bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. NOUS LE SAVONS : quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le VERRONS tel qu’il est ». Jésus ne dit d’ailleurs pas autre chose dans la 6ème béatitude : « heureux les cœurs purs car ils verront Dieu ».
Oui, chers frères et sœurs, osons nous écrier avec saint Augustin : « tu nous a fait pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose en toi ». Car le Ressuscité nous répond par la plus grande des promesses : un jour, tu seras avec moi dans le Paradis. Ta joie terrestre sera décuplée. Tes relations amicales, amoureuses, fraternelles seront transfigurées. Ton corps sera glorifié. Tes douleurs physiques, psychologiques ou spirituelles cèderont leur place à la douceur de l’amour. Tu seras enfin semblable à moi parce que tu participeras à ma vie.
Alors, chers frères et sœurs, n’ayons pas peur de la vie éternelle. Elle n’est en rien une prolongation d’une vie terrestre plus ou moins heureuse. Elle est une plénitude, un achèvement, un repos du corps et du cœur saisis dans un moment éternel. Un moment dont nous n’avons aucune expérience mais dans lequel nous osons croire parce que le Verbe fait chair a ouvert la voie par sa résurrection.
Eh bien en ce jour où nous fêtons la multitude des saints, chers frères et sœurs, osons espérer que le Ciel nous est notre véritable demeure. Osons croire que Dieu nous appelle nous aussi à le voir tel qu’il est, à partager sa vie dans un amour éternel. Amen.
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