Homélie pour la Sainte Famille, par le P. Maxime Petit

Barbezieux - Baignes - Barret

Publié le 1 janvier 2025

Comme elle nous fait du bien, chers frères et sœurs, cette page d’évangile ! Non seulement sur le plan spirituel en nous donnant de contempler un passage-clé de la vie du Christ. Mais surtout sur le plan théologique. Car le recouvrement de Jésus au Temple nous empêche d’avoir une vision un peu mièvre et gentillette de la Sainte Famille.
Car, avouons-le, on a tous tendance à imaginer les personnages de la Sainte Famille tels qu’on les voit dans la crèche ! Jésus, un adorable bout de chou qui nous tend les bras, heureux de gazouiller dans son couffin de paille. Marie, à genoux, les yeux fermés, tout absorbée par sa prière. Et Joseph, le regard au loin, le bâton à la main, protégeant avec aplomb la famille que Dieu lui a confiée. Eh bien en quelques mots bien choisis, saint Luc fait exploser cette image d’Epinal ! Jésus apparaît comme un enfant surdoué – aujourd’hui on dirait HPI – qui échappe à la surveillance de ses parents. Marie, comme une mère apeurée devant son adolescent qui n’agit pas comme elle le voudrait. Et Joseph, comme un homme qui ne dit pas un mot, laissant seule son épouse formuler son angoisse. Vous parlez d’un modèle de famille ! On est bien loin de l’image bucolique de la crèche provençale.
Eh bien je crois que c’est bon ! Que c’est même très bon pour notre croissance spirituelle. Car cela entre en totale contradiction avec l’image que nous nous faisons de la « famille idéale ». Et surtout, cela colle mal avec l’idée que nous nous faisons de la sainteté ! Oui, c’est bien la Sainte Famille que l’on contemple là, au cœur d’une situation de crise. C’est bien l’Immaculée Conception, la Reine du Ciel, qui s’inquiète pour son jeune garçon. C’est bien Joseph, le saint Patron de l’Eglise qui veille sur nous en toutes circonstances. Et surtout c’est bien Jésus, le Verbe fait chair, le Fils éternel, que l’on contemple ici dans une scène de la vie qui évoque bien des situations de nos propres familles… Et vous savez quoi, cette scène n’entache en rien la sainteté de chacun d’eux ! Tout simplement parce que la sainteté ne se vit pas dans un conte de fées ! Elle n’est pas une sorte de légende racontée aux petits cathos pour qu’ils deviennent des croyants modèles, sans caractère, sans aspérités et en fin de compte insipides. La sainteté qui nous est présentée ici pleine de vie, elle est enracinée dans le réel, dans les émotions, dans le corps, dans la liberté… Et c’est précisément ce que je voudrais développer ce matin en commentant deux phrases de cet évangile.

La première est une question ! C’est la question de Marie adressée à Jésus lorsqu’elle le retrouve dans le Temple : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme ton père et moi nous avons souffert en te cherchant ».
Evidemment, je pense qu’il faut tout de suite écarter l’interprétation qui ferait de Marie une mère possessive, qui veut à tout prix garder son fils chéri auprès d’elle. Ce qui me fait l’écarter, ce sont les autres passages qui nous parlent de Marie dans l’évangile. L’accueil du message de l’Ange, sa décision d’aller rejoindre sa cousine au moment où elle apprend que cette dernière est enceinte ou encore son attitude au pied de la Croix. Non, je pense vraiment que cette question de Marie adressée à Jésus dans le Temple n’est pas une expression de son égoïsme.
Elle est en revanche une expression de son angoisse… et de son intelligence. C’est une demande naturelle qui fait droit à sa vocation de Mère. « Pourquoi ? » demande-t-elle ! Elle a besoin de savoir, de comprendre pour accepter. Marie n’est pas un pantin ! Elle est un être humain qui a besoin de réfléchir pour accueillir librement un message, aussi extraordinaire soit-il. Et une fois que cela est fait, elle peut y consentir et en faire sa prière en gardant « dans son cœur tous ces évènements ».
Qu’est-ce que cela nous dit de la sainteté ? Eh bien que cette dernière saisit la personne dans son intégralité. Pardonnez-moi l’expression, mais la sainteté ce n’est pas : « obéis à Dieu et ferme-la ! » La sainteté saisit le corps qui devient le Temple de l’Esprit Saint. Elle saisit les sentiments, y compris la peur, l’angoisse pour les évangéliser. Elle saisit l’intelligence, le besoin de comprendre. Et surtout, elle est tout sauf une interruption de la volonté et de la liberté. Un saint n’est pas un homme servile ! Bien au contraire, c’est un homme libre, un homme qui choisit de conformer tout son être à la volonté de Dieu et qui devient ainsi capable de relire toute situation dans la prière. De ce point de vue, Marie est ici notre modèle. Car sa recherche angoissée de Jésus fait grandir sa compréhension de sa véritable nature et sa perception toujours plus fine du fait que son Fils ne lui appartient pas, qu’il est plus que jamais le Fils du Père.

La seconde phrase qui retient mon attention ce matin, c’est la dernière de cet évangile : « quant à Jésus, il grandissait en sagesse, en taille et grâce, devant Dieu et devant les hommes ».
Parce que cela nous est plus facile, nous avons tendance à imaginer Jésus comme un homme qui sait tout, qui comprend tout, qui connaît tout en toute circonstance, depuis sa conception jusqu’à sa mort. C’est commode, j’en conviens, car cela nous permet d’affirmer plus facilement sa divinité. C’est aussi très pratique car cela nous permet d’éluder facilement la question de sa psychologie, de sa conscience ainsi que de la relation intérieure entre son humanité et sa divinité.
Ce n’est pas ici le lieu pour entrer dans les réflexions théologiques sur le sujet dans les dernières décennies. Mais je me contenterais de poser une seule question pour susciter notre réflexion sur le sujet : si Jésus sait tout, connaît tout, à chaque instant de son existence, en définitive, nous ressemble-t-il autant que cela ? Est-il vraiment un homme comme les autres, régi par la puissance d’une psychologie et d’une affectivité ?
Saint Luc, dans l’évangile de ce jour, est plus réaliste, pkus pragmatique. Par sa phrase conclusive, il nous ouvre une perspective libérante. Jésus, dont on ne peut douter de la divinité, grandit non seulement en taille, mais aussi « en grâce » et « en sagesse ». Il n’est pas un vieux sage dans le corps d’un enfant. Il n’est pas un ordinateur, une intelligence artificielle sous les traits d’un ado. Il est un être humain, substantiellement uni à la personne du Verbe, qui découvre le monde comme nous ; qui expérimente la vie comme nous ; qui se laisse toucher et saisir par la réalité comme nous, au point qu’il est capable de croissance spirituelle et humaine.
Et c’est ainsi que Jésus nous ouvre la voie de la sainteté. Pour nous autres, être saint, ce n’est pas faire comme si nous étions arrivés au sommet d’une montagne avant d’avoir lacé nos chaussures ! C’est encore moins faire semblant d’être des maîtres spirituels dégagés de toute condition matérielle ! Être saint, c’est laisser Dieu nous prendre par la main pour nous conduire, pour nous faire grandir ; nous remplir des dons de son Esprit Saint pour nous faire progresser.
Voilà, chers frères et sœurs, comment cet évangile nous dévoile la sainteté à travers chacun des membres de la Sainte Famille. En définitive, la sainteté est un saisissement de tout l’être, y compris de nos émotions, de nos passions, de notre corps. C’est un dynamisme, une croissance qui a pour principe la puissance de Dieu et qui nous conduit à lui, par Jésus, le Dieu qui s’est fait homme et dans l’Esprit qui nous fait entrer pas à pas dans la vie divine. Amen.

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