Homélie pour la commémoration des défunts, par le P. Benoît Lecomte

Barbezieux - Baignes - Barret

Publié le 2 novembre 2023

« Vivre avec nos morts ». C’est le titre d’un livre que je lisais la semaine dernière, écrit il y a peu par une femme rabbin racontant ses rencontres avec les familles touchées par un deuil. Tous, nous avons été touchés, plus ou moins récemment, par le départ d’un être cher, d’un proche, d’un père, d’une mère, d’un frère, d’une sœur, d’un ami, d’un enfant. Tous, nous connaissons ce sentiment de solitude, de vide, d’absence. Selon les circonstances de la disparition, nous pouvons aussi connaître la colère, l’incompréhension, le sentiment d’injustice. Toujours, la tristesse s’installe. Ceux qui sont morts ne sont plus, il nous faut apprendre à vivre sans leur présence, ou avec leur absence. Nous ne les voyons plus, ne les entendons plus, ne les touchons plus.

Chaque mort au minimum nous secoue, parfois nous scandalise. Nous avons beau savoir que le moment arrivera inévitablement un jour ou l’autre, nous avons beau voir étalée la mort qui frappe de façon inconsidérée à cause de la violence des hommes dans tant et tant d’endroits dans le monde, elle reste ce passage à la fois mystérieux et définitif, que l’on met en scène et que l’on fuit, auquel on se prépare en voulant qu’il n’arrive pas, que l’on expose sur les écrans et que l’on cache dans nos familles. La mort est comme un saut dans l’inconnu, que notre intelligence peine à saisir et comprendre. Où sont-ils ? Que vivent-ils ? Ne vivent-ils que dans nos souvenirs, mais alors qu’advient-il d’eux lorsque les souvenirs s’estompent avec le temps ? Comment vivre avec nos morts ? Nous sentons qu’il y a une réalité que nous voudrions découvrir, que nous pressentons, même. Mais comment est-ce possible ? Qu’est-ce que cela veut dire ? Nous sommes bien petits et démunis devant ces questions. Les mots du psalmiste peuvent nous rejoindre : « L’angoisse grandit dans mon cœur : tire-moi de la détresse. »

Jésus répond à cette angoisse dans l’évangile : « Que votre cœur ne soit pas bouleversé : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi… Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. » Notre regard et notre cœur se tournent alors vers Lui, Jésus, pour que notre regard et notre cœur ne soient pas en nous, mais en Lui, c’est-à-dire en Dieu. Pour que nous ne regardions pas ce que nous cherchons à voir à partir de nous-mêmes, mais à partir de Lui, qui est le début et la fin, le Dieu de toute éternité. Pour que notre vision dépasse notre vision trop humaine et limitée, pour que notre cœur embrasse une espérance plus grande que celle que nous pouvons humainement porter ou imaginer, pour que nous entrions dans une espérance aux dimensions divines.

Cette vision et cette espérance nous ouvrent de nouveaux horizons. Nous contemplons le Christ, Jésus. Il est mort et ressuscité. Quand Jésus parle à ses disciples, ils ne comprennent pas ce qu’il dit : « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. » Mais quand ils l’écrivent, après l’événement de Pâques, et quand nous l’accueillons dans cette parole d’Evangile, nous comprenons que là, se joue une annonce décisive. « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. » Le passage de Jésus de la mort à la vie, sa Pâque, sa résurrection vaut une parole de Vérité qui ouvre notre chemin et nous offre sa propre vie. Il fait de son passage, notre passage pour aller vers le Père. Et si l’évocation des nombreuses demeures dans la maison du Père reste quelque peu énigmatique, nous entendons qu’il y a une maison dans laquelle tout être est accueilli par le Père et dans laquelle les morts peuvent être « heureux dès à présent », disait l’Apocalypse. Par Lui, avec Lui et en Lui, nous avons le Chemin, la Porte, le Passage qui nous conduisent vers la Vie qui ne s’éteint jamais.

Et ce Passage se fait par le feu de la Vérité, par l’accomplissement de ce que nous sommes en vérité, par la révélation de la vérité de notre être. La grâce de Jésus-Christ est ce don qui nous échappe du péché et de tout ce qui nous retient à la mort, à l’absence de toute vie, pour nous rendre justes, justifiés à l’amour tout-puissant de Dieu. « La grâce établit son règne en rendant juste pour la vie éternelle par Jésus-Christ notre Seigneur », annonçait Saint Paul. Les défunts, qui ont fait le grand passage, ont été dans ce passage révélés à eux-mêmes, dans la plénitude de leur être, comme Jésus l’a été pour ses disciples à la résurrection.

Comment vivre avec nos morts ? En croyant qu’ils sont vivants. Vivants et bien vivants, de la vie même de Dieu qui ne finit jamais. En croyant que ce passage définitif les a emportés dans une Lumière divine qui ne réduit plus leur présence à aucun lieu ni aucun temps, mais les rend présents à chacune et chacun de nous par un amour qui nous ouvre au Chemin, à la Vérité et à la Vie. En croyant que nous sommes, nous, dans le temps, et que la demeure du Père se remplira jusqu’à ce que tous, nous soyons réunis dans une communion, une paix, un Shalom universel, jusqu’à l’accomplissement final enfin réalisé, tous réconciliés dans l’unique cœur de Dieu. En accueillant en nous l’Esprit de Dieu, l’Esprit qui a ressuscité Jésus d’entre les morts et qui donne son souffle à tous ceux qui vivent en Dieu, ici-bas ou déjà dans la Lumière. Par cet Esprit nous vivons les prémices – et peut-être est-ce cela que nous ressentons quand la présence des défunts que nous connaissions se fait plus forte – de cette communion finale, entre ceux qui sont arrivés et ceux qui sont en chemin, tous ensemble les yeux fixés sur le Christ, premier-né d’entre les morts, ouvrant la multitude à la vie éternelle.

Amen.

P. Benoît Lecomte

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