Qu’es-tu donc venu voir et entendre aujourd’hui ? Es-tu venu glorifier Dieu avec des rameaux et des palmes, comme la foule acclamait Jésus entrant à Jérusalem ? Es-tu venu suivre un innocent et assister à son lynchage, à son faux procès, à son humiliation, à sa condamnation et à sa mort en croix ? Es-tu de cette foule, versatile ? Ou de ces chefs des prêtres, inquiets pour leur stature ? Ou de ces disciples tout autant proches que faibles et lâches ? Ou comme Ponce Pilate qui subit plus qu’il ne décide ? Peut-être es-tu l’un de ces personnages parsemés dans le récit, de ces anonymes entrés dans l’histoire pour un geste, pour avoir été là, à ce moment là : cette femme qui verse un parfum de grand prix sur la tête de Jésus, ou cet homme portant une cruche d’eau qui va indiquer la maison où l’on prendra le repas, ou cet autre qui s’enfuit tout nu au moment de l’arrestation… Es-tu observateur d’une scène archi connue, ou y es-tu présent, ce récit t’ayant rejoint au plus creux de ta chair, à l’intime de ton cœur ?
Car cet homme acclamé comme un roi puis crucifié comme vagabond, cet homme est Dieu. Il est le Dieu de Vie. Il est Dieu Créateur. Il est le Tout-Puissant. Celui à qui tu te confies. Celui que tu pries dans le silence du cœur. Il est le Dieu d’amour. Cet homme est Dieu.
Dieu donné. Dieu livré. Dieu abandonné à la sauvagerie des hommes, à leur injustice et à leurs peurs. Il ne suffisait pas que le Dieu du Ciel prenne chair et se fasse homme, il lui fallait encore descendre plus bas, dans l’en-bas de l’en-bas, là où l’homme est lâché de tous, où la souffrance est la plus vive, où l’abandon est la plus cruelle. Il lui fallait tout connaître de notre vie d’hommes, non pas par curiosité, mais pour tout saisir. Pour tout prendre avec lui. Pour tout prendre sur lui. Pour ne rien laisser de nous qui ne serait saisit par Dieu. Dieu s’abaisse, Dieu s’efface, Dieu se donne. Seul, pour rejoindre tous les isolés. Blessé, pour rejoindre tous les blessés. Pauvre, pour rejoindre les plus pauvres. Victime, pour rejoindre toutes les victimes de violences et d’injustices. Dieu veut tout, Dieu prend tout, Dieu assume tout.
Dans notre monde pétri de l’incertitude des temps et de la violence de nos relations, nourris de la méfiance, de la compétition et de la critique, dans cet aujourd’hui où tant et tant de nos contemporains, de nos frères et sœurs à travers le monde – et peut-être nous-mêmes aussi – cherchent des assurances, des points d’appuis, un peu de secours, une oreille attentive, un peu de soin, une main tendue, une espérance, un peu d’avenir, une dignité : Dieu est là. Jusque dans le plus sombre de notre humanité, de nos relations, de tous nos systèmes et de nos organisations, celles-là mêmes qui créent des pauvretés, de l’exclusion, de la distance : Dieu est là. Non pour encourager, mais au contraire pour nous en sauver. Pour que cette inhumanité soit sauvée par Lui, dans la Puissance de son Amour, par l’infinie proximité de sa Présence. Où que tu sois, quoi que tu connaisses, quelque soit ton histoire, tes joies et tes souffrances, Dieu est là, proche de toi, avec toi. Ce simulacre d’acclamation puis de procès n’a d’autre vertu que de révéler la fidélité de la Présence de Dieu à tes côtés. Du Dieu de Vie. Du Dieu d’Amour.
Et ces rameaux que tu portes à bout de bras ou du bout des doigts, n’en fait pas un gri-gri. Ils n’ont aucun pouvoir magique, même bénis. Ils ont la particularité de rester verts longtemps : ils sont le signe de la présence de Dieu en tout temps. Le signe de son amour et de sa joie d’être avec toi. Ne les laisses pas uniquement pour les morts au cimetière : ils sont pour les vivants. Pour nos mémoires trop courtes qui tombent parfois dans la peur ou le désespoir. Pour nos cœurs trop fragiles lorsqu’ils ne se sentent plus écoutés. Ces rameaux sont printemps : ils sont des signes de vie, de la vie qui acclame le Dieu vivant et présent. Ils disent la joie de vivre aujourd’hui, ici et maintenant, et de se savoir aimés inconditionnellement par Celui qui nous aime infiniment, jusqu’au bout… jusqu’au tombeau… ouvert du matin de Pâques.
Amen.
P. Benoît Lecomte
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