Où es-tu donc parti ? Où sommes-nous donc allés ? « Où es-tu ? » demande Dieu à l’homme qu’il vient de créer, au Jardin d’Eden dans la Genèse, alors que ce dernier a déjà disparu après avoir mangé du fruit défendu. Et l’histoire se répète. Et l’appel de Dieu se fait insistant : « Revenez à moi de tout votre cœur ! Vous êtes partis si loin de moi, si loin du bonheur et de la vie que je vous promets. » « Revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment », continue le prophète. Revenons, parce que nous sommes partis. Loin. Début d’un temps de retour à Dieu, d’un temps de marche, de conversion. De pèlerinage, dirons-nous aujourd’hui. D’un pèlerinage intérieur.
Il nous faut partir. Quitter. Quoi ? Nos sécurités. Nos habitudes. Tout ce que nous faisons et disons pour combler nos peurs, nos vides, nos angoisses. Tout ce qui remplit nos ventres, nos têtes et nos vies de vent, de bruit, de malveillance, de mensonge (et de mensonges avec nous-mêmes), de suffisance, de fermeture, de blocage. Quitter même nos espoirs, trop humains.
Laisser le sac et les bagages ici, ne prendre rien pour la route. Ne nous accrocher à rien d’autre qu’une espérance. Celle qui nous dépasse. Celle que nous n’atteindrons qu’au matin de Pâques, devant un tombeau vide. Celle qui nous aura fait passer par la perte de nous-mêmes, peut-être par les pleurs, la douleur, le doute.
S’ouvre le temps du carême. Il est temps de libération. Pas temps de tristesse. Ne marchons pas l’air abattu, la mine défaite, le regard bas, le pas lent. Marchons l’œil vif et avec assurance, quand bien même nous trébucherons encore. Entend ces mots, entend l’appel : « Revenez à moi de tout votre cœur ! » Tend l’oreille. Ces mots te guident. Leur chant t’inspire. « Laissez-vous réconcilier avec le Christ. » C’est lui qui vient, qui veut avoir l’initiative. Il n’a besoin que d’une chose : que tu te mettes en route les mains nues, désencombré.
L’aventure commence, le pèlerinage d’espérance.
Aventure personnelle : « que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite » … « Retire-toi dans ta pièce la plus retirée » … Que personne ne le sache… « Ce que vous faites pour devenir des justes, évitez de l’accomplir devant les hommes pour vous faire remarquer. »
On ne fait pas la route pour les autres. Elle est intérieure, intime, dans le cœur à cœur de plus en plus pur avec Dieu. Dans le silence du silence.
Mais l’aventure est aussi collective. En Peuple. En Eglise. « Réunissez le peuple, tenez une assemblée sainte, rassemblez les anciens, réunissez les petits enfants et les nourrissons ! » C’est ensemble que nous allons faire la route, et que personne ne reste sur le bord du chemin ! Oublier le prochain, ne pas faire attention à l’autre, ce serait rebrousser chemin, ne plus rien comprendre, tout faire s’écrouler. Plus encore, le chemin se fait aussi par l’autre. Il nous faudra faire attention à ceux qui nous entourent, à leurs regards, à leurs visages.
Ensemble, nous allons rencontrer des visages.
Celui de Jésus, dans l’évangile selon Jean. C’est Jésus qui nous appelle, nous lance, nous mets en route, nous guide, nous rejoint, nous accompagne, nous écoute, nous encourage, nous réconcilie avec le Père. La rencontre avec la Parole, le Verbe fait chair, par le spectacle joué dans 10 jours, est de cette étape qui nous fait rencontrer notre Libérateur.
Et nous rencontrerons aussi d’autres visages, dont nous ne détournerons pas le regard : ceux des pauvres. A travers ces vidéo proposées à Barbezieux, Baignes et Barret, dans lesquels les témoignages nous feront rencontrer l’amour, le Christ, l’Eglise. Dieu nous fait signe par ces visages. Il nous guide pour nous ramener à Lui, pour que nous Le retrouvions, et avec Lui, sa Vie et notre vie.
Il est probable que la route paraisse longue à certains moments. Nous connaîtrons des périodes de joie et d’autres de découragement. Peut-être l’envie d’arrêter de marcher, de faire des efforts, l’envie d’abandonner. Et que ferais-tu là ! Choisirais-tu le malheur, plutôt que le bonheur ? La mort plutôt que la vie ? Le désespoir plutôt que l’espérance ? Renoncerais-tu à ce que tu es, à ce à quoi Dieu t’a créé ? Dans ces moments, réentends avec encore plus d’insistance les mots résonner : « Revenez à moi de tout votre cœur ! » Si vient le découragement, regarde le Christ, qui te regarde, lui aussi dans le secret de ton cœur, et qui te tend la main. Sans cesse, il te relèvera, et te relèvera encore, inlassablement. Même si tu retombes, « laisse-toi réconcilier avec le Christ. »
Notre voyage – pèlerinage commence. Chemin vers la liberté de Dieu et la liberté de soi, débarrassés de tout ce qui nous encombre et alourdi notre vie. Pâques est à l’horizon, il faut nous préparer, nous mettre en marche, habiller nos vies et nos cœurs pour la plus grande des fêtes, pour l’espérance que rien n’arrête. Cette espérance nous fait nous lever. Notre monde en a tant besoin… soyons ces témoins et ces pèlerins, pour nous et pour tous nos contemporains par toute la planète, jusqu’à ceux qui l’ont totalement perdue. Ce carême engage plus large que nous : le Christ mourra pour tous les hommes, pour la multitude, et c’est pour tous qu’il ressuscitera. Préparons-nous joyeusement à la fête de Pâques.
Amen.
P. Benoît Lecomte
Homélie du mercredi des cendres, par le P. Benoît Lecomte
Barbezieux - Baignes - BarretPublié le 5 mars 2025
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