« Quitte ton pays et pars vers le pays que je te montrerai », demandait Dieu à Abraham. Nous nous rappelions ces paroles au début de notre carême, nous mettant nous aussi en marche, en partance, en pèlerinage, en Exode.
Nous avons marché ensemble. Nous sommes partis, comme ce peuple Hébreux a traversé la mer rouge partant en hâte, en confiance, en désir de liberté et de vérité, de justice et de paix, en désir de lumière et de vie.
Et le chemin nous amène là, ce soir : à ce bout de pain.
Pain offert.
Pain du partage.
Pain de la route.
Pain quotidien, comme la manne qu’ont connu les Hébreux dans le désert.
Nous attendions de ce carême de nous retrouver nous-mêmes et de trouver Dieu… Et nous trouvons ce bout de pain, où Dieu se donne à nous.
En nourriture.
Inattendu.
Pain de la Passion. Pain de la Présence donnée et partagée. Eucharistiée.
Et ce pain devient Corps. Non par magie, mais par l’Esprit.
L’Esprit qui guidait le Peuple en son exode et pèlerinage,
Le même Esprit qui fait du pain, le Corps,
Le même Esprit qui fait de nous le même Corps.
Car ce pain n’est pas pour être regardé ou contemplé, ni même simplement mangé. Si Dieu échappe aux mains de ceux qui veulent le tuer, puis se rend absent en disparaissant du tombeau, ce n’est pas pour que nous puissions lui remettre la main – ou le regard – dessus. Ce pain est pour nous transformer en lui, en un Corps eucharistié, ce Corps qu’on appelle Eglise – elle-même figure d’humanité.
Geste incompréhensible du lavement des pieds qui donne tout son sens à ce pain partagé.
Il ne s’agit que d’une seule et même chose, que d’une seule et même idée, que d’un seul et même appel : prendre soin les uns des autres… « aimer jusqu’au bout ». Embrasser de la prière et de l’action toute l’humanité, et d’abord celle qui pleure et qui souffre, et nous donner pour elle, et espérer pour elle.
Là est le Corps. Livré. Blessé. Rompu. Là est la vraie nourriture et la vraie boisson, celles qui donnent la vraie vie. La vraie nourriture n’est pas dans la matérialité de ce que nous mangeons, elle est dans le don total que nous faisons du Corps que nous sommes.
Et ouverture du cœur.
Tabernacle vivant.
Serviteur donné, dans l’abaissement libre et confiant.
« Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns les autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »
C’est à nous que sont confiées ces paroles… pour que nous les mettions en pratique.
Ite missa est. Allez, vous êtes envoyés.
Nouvel exode. Nouveau départ. Nouveau pèlerinage.
Celui de l’Homme, de toute l’humanité.
Déplacement.
Nous pensions nous trouver nous-mêmes, ou trouver Dieu, et c’est à l’humanité entière que nous sommes envoyés, et d’abord aux blessés et aux pieds sales.
Présence Réelle du Corps offert.
La Table est le lieu du départ. Mangeons en hâte, l’Homme, dehors, attend – et il est peut-être à côté de nous. Mettons-nous en tenue de service. Pour aimer. « Jusqu’au bout ».
Amen
P. Benoît Lecomte
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