Nous fêtons aujourd’hui la « dédicace de la basilique du Latran », la cathédrale de l’évêque de Rome. Etrange fête que de célébrer une église, un bâtiment, et qui plus est un bâtiment à plus de 1500 km de chez nous, aussi belle soit-elle !
Avant d’aller plus loin, rappelons quelques aspects culturels. « La basilique est à l’origine un lieu profane où s’exerce toutes les activités de la vie quotidienne (commerce, politique, échange d’idées). Mais l’expression sera utilisée aussi pour désigner certains lieux de prière à Rome, lorsque l’empereur Constantin aura accordé aux divers religions un statut de liberté dans l’empire. Constantin fit ainsi don d’un terrain au pape Melchiade pour construire une « domus ecclesia ». En cohérence avec l’emploi profane du mot – un lieu où s’exerce toutes les activités de la vie quotidienne -, le pape fit également construire un baptistère et un palais, qui devient la résidence des évêques de Rome jusqu’à la période avignonnaise. Chaque 9 novembre, l’Église célèbre la dédicace de ce lieu à la suite du geste posé en 324 par le Pape Sylvestre Ier qui l’a dédiée au Très Saint Sauveur (avant qu’un de ses successeurs ne la dédie aussi à Saint Jean). Premier édifice monumental chrétien construit en Occident, elle est l’église cathédrale de l’évêque de Rome, le pape. À ce titre, elle est considérée comme la « mère » en ancienneté et dignité de toutes les églises de Rome et du monde. »[1]
Cela est intéressant, mais peu nourrissant. La Parole de Dieu nous indique une autre voie. Les trois textes nous parlent du Temple : d’où coule des eaux foisonnantes dans le livre du prophète Ezéchiel, de la construction de Dieu dont la pierre de fondation est Jésus-Christ dans la lettre aux Corinthiens, du Temple de Jérusalem et du Corps de Jésus dans l’Evangile. Les prières de la messe nous guident aussi : « Dans ta bonté pour ton peuple, tu veux habiter une maison de prière, afin que ta grâce toujours offerte fasse de nous le temple de l’Esprit Saint, resplendissant d’une vie qui te plaise », entendrons-nous dans la préface de la prière eucharistique. La Parole de Dieu nous fait passer de la réalité d’un bâtiment, lieu de la prière, à la réalité d’une autre construction, celle d’un Corps. Celui de Jésus et celui de l’Eglise, ces deux ne faisant qu’un. Et voici que le Temple dont il est question n’est plus une Eglise à 1500 km de chez nous, mais nous-mêmes, le Corps que nous formons, la construction sainte dont le Christ est la pierre de fondation et chacun de nous, l’une des pierres de la construction, l’un des membres essentiels au Corps de l’Eglise, au Corps du Christ.
Dans l’évangile, Jésus est comme on le voit rarement ailleurs. Si parfois il peut avoir des paroles dures, il en vient cette fois-ci aux mains et renverse tout sur son passage, voulant faire de sa maison non une maison de commerce mais une maison de prière. Ce renversement des tables est aussi le signe d’un renversement radical et plus profond : ce qui est manifesté est déjà le renversement définitif de sa résurrection. La mort elle-même sera renversé, pour que la vie l’emporte. La haine sera renversée, pour que le pardon et la paix l’emportent. « Détruisez ce sanctuaire, et en 3 jours je le relèverai », s’écrit-il. Etonnant de fêter la dédicace d’une Eglise en choisissant un passage dans lequel Jésus propose précisément de détruire le sanctuaire ! Mais ce ne sont plus les tables ou le sanctuaire, que Jésus renverse ou veut détruire. C’est ce qui n’est pas ajusté en nous, ce qui est mort en nous, en nos vies et en notre Eglise.
« Frères et sœurs, vous êtes une maison que Dieu construit », disait Saint Paul dans sa lettre. « Ne savez-vous pas que vous êtes un sanctuaire de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » Voilà des paroles extrêmement puissantes, qu’il nous faut recevoir pour ce qu’elles portent d’encouragement, d’action de grâce, de grandeur, mais aussi d’appel à la conversion, c’est-à-dire d’appel à se laisser faire par le bras et la puissance de Jésus qui vient remettre en place en nous tout ce qui n’est pas à sa place. Avouons qu’il y en a, des marchands du temple et des affaires poussiéreuses, en nos vies en dans l’Eglise, toute « sainte » que nous la proclamerons tout à l’heure. Et qu’il faut la violence de Jésus pour nous faire participer à la résurrection qui relève tout.
La fête de la dédicace de la basilique du Latran n’est pas la célébration d’un bâtiment, mais l’occasion de prier pour toute l’Eglise. L’Eglise universelle, dont le pape est le garant de l’unité. Et avec elle, toutes les Eglises locales que sont les diocèses partout dans le monde, et l’immense Peuple de Dieu, tous les baptisés qui, de part le monde, sont membres de ce Corps immense qui ne cesse de vouloir vivre de l’Esprit Saint, d’écouter la Parole de Dieu, de partager le pain et le vin consacrés, de désirer être témoin jusqu’au martyr de l’Evangile du Christ. Nous savons combien les municipalités prennent soin des églises de pierres au milieu des communes : que ces églises – bâtiments soient les signes de cette présence de Dieu, de sa victoire et de sa paix au cœur du monde et de nos villages. Et que notre prière porte la mission de l’Eglise toute entière, ce Corps du Christ présent dans le monde pour y être comme le sacrement du salut.
Amen.
P. Benoît Lecomte
[1] https://liturgie.catholique.fr/celebrer-dans-le-temps/les-fetes-et-les-saints/291189-fete-de-la-dedicace-de-la-basilique-du-latran-9-novembre/






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