Homélie du 8 novembre 2020 – 32ème dimanche TO. A

Barbezieux - Baignes - Barret

Publié le 8 novembre 2020

Ce texte d’Evangile est un récit bien curieux. Rien n’y est logique. Que fait un époux loin de la salle de noces en pleine nuit ? D’où vient ce cris qui invite celles qui sont déjà dehors à « sortir » ? Pourquoi 10 jeunes filles ce retrouvent devant la porte de la salle de noces ? Pourquoi les cinq prévoyantes ne pourraient pas éclairer les autres, par solidarité, en s’approchant deux par deux par exemple ? Y a-t-il d’ailleurs besoin d’une lampe pour entrer dans une salle qui, certainement, doit être déjà bien éclairée ? Pourquoi envoyer des jeunes filles chercher de l’huile de nuit alors que les marchands dorment à cette heure là ? Qui est donc cet époux qui non seulement n’a pas d’épouse, mais dit ne pas connaître cinq des jeunes filles qui ont été invitées ? Si rien n’est bien cohérent dans cette parabole de Jésus, si aucun effort n’a été fait sur la crédibilité d’une histoire, c’est que ce n’est pas là qu’il faut chercher le sens.

En même temps, la situation que nous vivons dans notre pays, les informations qui nous parviennent, les différentes mesures sanitaires qui sont prises ici et là actuellement nous paraissent parfois tout aussi incohérentes que ce récit ! Alors… peut-être que le texte d’Evangile rejoint déjà un peu notre réalité…

Revenons à l’Evangile. Le regard du lecteur est donc invité à chercher ailleurs que dans la cohérence du texte. Peut-être, à regarder davantage l’attitude de ces jeunes filles invitées à des noces. Elles sont là, et même largement en avance sur l’époux ! Voilà une histoire d’amour (de noces) qui commence bien, tout en élan. Mais quelle est la différence entre celles qui auront encore de l’huile lorsque l’époux arrivera, et les autres ? Quelle est cette huile qui a manqué aux « insouciantes » et qui ne peut être partagée par les « prévoyantes »? La parabole de Jésus nous raconte à quoi est comparable le royaume des Cieux. Et c’est semble-t-il là, dans cette histoire d’huile, que tout se joue. Quand l’époux arrive, les prévoyantes sont disponibles pour l’accueillir et le suivre. Les insouciantes, elles, se font précisément du souci et s’inquiètent de leurs lampes. Elles ne sont pas à la Rencontre. Physiquement présentes, leur esprit et leur cœur sont ailleurs… elles vont louper l’époux… et la noce.

Etre disponible à la Rencontre. Voilà une belle parabole pour parler du royaume des Cieux. Une Rencontre qui n’est pas synonyme de l’heure de notre mort, mais qui se présente à chaque minute de notre vie. Elle est comme cette Sagesse, de la première lecture : « elle se laisse aisément contempler par ceux qui l’aiment, elle se laisse trouver par ceux qui la cherchent… celui qui la cherche dès l’aurore ne se fatiguera pas : il la trouvera assise à sa porte… penser à elle est la perfection du discernement, et celui qui veille à cause d’elle sera bientôt délivré du souci… » Quelle disponibilité nous faut-il, intérieurement, pour rencontrer et nous nourrir de cette Sagesse qui « vient à notre rencontre » ! Quelle ouverture du cœur, quelle acuité du regard, quelle finesse d’écoute, quelle qualité de présence nous est-il demandé d’avoir ! Et comment partager cela à son voisin ? Il s’agit là de dispositions intérieures et intimes bien difficiles à avoir pour quelqu’un d’autre, fut-il proche. Il s’agit là d’une « mise en présence et en Présence » propre à chacun.

Voilà qui vient parler à notre quotidien et à la réalité que nous connaissons. Notamment en ce temps de confinement souvent qualifié de « bazar » et aux mesures apparemment incohérentes. Au milieu de ce monde tel qu’il est, Jésus nous enjoint de rester disponible. Alors que le stress des masques et des attestations à avoir, la revendication pour changer telle ou telle règle, l’attention permanente tournée sur les détails qui clochent, ajoutés à la tension provoquée par les attentats et toutes sortes de violences aveugles et identitaires peuvent nous détourner de l’essentiel : rester disponible à l’Epoux qui vient, rester prêt pour la Rencontre, être en état de vivre « le royaume des Cieux » et la noce là où nous sommes, ici et maintenant. En famille, au travail, dans la prière personnelle ou familiale, dans les paroles, dans l’écoute de celui qui frappe à la porte (ou au téléphone), dans l’attention à ceux qui sont un peu plus perdus, touchés, isolés, malades, inquiets…

Peut-être, sûrement, l’absence d’eucharistie vécue en Eglise ouvre en nous un manque. Nous nous retrouvons dans les mots du psalmiste : « mon âme à soif de toi, après toi languit ma chair, terre aride, altérée, sans eau ». Que cette absence subie puisse non pas nourrir nos ressentiments, mais nous ouvrir à une autre disponibilité, intérieure et bien réelle. Il ne s’agit pas là de spiritualiser des règles qui nous sont imposées, mais de bien rester disponible et de faire de ce moment « un moment favorable » où l’Esprit parle à notre esprit pour faire grandir en nous le désir de l’Epoux et éveiller tous nos sens à la vie du royaume autour de nous. L’eucharistie ne bouche pas le trou du manque de Dieu. La présence de Dieu se manifeste peut-être même d’abord dans le manque, dans le désir, dans la faim, dans la « tension vers » que rien ne vient combler. Dieu ne comble pas par une présence – le tombeau est vide. Dieu ne nous gave pas, il ne nous « sature » pas. Mais Il se dit et se donne dans le vide de l’attente, de notre attente active et vive qui ouvre en nous une disponibilité à son appel et à son invitation : aimer, aimer, aimer.

Qu’au milieu des agitations de ce monde, nous puissions être de ces hommes et ces femmes habités par la paix, la disponibilité, la Sagesse et la joie des noces de l’Epoux. Là est celui qui vient nous rencontrer.

Amen.

P. Benoît Lecomte

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Une réponse sur « Homélie du 8 novembre 2020 – 32ème dimanche TO. A »

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