Chers frères et sœurs,
S’il y a bien une Personne qui est à l’honneur dans les textes de la Parole de Dieu en ce jour de la Pentecôte, et cela nous paraît tout à fait normal, c’est l’Esprit Saint. Alors qu’avouons-le, la liturgie n’est pas très bavarde sur lui le reste de l’année. La Pentecôte, c’est SON jour. Et c’est pourquoi l’Eglise va chercher dans la Parole de Dieu les passages les plus élogieux à son sujet.
Evidemment, cela commence par les Actes des apôtres. C’est l’événement qui nous rassemble ! Le cinquantième jour après la Résurrection, les apôtres furent « remplis d’Esprit Saint ». Esprit Saint qui est figuré par plusieurs images : un « violent coup de vent » qui remplit la maison, puis des « langues qu’on aurait dites de feu ».
En écho à ce récit, le Psaume 103 reprend ce terme si important de « rouah », traduit ici par « souffle », qui désigne dans l’Ancien Testament ce souffle vital, cette haleine transmise par Dieu à toutes les créatures pour leur donner la vie. « Tu reprends leur souffle, ils expirent, et retournent à la poussière. Tu envoies ton souffle, ils sont créés ; tu renouvelles la face de la terre ».
Saint Paul, en fin connaisseur de toute la tradition biblique, reprend à son compte cette expression. Lui n’écrit pas en hébreu, mais en grec. Et la « rouah » se transforme en « pneuma ». Mais fondamentalement, le message de l’épître aux Romains est le même que celui du Psaume. L’Esprit est celui qui fait vivre. Non pas seulement de manière terrestre, de manière charnelle dans le langage de Paul, mais de manière spirituelle. L’Esprit est celui qui fait de nous des fils, héritiers du Père avec le Christ.
Enfin, dans le dernier texte que nous avons entendu, la liturgie donne bien évidemment la Parole à Jésus lui-même. Et l’on constate qu’il emploie encore un autre mot. Jésus parle de l’Esprit comme d’un autre Défenseur. Un autre Défenseur que le Père envoie en son nom et qui nous fait souvenir de tout ce qu’il nous a dit.
Si j’essaie de saisir en quelques mots, chers frères et sœurs, les différentes expressions entendues ce dimanche pour parler de l’Esprit Saint, c’est qu’elles sont nombreuses et diverses. Il y a en a pour tous les goûts. Chacun peut piocher dans ces textes de la Parole de Dieu l’image qui correspond le mieux à son besoin du moment. On se sent affaibli ? Une bonne flamme d’Esprit Saint pour raviver son feu intérieur. On se sent ramolli ? Un violent coup de vent pour nous pousser à avancer. On se sent attaqué ? Un avocat nous est donné pour nous défendre.
Tout cela est absolument merveilleux ! Formidable ! Pour celui qui la lit comme un recueil de fables, la Parole de Dieu de ce dimanche se transforme en grand marché dans lequel il suffit de se balader pour saisir l’image de l’Esprit Saint qui répond le mieux à ses attentes. Plus ou moins embrasé, plus ou moins violent, plus ou moins utile en fonction des circonstances qui nous occupent. De telle manière que l’Esprit Saint devient une sorte de bouton sur lequel il suffit d’appuyer quand on en a besoin. Une sorte de caisse à outils, de placard à épices qui permet d’agrémenter nos vies dans les moments les plus fades.
Dit comme cela, chers frères et sœurs, on sent bien qu’il y a quelque chose d’inajusté, quelque chose qui manque de profondeur spirituelle. Et pourtant, bien que ce soit ici volontairement caricatural, il me semble qu’il y a une forme de réalisme dans l’excès que je viens de présenter. Car, raison de son caractère insaisissable, de sa composition multiforme pour ne pas dire informe, les chrétiens ont souvent tendance à sortir l’Esprit Saint de sa boîte uniquement quand ils en ont besoin, c’est-à-dire pour lui demander d’envoyer tel ou tel de ses dons.
Jamais on n’oserait faire la même chose avec le Père. Bien qu’on ne lui donne pas une forme très précise. Son nom même de Père nous donne de le considérer comme une véritable Personne. Il est la source, le fondement, la figure paternelle et miséricordieuse avec qui on entre en relation comme des fils, des filles bien-aimées. Le Fils, lui, en raison de l’Incarnation, est lui aussi plus facilement saisissable. Il est l’enfant de Nazareth, l’adolescent qui instruit les docteurs dans le Temple, l’homme plein de vigueur qui guérit, appelle, enseigne. Il est surtout celui qui souffre par amour pour nous sur la Croix et qui ressuscite le troisième jour. De telle sorte qu’il est facilement abordé comme le maître, le frère, l’ami à qui l’on peut se confier de manière gratuite.
De son côté l’Esprit Saint, en raison de son caractère insaisissable, impalpable, est beaucoup moins facile à représenter et donc à aimer pour lui-même. Pourtant, il est bien lui aussi une Personne comme le Père et le Fils. Il n’est pas uniquement une sorte de vent, de feu ou de colombe qui restent muettes. Il n’est pas une chose, mais une Personne à qui l’on peut s’adresser, se confier ; une Personne que l’on peut aimer, non pas uniquement en raison de ce qu’il apporte, mais pour ce qu’il est. Comme le Père et le Fils, l’Esprit Saint EST Dieu. Il EST le Donateur de vie. Il EST celui qui fait de nous des fils du Père. Il EST celui qui atteste à notre Esprit que nous sommes enfants de Dieu.
Chers frères et sœurs, en ce dimanche de la Pentecôte, je ne voudrais surtout pas vous décourager de demander des choses à l’Esprit Saint. Car ses dons sont multiples et absolument nécessaires pour grandir en sainteté. Cependant, je voudrais vous inviter aussi à poser un acte d’amour à son égard ; à établir avec lui une communion intime et donc, avant de lui demander quoi que ce soit, à prendre le temps de le contempler et de lui dire tout simplement « merci » ! Merci, Esprit Saint, pour le don de la vie ! Merci pour la filiation divine puisque c’est grâce à toi que nous pouvons crier « Abba, Père ! ». Et enfin merci pour le combat que tu mènes en nous contre les puissances du mal !
Pour prolonger cette action de grâce, chers frères et sœurs, et pour conclure cette homélie, je voudrais partager avec vous une prière qui vient de la tradition dominicaine et que j’aime beaucoup prier. Je vous la partage fraternellement, car elle m’a beaucoup aidé à entrer dans cette communion d’amour, libre, gratuite, avec celui qui est pour moi le meilleur compagnon sur la route de la sainteté :
Cher Esprit Saint,
Me voici devant toi pour me laisser modeler,
pour me laisser conduire, pour me laisser aimer.
Accueille l’offrande de tout mon être
et fais-moi la grâce de t’aimer chaque jour davantage.
Apprends-moi à me laisser faire par toi en toute chose,
à ne pas mépriser tes inspirations, à ne pas te résister.
Que cette prière faite en ce jour soit le début
d’une intimité nouvelle avec toi. Amen.
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