Homélie du 8 janvier 2023, par le P. Benoît Lecomte

Barbezieux - Baignes - Barret

Publié le 8 janvier 2023

La prophétie d’Isaïe annonce que « en grand nombre, des chameaux t’envahiront. » Au-delà du sens de l’abondance que cela représente, je me suis souvent représenté la scène, imaginant des milliers de chameaux venir à moi… me demandant si toute cette caravane était vraiment une bénédiction ! Que faire de tous ces chameaux, fussent-ils « jeunes, de Madiane et d’Epha » ? Dans l’Evangile, les mages venus d’Orient n’ont pas de chameaux. En tout cas, le récit ne mentionne pas ce détail. Mais ils sont plusieurs (on ne connaît pas non plus leur nombre) et ils doivent certainement marcher, eux-aussi, en « caravane. » Le terme « caravane » n’est pas utilisé tel quel, mais il n’est pas étranger à l’évangile. Dans l’évangile selon saint Luc, on le retrouve à un autre moment de la vie de Jésus, lorsqu’il a 12 ans et qu’il a échappé à la surveillance de ses parents. « Revenant de pèlerinage à Jérusalem, ses parents avaient l’esprit tranquille en pensant que le garçon de douze ans (cf. Lc2, 42) marchait librement avec les autres, même s’ils ne l’avaient pas vu de toute la journée : « Le croyant dans la caravane, ils firent une journée de chemin » (Lc 2, 44). Certainement – pensaient-ils – Jésus était là, allant et venant parmi les gens, plaisantant avec les autres jeunes de son âge, écoutant les récits des adultes et partageant les joies et les tristesses de la caravane. Le terme grec utilisé par Luc pour désigner la caravane des pèlerins est le terme synodia, c’est-à-dire « synode » en Français, un terme qui indique précisément une communauté en marche. (Christus Vivit 29)

Ainsi, de la caravane de chameaux à la caravane des mages, la fête de l’Epiphanie nous indique une façon de vivre en Eglise.

Les mages sont en marche. A la fois pèlerins et migrants, savants et en quête. Le récit ne nous les montre pas statiques, bien au contraire : ils viennent de l’Orient, passent à Jérusalem, questionnent, cherchent, avancent encore jusqu’à Bethléem, et sitôt leurs cadeaux déposés, repartent. L’Eglise est à leur image : en marche. Pas depuis quelques mois ou quelques années ou quelques décennies : depuis le début, l’Eglise est en mouvement, parce qu’elle est animée par le Souffle de Dieu, l’Esprit Saint, l’Esprit de Vie. Il est normal que l’Eglise ne soit pas « bien ficelée », qu’elle ne tienne pas en place, parce que la place de l’Eglise, c’est « la route de l’homme », aimait à dire Jean-Paul II[1], et que la route est faite pour marcher, pour avancer, pour s’aventurer. « La pratique de la synodalité, traditionnelle mais toujours à renouveler, est la mise en œuvre, dans l’histoire du Peuple de Dieu en marche, de l’Église comme mystère de communion, à l’image de la communion trinitaire. La synodalité (qu’est l’autre mot pour dire « Eglise » !) est un style, c’est marcher ensemble, et c’est ce que le Seigneur attend de l’Église au troisième millénaire », dit le pape François[2].

Mais les mages ne marchent pas chacun selon son chemin. Ils sont ensemble, en « caravane ». Le « je » laisse place au « nous » (on remarque d’ailleurs que le récit ne leur donne pas les prénoms que la tradition inventera plus tard). La vie – et la vie de l’Eglise – est un cheminement communautairedans lequel les tâches et les responsabilités sont réparties et partagées en fonction du bien commun. Mais c’est ensemble que l’on avance. Souvent au rythme du plus fragile et du plus faible. La logique de l’individualisme n’a pas sa place dans la caravane ecclésiale. Chacun est important, nul ne peut en être exclu. Nous sommes dans une caravane inclusive, accueillante (même si nous pouvons parfois traiter l’un ou l’autre de « chameau » sous le coup de l’incompréhension !)

Les mages ont un but : Jésus. C’est lui qu’ils vont voir, pour l’adorer et lui présenter leurs offrandes. Voilà encore une belle image pour parler de notre pèlerinage en Eglise, de notre marche communautaire. N’est-ce pas pour le même but que nous nous sommes rassemblés dans cette église aujourd’hui ? N’est-ce pas nous aussi Celui que nous cherchons ? Si les mages nous indiquent le mouvement et la façon d’avancer, ils nous disent aussi où nous allons, ou plutôt vers qui nous sommes conduits, et à qui nous présentons nos vies.

Enfin (mais il y aurait encore tant à dire !), les mages repartent par un autre chemin. On ne fait pas demi-tour. La Bonne Nouvelle ne fait pas marche arrière. Elle est destinée à tous, à toutes les nations, à toutes les femmes, à tous les hommes ! « Ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Evangile », clamait Saint Paul. Notre marche synodale est missionnaire. Elle ne s’arrête pas à l’Enfant de la crèche, ou à l’eucharistie, elle rejoint ensuite le cœur de tous les hommes car Jésus est né pour tous. Ces mages, des païens, des non-croyants, l’ont bien compris et l’ont accueilli en leur vie. Dans sa marche commune, l’Eglise doit déborder de l’amour qu’elle reçoit de Dieu, en emprunter tous les chemins les plus diverses que nous offre le monde d’aujourd’hui.

On pourrait se poser la question, avec les documents publiés du synode de l’Eglise universelle : « Comment se réalise aujourd’hui, à différents niveaux (du niveau local au niveau universel) ce “marcher ensemble” qui permet à l’Église d’annoncer l’Évangile, conformément à la mission qui lui a été confiée ; et quels pas de plus l’Esprit nous invite-t-il à poser pour grandir comme Église synodale ? » (Document Préparatoire n° 2).

L’Epiphanie, voilà une belle parabole pour nous parler de l’Eglise que nous formons et que Dieu appelle. Une Eglise « en synode », en « caravane », c’est-à-dire une Eglise où nous marchons tous ensemble, de tous les horizons sur la route de l’histoire, guidés par l’étoile qui nous mène à Jésus, pour que nous puissions l’adorer, nous nourrir de sa présence, nous offrir à lui et repartir ensuite par un autre chemin.

Amen.

P. Benoît Lecomte


[1] Jean-Paul II, Redemptor Hominis, 1979

[2] Pape François, Discours aux membres de la Commission Théologique Internationale, 29 novembre 2019

Partagez cette page à vos amis !




Télécharger au format PDF

Une réponse sur « Homélie du 8 janvier 2023, par le P. Benoît Lecomte »

[…] Tout d’abord, voici l’homélie de ce jour, pour les adeptes de chameaux et de […]

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Contact

Paroisse Barbezieux-Baignes-Barret
20 Rue Thomas Veillon, 16300 Barbezieux-Saint-Hilaire
05 45 78 01 27
paroisse.barbezieux@dio16.fr

Les projets de notre diocèse

Appel à dons pour aider des jeunes à partir à Rome pour le Jubilé 2025

Un projet pour aider nos jeunes à vivre leur foi ! Durant une année – dite Année sainte – de multiples démarches spirituelles sont organisées et proposées aux fidèles : pèlerinages à Rome, passages de Portes saintes, enseignements… Autant de propositions qui encouragent à prendre soin de sa vie intérieure et redécouvrir son lien au Christ.  […]
En savoir plus
0 € financés sur un objectif de 10 000 €

Soutenons l’accueil de nos prêtres à Confolens : un projet pour des logements adaptés

C’est le 9 juin 2023 que Monseigneur GOSSELIN demande au Père FERNANDEZ d’aménager des logements pour deux ou trois prêtres dans la Maison Paroissiale de Confolens. Le presbytère de Confolens n’étant pas adapté pour accueillir 3 prêtres toute l’année et les prêtres qui viennent l’été. Un projet prend rapidement forme et dans les anciennes écuries […]
En savoir plus
0 € financés sur un objectif de 145 000 €

Appel à dons pour le remplacement des chaises de l’Église Saint Paul

Un projet pour le confort et l’accueil dans notre église Depuis plus de 40 ans, les chaises en plastique de l’église Saint Paul ont accueilli des milliers de fidèles et de visiteurs lors des célébrations et événements culturels. Malheureusement, le temps et l’usage ont laissé des traces : la plupart de ces chaises sont aujourd’hui […]
En savoir plus
1 336 € financés sur un objectif de 4 954 €

Abbaye de Bassac : soutenons les travaux d’aménagement de l’aile ouest

L’Abbaye de Bassac, lieu emblématique de paix et de spiritualité, fait appel à votre soutien pour un projet d’envergure. Les deux étages de l’aile ouest des bâtiments nécessitent d’importants aménagements afin de pouvoir accueillir, dans les meilleures conditions, des groupes de jeunes, des familles, et toute personne en recherche d’un espace de tranquillité. Objectif de […]
En savoir plus
9 984 € financés sur un objectif de 480 000 €

Appel à dons pour la rénovation de l’éclairage de l’église Saint-Antoine

Chers amis, L’église Saint-Antoine, témoin de notre histoire et lieu de recueillement, mérite d’être mise en lumière pour continuer d’accueillir les fidèles et les visiteurs dans un cadre chaleureux et sécurisé. Aujourd’hui, nous faisons appel à votre générosité pour soutenir un projet important : le réaménagement de son éclairage. Afin de mettre en valeur l’architecture […]
En savoir plus
845 € financés sur un objectif de 5 895 €

Soutenons ensemble la rénovation de la façade de la Maison Diocésaine !

Dès l’automne prochain, notre Maison diocésaine devrait commencer à faire peau neuve. La Maison diocésaine est au centre et au service de l’Église en Charente : elle héberge tous les services diocésains, certains mouvementset des associations qui comptent dans le paysage charentais : RCF Charente, BD Chrétienne, etc… Elle profite d’une situation géographique exceptionnelle, au […]
En savoir plus
158 650 € financés sur un objectif de 162 000 €

Je recherche