A quelques jours de Noël et de la célébration de la naissance de Jésus, et alors que l’Evangile lui-même nous raconte la conception divine de Jésus en Marie, nous fêtons une autre conception, celle de la mère de Jésus. Nous la fêtons en l’appelant « immaculée », un terme qui peut prêter à confusion. Si Marie est conçue sans péché, n’est-elle pas en cela l’égale du Christ, et ne devient-elle pas médiatrice avec lui ? Ne risque-t-elle pas de prendre la place de Dieu, elle qui est d’abord une créature, comme vous et moi ? La piété mariale, lorsqu’elle est exagérée, peut parfois donner plus de place à Marie qu’à Jésus dans l’œuvre de la rédemption.
Une récente note du dicastère pour la doctrine de la foi (elle est datée du 4 novembre de cette année !) réfléchie aux divers titres donnés à Marie. On peut lire dans cette note : « Le dogme de l’Immaculée Conception met l’accent sur la primauté et l’unicité du Christ dans la Rédemption, parce que même la première rachetée est rachetée par le Christ et transformée par l’Esprit, avant toute possibilité d’une action propre. C’est à partir de cette condition particulière de “première rachetée” par le Christ, de “première transformée” par l’Esprit-Saint, que Marie peut coopérer plus intensément et plus profondément avec le Christ et avec l’Esprit, en devenant un prototype, un modèle et un exemple de ce que Dieu veut accomplir en chaque personne rachetée. »[1] On ne peut pas dire que ces mots soient particulièrement poétiques. Mais on comprend que parler de l’Immaculée Conception à propos de Marie, c’est parler d’abord du rôle unique du Christ dans l’ordre du salut. Car si nous pouvons dire que Marie a été sauvée du péché, c’est parce qu’elle l’a été par Jésus, son fils, comme pour chacun de nous. Mais elle a accueilli de façon si pleine et entière la présence de Dieu en sa vie, qu’elle est la première des croyants a avoir été sauvée totalement. Elle peut ainsi « coopérer » avec le Christ et l’Esprit en devenant pour nous un modèle de ce que Dieu veut faire et vivre avec chacun de nous. En elle, les paroles de Paul aux Ephésiens trouvent un écho tout particulier : « Il nous a bénis et comblés des bénédictions de l’Esprit, au ciel, dans le Christ. Il nous a choisis, dans le Christ, avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints, immaculés devant lui, dans l’amour. Il nous a prédestinés à être, pour lui, des fils adoptifs par Jésus, le Christ »… et vous continuerez la lecture. Ces mots trouvent leur réalisation dans la figure et la personne de Marie, bien qu’ils nous soient destinés. Parce que nous sommes promis à la même vocation que Marie et au même salut dont elle a bénéficié.
Nous fêtons l’immaculée conception de Marie, et cela à quelques jours de Noël. Cette proximité entre les deux fêtes, et sur notre chemin d’Avent, peut inspirer notre prière. En effet, nous mettons en place des crèches, dans nos églises et nos maisons. Nous y plaçons tous les personnages, les humains et les animaux, sauf un, que nous attendons : Jésus.
L’ange Gabriel annonce à Marie qu’elle devient elle-même crèche. Qu’en elle, Dieu a disposé l’espace intérieur pour prendre chair, pour devenir Fils. Marie ne peut devenir crèche à ce point que parce qu’elle est capable de répondre totalement « oui » au projet que Dieu a pour chacun de nous, d’être « saints et immaculés devant lui, dans l’amour », disait Saint Paul. Elle devient, selon encore les mots de l’apôtres, le « domaine particulier de Dieu ». Mais ce temps de l’Avent, symbolisé par nos crèches, nous rappelle que nous sommes tous appelés, invités, et même « prédestinés » à devenir nous aussi des demeures de Dieu. N’est-ce pas le Mystère de Noël qui se dessine quand nous laissons Dieu prendre chair en nous, se rendre visible et même « sacrement » en notre humanité ? Ne sommes-nous pas promis à la même vocation que celle de Marie, parce que nous partageons avec elle le même salut de Dieu, en son fils, Jésus-Christ ?
Aussi, tournons-nous vers Marie. Non pour en faire une déesse ou une sainte inatteignable, mais pour accueillir en nous son oui, pour la prendre pour modèle de crèche, pour laisser Jésus-Christ faire sa demeure en nous et nous sauver. Et, comme il l’a réalisé totalement déjà en Marie, que Dieu achève en nous ce qu’il a commencé.
Amen.
P. Benoît Lecomte
[1] Mater Populi fidelis, n°14






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