Où il est question de hautes montagnes et de collines abaissées, de vallées comblées, de terre aplanie, de larges chemins où l’on avance en pleine sécurité et en pleine lumière. Tout le contraire d’un chemin étroit et tortueux, chaotique, impraticable, difficile d’emprunt.
Imaginez un paysage de montagne. Les montagnes, les rochers, les falaises, les gravas encombrent le chemin et ne laissent pas passer la lumière. Ils lui font obstacle. Ils la cachent. Ils la capturent. C’est dans la plaine que la lumière courre le plus vite, qu’elle est accessible à tous, atteignable, qu’elle se donne.
La nuit ne capture pas la lumière. La lumière est plus forte que la nuit. Elle la transperce, elle la perfore, elle la scie, elle la fait disparaitre, elle la tue. La nuit n’arrête pas la lumière, au contraire de la montagne, du ravin ou du tas de pierres.
C’est précisément la lumière, que nous attendons en ce temps de l’Avent, tournés vers les fêtes de Noël. Non la lumière de nos guirlandes et de nos illuminations, qu’on rangera dans les cartons dès les fêtes terminées. Mais la lumière de « Celui qui est la Lumière ». La Lumière que Jean, le fils de Zacharie, annonce dans le désert – ce désert pourtant lumineux, mais d’une lumière si faible devant la Lumière qui vient. L’homme, le bébé que nous attendons, est La Lumière. La Lumière que même les ténèbres de la mort n’ont pu arrêter. Il est la Lumière qui jaillit de nos nuit et brise l’obscurité dans un éclat de jour, dans un élan de vie.
Cette Lumière vient à nous et est plus forte que les ténèbres de nos nuits. Elle nous transperce à jour. Mais elle peut ne pas accomplir sa mission, si sa course se brise sur nos montagnes intérieures, sur les rochers, ou dans les sinuosités de nos vies. La voix de Jean, qui crie dans le désert, nous met en garde : « Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. » Il nous faut nous préparer. Faire en sorte que la Lumière qui vient puisse atteindre notre cœur, puisse illuminer notre vie.
Il ne s’agit pas de faire disparaitre nos ténèbres : cela, la Lumière qui vient s’en chargera. Elle vient pour cela. Il faut laisser Dieu faire son travail en nous, qu’il fait mieux que nous-mêmes. Saint Paul le dit avec ces mots dans la lettre aux Philippiens : « Celui qui a commencé en vous un si beau travail le continuera jusqu’à son achèvement au jour où viendra le Christ Jésus. » Dans l’aujourd’hui de notre temps, les sacrements de l’Eglise nous donnent la grâce de l’accomplissement de ce travail divin. Vivons donc de notre baptême et de notre confirmation, de l’eucharistie, du sacrement du pardon, du sacrement du mariage ou de l’ordre auquel nous nous sommes engagés.
Il ne s’agit pas de faire disparaitre par nous-mêmes nos ténèbres, mais de préparer le chemin pour que la Lumière qui vient puisse aller au bout de sa course, jusqu’au bout de sa course. Et partant, de la désirer, de l’attendre, de se mettre en disposition pour l’accueillir. D’orienter nos pensées, nos actions, nos envies, notre vie.
Cela est vrai de notre vie intérieure. Repérer les aspérités, ce qui nous empêche d’accueillir la Lumière jusqu’au bout. Ce qui la bloque dans sa course. Chacun pourra faire cet exercice de discernement, d’examen, de scrutation. Mais cela est aussi vrai de notre vie relationnelle et de ce qui se joue dans la solidarité humaine. Préparer les chemins du Seigneur n’est pas une affaire uniquement privée, individuelle, personnelle. Elle est un défi humain qui s’adresse à toute l’humanité. A toute la planète. A notre monde.
La cacophonie que nous entendons en ces temps troublés, les invectives et les violences, le refus de dialoguer avec l’autre qui ne pense pas comme moi, habitent notre actualité. Et mystérieusement, malheureusement, nous y participons aussi, même petitement, même inconsciemment. Au moins parfois, reconnaissons-le, dans nos cercles proches. Même ecclésiaux. Ces refus, ces rejets, créent des montagnes, élèvent des ravins, creusent des fossés, torturent les routes des relations entre tous les hommes. Et ils empêchent la véritable Lumière de Noël, la Lumière qu’est Jésus, de venir au creux de nos vies. Ils nous empêchent de voir la Lumière venir, et de l’accueillir vraiment. Il nous faut, en ce temps d’Avent, « progresser de plus en plus dans la pleine connaissance et en toute clairvoyance pour discerner ce qui est important », dit Saint Paul. Il nous faut préparer non seulement nos cœurs, mais par eux, aussi toute notre vie, pour l’inouïe de Dieu. Aujourd’hui. Car au jour de Noël, nous ne fêterons pas un anniversaire du passé, nous célèbrerons Dieu qui vient à nous à chaque instant. Dieu qui vient, qui se donne, et qui désire être pleinement accueilli, comme un enfant dans les bras de ceux qui l’aiment.
« Quitte ta robe de tristesse et de misère, revêts la parure de la gloire de Dieu pour toujours, enveloppe-toi dans le manteau de la justice de Dieu, tiens-toi debout ! » Change de vie, convertis-toi, élimine de ta vie tout ce qui t’empêche d’accueillir l’incroyable nouveauté de la présence de Dieu, de sa Lumière qui vient chasser tes ténèbres. Libère le chemin jusqu’à toi, pour que la Lumière de Dieu t’atteigne et te conduise à la joie, à la miséricorde, à la justice. Et pour que tout être vivant « voit le salut de Dieu. »
Amen
P. Benoît Lecomte
Homélie du 8 décembre 2024, par le P. Benoît Lecomte
Aubeterre - Chalais - BrossacPublié le 7 décembre 2024
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