Ce n’est rien que de dire que la situation politique de notre pays est dans un moment complexe qui empêche de regarder sereinement les grandes décisions et les grandes priorités à prendre pour l’avenir de notre nation. En Charente, la situation départementale n’est pas plus brillante. Les discours d’inauguration de la Foire Expo qui anime notre territoire ce week-end en portaient la trace et l’inquiétude. Peut-être cette instabilité sociale n’est-elle que la manifestation publique de l’atomisation aussi de nos vies intérieures, si souvent tiraillées de part et d’autre par des injonctions nombreuses et contraires qui viennent percuter notre unité.
Difficile de tracer une ligne de vision, de dessiner un horizon, de faire des plans ou des projets à long terme. Difficile de nous mettre d’accord, de faire vivre ensemble des personnes aux idées si opposées, de réunir en un même mouvement et une même dynamique des conceptions qui s’affrontent naturellement. Alors on se perd dans une cacophonie sans nom et sans objectif pour tous, sans permettre d’unité.
En ce début d’année, nos rencontres d’EAP, de services, d’équipes diverses veulent tracer avec raison quelques priorités d’année pour ne pas s’éparpiller dans tous les sens et se perdre. Peut-être nous-mêmes, personnellement ou en famille, prenons-nous tel ou tel engagement pour donner du sens à cette année et offrir une orientation particulière, pour « unifier » le tout.
En ce temps de rentrée, Jésus, dans l’Evangile, nous donne quelques pistes pour éclairer ce temps de début d’année et nous aider à savoir où nous voulons aller.
La première piste, c’est de demander la Sagesse de Dieu. « Quel homme peut découvrir les intentions de Dieu ? Qui peut comprendre les volontés du Seigneur ? » demandait le livre de la Sagesse. Et de continuer un peu plus loin : si « les sentiers des habitants de la terre sont devenus droits », c’est parce que les hommes ont accueilli la Sagesse de Dieu envoyée par l’Esprit Saint. Demander et accueillir la Sagesse de Dieu comme un don qui nous est offert, en ouvrant notre cœur, notre esprit, notre intériorité à cette Sagesse, à ce don. En acceptant de ne pas tout maîtriser selon nos pensées et nos conceptions, mais en croyant que cette Sagesse divine, dont Jésus est l’incarnation, vois plus loin que nos projections et plus profond que nos intuitions. Se mettre intérieurement en présence de cette Sagesse, plus folle que la sagesse humaine, dira ailleurs Saint Paul, mais plus stable et forte aussi.
La deuxième piste, c’est d’accepter la croix : accepter de « porter sa croix », dit Jésus. La croix est facilement associée à l’échec. Mais l’expérience chrétienne est que cette croix est traversée par la vie, redonnée en plénitude. Nous ne pouvons pas rêver d’une année, d’un chemin sans aspérité, sans déception, sans difficulté, sans échec à vue humaine. Mais nous pouvons croire, et c’est là qu’est notre foi, que la croix n’est qu’un passage qui nous donne d’aller plus loin. Qu’elle est même le passage obligé à prendre, alors même que nous cherchons à la contourner ou à l’éviter. Il ne faut pas chercher la croix, mais la porter… pour découvrir que c’est elle qui nous porte, dans cette situation inconfortable, pour nous mener vers quelque chose de plus grand. N’oublions pas que la croix est le signe de notre baptême : nous sommes déjà passé radicalement par la croix pour vivre avec le Christ. N’ayons pas peur de la croix.
La troisième piste, c’est de ne rien préférer à lui : « si quelqu’un vient à moi sans me préparer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. » Non pas qu’il faille rejeter tous ceux que nous aimons ! Mais resituer toutes nos relations et tous nos engagements par rapport à l’amour absolu de Dieu en Jésus-Christ. Il est comme la quille du bateau, ou la boussole de notre cœur. Ne plus le placer en priorité, c’est perdre le sens et le poids de tout le reste.
La quatrième piste, c’est de prendre du temps avant de se lancer. Dans l’évangile, comme dans la vie politique du moment, il est question de faire un budget avant de se lancer dans les travaux ou dans la guerre. Quelle actualité ! Qui invite notre esprit et notre cœur à ne pas nous précipiter, mais à nous asseoir, à calculer, mais aussi à prier, à mesurer, à se concerter, à discerner. A chercher, encore, les intentions de Dieu et la pertinence de nos actions par rapport à son projet à Lui. Nos réunions de début d’année – en paroisse mais pourquoi pas à faire aussi en famille ou en couple ? – ont leur pertinence, si elles permettent de prendre ce temps de pause, de prière, de discernement avant d’agir.
La cinquième piste nous est offerte par l’expérience de Paul, de Philémon et d’Onésime : vivre l’Evangile jusqu’à la transformation de nos rapports sociaux pour devenir tous frères et sœurs. Paul propose à Philémon de lui renvoyer celui qui était son esclave et de l’accueillir comme un frère, dans la liberté du Christ. Demande folle, contrevenant à toutes les lois de l’époque qui demanderaient plutôt de punir Onésime pour s’être enfuit de chez son maître. Mais l’évangile est ainsi : elle vient convertir toutes nos relations pour les ouvrir à une véritable fraternité qui se joue de toutes les autres considérations, parce que l’humanité de celui ou de celle qui est face à moi est plus importante que tout le reste.
Demander la Sagesse, accepter la croix, ne rien préférer au Christ, ne pas se précipiter et laisser l’Esprit de Dieu transformer nos relations… voilà qui nous donne de quoi nous enraciner dans la vie de Jésus, d’unifier nos vies intérieures et notre vie sociale et ecclésiale, et finalement de répondre au seul but de notre année et de notre vie : continuer d’apprendre à devenir son disciple. Puisse cette Parole de Dieu inspirer le cœur de chacun.
Amen.
P. Benoît Lecomte
Une réponse sur « Homélie du 7 septembre 2025, par le P. Benoît Lecomte »
Accepter la croix n’est pas chose facile, quand on traine sa croix, on souffre forcément, depuis des années pour moi. Laisser l’esprit de Dieu transformer nos relations….(Pas à pas, petit à petit) , à condition une fois de plus que ce ne soit pas dans la souffrance….