Homélie du 7 novembre 2021 par le P. Benoît Lecomte

Barbezieux - Baignes - Barret

Publié le 7 novembre 2021

Ce week-end est marqué par deux Conférences importantes, chacune à leur façon et selon leur responsabilité. A Glasgow, les puissants de ce monde sont réunis à l’occasion de la COP 26 et doivent prendre des décisions et des engagements importants, rapides et exigeants pour lutter efficacement contre le dérèglement climatique et sauver ce qui peut encore l’être de notre maison commune qu’est la terre. A Lourdes, les évêques de France sont réunis à l’occasion de leur Assemblée Plénière d’automne, avec dans leurs mains le rapport Sauvé communiqué début octobre. Eux aussi doivent prendre des décisions et des engagements puissants, rapides et certainement exigeants pour rendre justice à de trop nombreuses victimes de crimes commis dans l’Eglise et pour transformer ce qui doit l’être de la vie de l’Eglise. D’un côté comme de l’autre, ce sont les responsables qui se sont réunis, ceux qui peuvent parfois se « promener en vêtements d’apparat » et qui reçoivent « des salutations sur les places publiques et les sièges d’honneurs. » Parce qu’ils portent, les uns et les autres, des responsabilités importantes en ces temps cruciaux, nous les portons, tous, et réellement, dans notre prière. Mais ce qui est frappant, dans la coïncidence des textes de la Parole de Dieu d’aujourd’hui avec l’actualité, c’est que Jésus met en avant non pas les puissants, qu’au contraire il met en garde, mais précisément tout l’inverse : une pauvre veuve. Une pauvre veuve qui jette dans le tronc du Trésor sur son indigence, « tout ce qu’elle possédait pour vivre. » Le mot à mot grec va plus loin : « elle a jeté toute sa subsistance », tout ce qu’elle est elle-même. Toute sa vie. Pour être bref : elle s’est donnée entièrement.

            Alors que nous yeux sont tournés vers les puissants, l’Evangile tourne nos regards vers cette pauvre. Comme si c’était elle qui avait quelque chose à nous dire aujourd’hui. Comme si son attitude, sa façon de vivre, sa façon de donner ou plutôt de se donner, entièrement, totalement, était l’enseignement que nous proposait la Parole de Dieu aujourd’hui. Plus qu’un enseignement : un appel, une invitation.

            D’abord pour nous dire que toutes les structures, les systèmes, les organisations, même les plus enracinés dans l’histoire, tout ce qui est précisément mis en questions ces temps-ci, n’est pas le plus important. On le voit bien, l’heure n’est plus à tenter de sauver un système économique d’un côté ou un système ecclésial de l’autre. L’heure est à réinventer autre chose, en se mettant à l’écoute justement des pauvres, des petits, des fragiles, des blessés, de ceux qui sont en danger ou qui pourraient l’être. Le bien-être et le confort d’une société, d’une organisation, ne peut tenir plus longtemps si ce bien-être est facteur de destruction, de mensonge, d’inhumanité. Les mots de Benoît XVI dans son encyclique Spe Salvi sur l’espérance nous reviennent en mémoire : « La capacité d’accepter la souffrance par amour du bien, de la vérité et de la justice est constitutive de la mesure de l’humanité, parce que si, en définitive, mon bien-être, mon intégrité sont plus importants que la vérité et la justice, alors la domination du plus fort l’emporte ; alors règnent la violence et le mensonge. La vérité et la justice doivent être au-dessus de mon confort et de mon intégrité physique, autrement ma vie elle-même devient mensonge » (n°38). C’est l’expérience que nous faisons en ce moment : accepter que nos structures et nos organisations s’effritent, se brisent, pour que la vérité, la justice et par là-même l’amour aient bien le dernier mot et ouvrent un avenir. La veuve de l’Evangile, les pauvres de notre temps doivent être la mesure de toutes les décisions et de toutes les transformations. Ce sont eux qui doivent être les premiers pris en compte.

            La veuve de l’Evangile nous invite ensuite à vivre notre engagement ou nos engagements (non seulement ceux des « puissants » mais les nôtres aussi, où que nous soyons) jusqu’au bout. Totalement. Sans demi-mesure. En n’en restant pas au superflu. A l’image aussi du Christ tel que la Lettre aux Hébreux nous en parle. Les temps que nous vivons non seulement ne nous autorisent pas à rester spectateurs ou commentateurs des transformations à vivre dans les mentalités et les pratiques, mais Jésus-Christ, Parole de Dieu Vivante et totalement donnée, nous enjoint de nous donner nous aussi, de nous engager totalement – et pas du bout des pieds. N’as-tu pas été plongé totalement dans l’eau du baptême ? L’amour de Dieu et l’amour pour Dieu et pour le prochain – qui comprend aussi les générations futures – convoque tout en nous : notre intelligence, notre volonté, notre esprit, nos capacités, nos élans, notre cœur, nos idées, notre corps, notre avoir et notre être. Tout est convoqué. « Tout ce que nous n’aurons pas donné sera perdu », disait Mère Térésa. Nous pouvons – et nous devons – rendre à Dieu tout ce que nous sommes, dans l’amour, par notre inscription dans le monde et dans l’Eglise. C’est ce que vit la veuve et ce qu’elle nous invite à vivre.

            Enfin, nous pouvons tout donner et nous engager totalement parce que nous pouvons avoir confiance. C’est sûrement le grand exemple que nous donnent les veuves de Sarepta et du Temple. Elles font confiance en Dieu et en son prophète Elie. Elles ont certainement fait dans leur existence l’expérience de la bonté du Seigneur et de sa fidélité. Malgré les événements douloureux de leur vie et la fragilité de leur situation économique et sociale, elles ont reçu cette certitude que le Seigneur ne les laissera pas tomber, qu’Il « aime les justes, protège l’étranger, soutient la veuve et l’orphelin, fait justice aux opprimés et donne le pain aux affamés », chantait le psaume. Nous pouvons, nous aussi, faire mémoire de ces événements en nos vies où le Christ a continué de nous accompagner, parfois mystérieusement. C’est bien le Seigneur qui mène l’Histoire humaine à son accomplissement, quelques soient les méandres par lesquels la responsabilité et la liberté des hommes la fait passer. Et sa victoire ne peut pas décevoir car c’est la victoire de l’amour, de la vie, de la justice et de la vérité.

Dans leur discrétion et leur apparente petitesse, les veuves de l’Ecriture disent tout de l’horizon de notre vie baptismale, de notre vie humaine, de notre vie d’Eglise. Jésus tourne vers elles nos regards et les regards des puissants pour qu’ensemble, dans la disponibilité à l’Esprit de Vie, nous puissions renaître ici, localement, et jusqu’à l’échelle planétaire, à une réalité de communion, d’amour, de confiance et d’attention.

Amen.

P. Benoît Lecomte

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