Homélie du 7 janvier 2024, par le P. Benoît Lecomte

Barbezieux - Baignes - Barret

Publié le 6 janvier 2024

En cette fête de l’Epiphanie, je vous invite à regarder l’étoile. L’étoile lumineuse au-dessus de la crèche. L’étoile qui a guidé les mages jusqu’à l’enfant Jésus. L’étoile qui les a mis en chemin, en mouvement, qui leur a fait traverser déserts, mers et montagnes. L’étoile qui les a sortis de leur confort, de leurs habitudes, de leurs traditions. L’étoile qui a touché leur soif de science et de connaissance, mais aussi leur cœur, leur désir de découvrir autre chose, d’inattendu, de plus grand que toutes leurs équations et leurs explications.

Je vous invite à regarder l’étoile. Elle a guidé les mages jusqu’à la crèche. Jusqu’à l’enfant. Jusqu’à cette étable où une femme a mis au monde un fils premier-né, l’Enfant-Dieu. Jusqu’à ce lieu de simplicité. De dénuement. De pauvreté. De renversement des apparences, aussi. De chamboulement des idées préconçues. Jusqu’à ce lieu de Paix, puisque là est le Prince de la Paix. Le monde peut bien gronder tout autour, la foule continuer d’affluer à Bethléem pour le recensement, les hommes hurler dans les bars et les femmes s’échiner au travail (on m’excusera ce portrait daté mais sûrement un peu fidèle de l’époque), la crèche est le lieu du silence. Du Mystère.  De ce « mystère qui n’avait pas été porté à la connaissance des générations passées comme il l’a été maintenant. » L’étoile s’est posée au-dessus de la crèche, le lieu du Mystère de Dieu se faisant Homme, dans l’extrême opposé de toutes nos idées trop humaines de Dieu. On peut imaginer l’étonnement des mages, venus chercher un roi, et qui trouvent un bébé dans cet environnement. Si l’on ne connaissait ni l’attente d’Israël ni la suite de l’histoire, on trouverait leur cadeaux incongrus, décalés… Peut-être est-ce ce qu’il se sont dit ? Les mages ont fait du chemin, pour aller jusqu’où l’étoile les menait.

Je vous invite à regarder l’étoile, et à la suivre, vous aussi. Nous aussi. A mettre nos pas dans ceux des mages. A entrer dans leur démarche, dans leur curiosité, dans leur envie, dans leur énergie, dans leur soif. En guise de vœux pour cette nouvelle année, je nous invite ensemble à nous mettre en route et à suivre l’étoile jusqu’où elle nous mènera, de jour en jour.

Suivons l’étoile jusqu’où Dieu est présent dans les lieux d’extrême pauvreté. De dénuement. De misère. De rejet. Que l’on pense à ceux que nous avons du mal à accueillir aux portes de nos frontières ou de nos maisons. A ceux qui cherchent un toit, un travail, un petit salaire. A ceux que l’on a rangé dans nos catégories toutes faites, dont celles d’inapprochables, de dangereux pour nous ou pour la société, d’inquiétants, d’immoraux. Jésus était cela, aux yeux du roi Hérode. Combien ont ce visage, à nos yeux. Puissions-nous suivre l’étoile jusqu’à eux. Dieu est là, les bras ouverts.

Suivons l’étoile jusqu’où Dieu est présent dans les lieux de violence, de terreur, de folie, de peur, d’enfermement. La planète gronde de toute part. A Gaza, en Israël et bientôt au Liban, en Syrie, en Ukraine, en Corée, au Venezuela, dans nombre de pays d’Afrique Sub-Saharienne… la liste serait trop longue, elle touche tous les continents. Jusqu’à « nos féminicides », « infanticides » – et l’on peut donner la mort de bien des façons. Partout où la vie de l’Homme ne vaut plus rien (des dizaines, des centaines ou des milliers de morts, des chiffres chaque jour toujours plus grands sur nos chaines d’informations qui nous anesthésient), c’est Jésus, l’enfant immigré en Egypte, le rabbi cloué sur la croix, qui est présent. Puissions-nous suivre l’étoile jusqu’à eux. Dieu est là, les bras ouverts.

Suivons l’étoile jusqu’où Dieu est présent dans les lieux d’isolement, d’abandon. Au fond des hôpitaux ou des prisons. Parfois au fin fond de nos campagnes, parfois nos propres voisins d’appartement ou de village. Isolement social, perte de contacts humains, abandon familial. Perte jusqu’à la foi, rendant le sentiment de solitude encore plus grand. Partout où quelqu’un se sent abandonné, c’est Jésus, l’enfant sur la paille, le Dieu incompris et oublié, qui est présent. Puissions-nous suivre l’étoile jusqu’à eux. Dieu est là, les bras ouverts.

Suivons l’étoile jusqu’où Dieu est présent dans les lieux de solidarité, de retour à la dignité. Tant et tant d’initiatives sont prises, à grandes et à petites échelles, pour sauvegarder du lien, pour tendre la main, pour ranimer la lumière d’un œil, d’un cœur, pour réchauffer une vie. Tant d’associations, de structures diverses, regroupent tant d’hommes et de femmes au désir puissant d’accompagner, de relever, de proposer des solutions pour que pas un ne se perde. Partout où se vivent ces actions, c’est Jésus, l’homme au cœur pur, qui est présent. Puissions-nous suivre l’étoile jusqu’à eux. Dieu est là, les bras ouverts.

Suivons l’étoile jusqu’où Dieu est présent dans les lieux de recherche de solutions politiques, éthiques, pour le bien commun, pour le respect du plus grand nombre. Dans les syndicats, les partis politiques, les cercles de pensées et de réflexions, les commissions et groupes de travail de toutes sortes. L’année 2024 sera une année électorale : aucun d’entre nous ne peut s’en désintéresser. Partout où l’on s’organise pour penser collectivement et agir globalement en vue du bien commun, c’est Jésus, récapitulant toute l’humanité, qui est présent. Puissions-nous suivre l’étoile jusqu’à eux. Dieu est là, les bras ouverts.

Suivons l’étoile jusqu’où Dieu est présent dans les lieux de fraternité les plus simples, les plus anodins, les plus authentiques. Dans ce regard échangé. Dans ce service rendu. Dans cette attention inattendue. En famille, au travail, entre amis, avec l’étranger ou le voisin. L’Amour ne demande pas de grandes structures et de grands projets, il est l’élan du cœur à retrouver chaque matin. Il est l’espérance qui perce les ténèbres. Partout où il est vécu, c’est Jésus, le doux et miséricordieux, qui est présent. Puissions-nous suivre l’étoile jusqu’à eux. Dieu est là, les bras ouverts.

Suivons l’étoile jusqu’où Dieu est présent dans les lieux de silence, de recueillement, de recul, de profondeur. Loin des agitations du monde, des incantations et des superficialités. Dans tel monastère, dans telle lecture, dans tel oratoire, dans le silence du cœur, dans l’intimité avec le Père, dans la méditation de tous ces événements. Partout où la paix intérieure grandit, Jésus, le Prince de la Paix, est présent. Puissions-nous suivre l’étoile jusqu’en ces lieux. Dieu est là, les bras ouverts.

Si nous fêtons l’épiphanie à coup de galette et de tradition, comme une fête sympathique qui fait plaisir aux petits et aux grands, heureux sommes-nous, peut-être. Mais nous n’aurons pas fêté l’épiphanie pour ce qu’elle est : l’invitation à suivre l’étoile et à nous laisser déplacer jusqu’aux lieux où Dieu nous attends, pour l’adorer, pour servir, pour aimer. Sans aucune distinction, puisque « toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus », puisque tous les peuples, absolument toutes les femmes et tous les hommes partagent la joie du même Mystère, dans le rêve et le projet de Dieu.

Bonne et longue marche, à la suite des mages et de l’étoile ! Et bonne année !

P. Benoît Lecomte

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Une réponse sur « Homélie du 7 janvier 2024, par le P. Benoît Lecomte »

Rouanet dit :

Merci.
Une homélie remarquable qui m’a fait méditer sur mon parcours de vie.
Il y a sûrement une étoile sur l’église de Barbezieux…

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