« Esprit de sagesse et de discernement, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte du Seigneur ».
En entendant ces mots d’Isaïe, chers frères et sœurs, votre oreille s’est peut-être dressée, comme la mienne cette semaine en préparant cette homélie. Car ces mots, nous les connaissons par cœur. Ce passage d’Isaïe fait partie des textes de l’Ancien Testament qui nous est le plus familier car il est à l’origine de la tradition des sept dons du Saint-Esprit. Oui, je ne me suis pas trompé : « 7 » disons-nous puisque le dernier proposé par Isaïe a été subdivisé en deux dans la tradition chrétienne. Mais rassurez-vous, je m’arrête là ! Je ne vais pas vous faire ce soir un cours de catéchisme sur les dons du Saint-Esprit.
Tout bonnement parce que ce passage d’Isaïe, pris en lui-même, nous en empêche. Pourquoi ? Je peux le résumer en une question : qui reçoit ces dons chez Isaïe ? La réponse n’est pas évidente, ou plutôt elle est énigmatique. Mais une chose est sûre, ce bénéficiaire, ce n’est pas l’ensemble du Peuple de Dieu… c’est UNE personne : « sur LUI reposera l’esprit du Seigneur » dit le Prophète. Qui est ce « LUI » ? « Un rameau qui sort de la souche de Jessé, père de David », un « rejeton » qui jaillit de ses racines.
La tradition juive a vu dans cette figure celle du Messie annoncé par de nombreux prophètes. Il est celui qui « jugera les petits avec justice », qui « se prononcera en faveur des humbles », qui « frappera le pays de sa parole ». Isaïe conclut même par une vision de gloire : « ce jour-là, la racine de Jessé sera dressée comme un étendard pour les peuples, les nations la chercheront, et la gloire sera sa demeure ».
Une telle présentation a permis aux premières générations de chrétiens d’identifier cette figure énigmatique avec la personne de Jésus. Jésus est le Messie attendu. Il est celui qui juge avec justice, qui se prononce en faveur des humbles. Il est celui qui est dressé comme un étendard pour les peuples, non pas d’une manière héroïque, mais sur la croix pour nous obtenir le salut.
Autrement dit, chers frères et sœurs, ces dons de l’Esprit Saint ne sont pas d’abord pour nous, mais pour LUI. Pour Jésus ! Aussi étonnant que cela puisse paraître, c’est sur LUI que repose l’Esprit Saint. Et c’est bien lui qui possède en plénitude la sagesse, le discernement, le conseil, la force, la connaissance et la crainte. Mais alors, qu’est-ce qui nous permet de dire depuis notre plus tendre enfance au catéchisme que l’Esprit Saint NOUS envoie ses dons ?
Eh bien je crois que c’est Jean-Baptiste qui nous donne la réponse dans l’évangile de ce jour. « Moi, je vous baptise dans l’eau, en vue de la conversion », dit-il à ceux qui accourent au Jourdain. Avant de continuer : « lui vous baptisera dans l’Esprit et le feu ».
Voilà chers frères et sœurs, ce qui nous permet d’affirmer que nous recevons nous aussi l’Esprit Saint. Non pas parce que nous serions particulièrement dignes d’un tel cadeau, mais parce que Jésus, le premier bénéficiaire de ces dons, a voulu nous les partager dans le sacrement du baptême. Oui, chers frères et sœurs, le baptême ne fait pas de nous des petits saints indépendamment du Christ. Si le baptême nous sanctifie, c’est parce qu’il nous fait participer à la sainteté même de Jésus. Ce sacrement nous fait entrer dans SA glorification. Il fait de nous des membres de SON Corps, irrigués par le même Esprit qui se répand de lui à nous.
Ainsi, toute sagesse que nous pourrions acquérir vient de l’Esprit Saint par la médiation du Christ, notre Tête. Toute connaissance de Dieu vient du Christ, plénitude de toute la révélation. Et je pourrais continuer ainsi avec chacun des dons de l’Esprit Saint. Car chacun d’entre eux est un débordement de la grâce reçue et transmise par le Christ, notre Sauveur et notre Dieu.
Vous vous demandez peut-être, chers frères et sœurs, pourquoi j’insiste autant sur ce point. Eh bien parce que je crois que cela peut être vraiment utile pour renforcer notre vie spirituelle au début de cette nouvelle année liturgique. Comme à chaque nouveau commencement, nous sommes invités à faire le point : où en suis-je de ma vie dans l’Esprit ? Où en suis-je de ma relation avec le Christ ? Et à pousser ce soir notre réflexion : est-ce que je vis cette vie chrétienne d’une manière isolée, autonome, comme un bon petit soldat du bon Dieu qui fait sa tambouille dans son coin ? Ou est-ce que j’ai conscience que j’appartiens à un Corps qui me dépasse, à une communauté paroissiale, diocésaine, universelle même, qui reçoit les dons de l’unique Sauveur ? Peu importe notre réponse à ces questions. Peu importe où nous en sommes de notre relation au Christ et à l’Esprit. Car ce soir, en ce début de l’Avent, TOUS, nous sommes invités à faire un pas de plus, d’où que nous partions.
Pour cela, je propose que chacun d’entre nous prenne quelques instants de silence pour demander au Christ de partager les dons qui viennent de son Esprit. Chacun aura peut-être une demande différente. Pour l’un, la force de surmonter telle situation difficile. Pour un autre, le discernement sur ce qu’il faut dire dans un conflit familial. Pour un autre encore, la connaissance de Dieu si nécessaire pour grandir en sainteté. Ce n’est qu’ainsi, chers frères et sœurs, que nous pourrons collaborer avec le Messie pour faire advenir son Royaume. Nous le constatons chaque jour, on est encore bien loin du moment où le loup habitera avec l’agneau, où la vache et l’ourse auront même pâture. Mais c’est peut-être précisément parce que le Seigneur attend de chacun d’entre nous : que nous œuvrions à l’avènement de ce Royaume de paix. Il nous appelle ce soir à devenir les artisans de cette paix, de cette justice et de cette miséricorde. Amen.






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