Vous êtes peut-être comme moi : depuis une semaine, vous avez commencé à préparer Noël. Vous avez fait une crèche, mis en place et décoré un sapin, vous avez commencé à faire la liste des cadeaux à offrir, peut-être même à en acheter quelques-uns… Noël s’approche, en même temps que notre quotidien continue inexorablement et prend le pas sur toute autre forme de préparation. Et puis il reste encore un peu de temps pour tout fignoler et finir de se préparer : l’avent dure 4 semaines, nous n’en avons passé qu’une. Ne nous précipitons pas.
Mais la Parole de Dieu nous parle d’une autre forme de préparation à la fête que nous attendons, au Mystère que nous avons à découvrir et redécouvrir sans cesse. Et dans cette autre forme, nous sommes loin des éléments extérieurs et des préparatifs matériels. C’est à un changement radical non seulement de point de vue, mais du monde que nous sommes appelés. Celui que nous attendons, celui qui vient, vient tout changer. « Il ne jugera pas sur l’apparence ; il ne se prononcera pas sur des rumeurs. Il jugera les petits avec justice ; avec droiture, il se prononcera en faveur des humbles du pays », annonce Isaïe. « Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble. Tout le contraire de ce que nous connaissons en notre monde, en nos pensées, et même en nos cœurs parfois. Nous préparer à Noël n’est pas accrocher quelques boules et guirlandes dans un sapin. Ce n’est même pas juste vouloir faire plaisir à nos proches ! C’est vivre autrement et transformer toutes nos relations et tous nos systèmes d’organisations. Plus que transformer : renverser. Noël est un renversement radical de Dieu qui se fait Homme, et l’accueil de ce renversement ne peut se vivre sans renverser radicalement toutes nos habitudes et nos sécurités, jusqu’à celles qui causent les violences et les injustices. Nous préparer à Noël implique que nous changions de vie, que nous nous convertissions. « Accueillez-vous donc les uns les autres, comme le Christ vous a accueillis pour la gloire de Dieu », demande Saint Paul. A priori, entre nous, cet accueil est plutôt facile. Même si, peut-être, nous serait-il déjà difficile d’accueillir tel ou tel dans notre assemblée, dans notre paroisse. Mais l’ordre va plus loin. Il s’agit d’accueillir l’autre « comme le Christ a accueilli » : inconditionnellement. Un peu plus loin, Saint Paul développe : le juif comme le païen ont été accueillis par le Christ. Autrement dit, il nous faut accueillir jusqu’à celui que nous avons le plus de mal à accueillir. Sinon, ce n’est pas Noël. C’est de l’amitié, de la camaraderie, du copinage, toutes sortes de choses qui sont bonnes et agréables par ailleurs ! Mais Noël ne nous invite pas au cocooning et à l’entretien des facilités. Noël nous bouscule. Noël doit nous bousculer. Loin de la douceur de la fête enfantine que nous risquons d’en faire, il y a une puissance, et même une violence radicale dans la fête de Noël, à laquelle nous devons nous préparer. Non pas en idées ou en théorie, mais en actes.
La Parole de Dieu ce matin nous invite à revisiter fondamentalement la façon avec laquelle nous vivons cet Avent. Comment, nous aussi, nous ne jugeons pas sur les apparences, nous ne nous prononçons pas sur les rumeurs, nous nous prononçons en faveur des humbles. Comment nous faisons « droit aux malheureux », pour reprendre le psaume, et nous avons « souci du faible ». Comment nous nous mettons en quête de celui avec qui nous avons le plus de mal à discuter, pour enfin le rencontrer et l’accueillir comme un frère, une sœur. « Que le Dieu de la persévérance et du réconfort vous donne d’être d’accord les uns avec les autres selon le Christ Jésus », dit Saint Paul. Sûrement nous faut-il nous accrocher à ce « Dieu de la persévérance et du réconfort » pour aller jusqu’au bout du projet de Noël. Il se peut que cette conversion nous coûte : c’est le véritable prix à payer pour accueillir réellement la puissance de Dieu en nous, l’enfant de la crèche, le renversement de Noël et cette gloire que Dieu nous promet.
Pour vivre cette conversion, nous avons une arme : « l’Esprit du Seigneur : esprit de sagesse et de discernement, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte du Seigneur. » Nous avons reçu cet Esprit au jour de notre confirmation – et si vous n’avez pas reçu le sacrement de la confirmation, parlons-en, il n’est pas trop tard ! La conversion que nous avons à vivre pour accueillir le Mystère de Noël n’est pas une lutte à accomplir à la force de nos bras et de notre seule volonté. Elle est un don, celui de cet Esprit. Elle est le feu de Pentecôte déjà promis par Jean le Baptiste. Elle est le Souffle divin capable d’envahir notre vie pour l’ouvrir à la paix, à la justice et à la profondeur de l’amour de Dieu.
Nous entrons ce dimanche dans la 2ème semaine de l’Avent. Il nous reste donc 3 semaines pour accueillir ce don en nous, ce don de Dieu qui renverse nos façons de vivre et nos modes de vie et qui nous ouvre à la Présence de Dieu en notre humanité en transformant les habitudes de notre monde. En cette eucharistie, confions-nous à cet Esprit de Dieu et à sa Parole, pour que lui-même agisse en nous et accorde toute notre existence à son dessein.
P. Benoît Lecomte






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