Les doutes et les questions de Thomas sont bien connus de tous, et l’expression de « ne croire que ce qu’on voit » est passée dans le langage courant. Mais mes yeux se sont posés sur le court extrait des Actes des Apôtres entendu en première lecture. Il est si court que nous pouvons l’entendre de nouveau pour nous laisser interpeler par la Parole : « La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme ; et personne ne disait que ses biens lui appartenaient en propre, mais ils avaient tout en commun. C’est avec une grande puissance que les Apôtres rendaient témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus, et une grâce abondante reposait sur eux tous. Aucun d’entre eux n’était dans l’indigence, car tous ceux qui étaient propriétaires de domaines ou de maisons les vendaient, et ils apportaient le montant de la vente pour le déposer aux pieds des Apôtres ; puis on le distribuait en fonction des besoins de chacun. » Il faut entendre ces mots comme l’idéal d’une vie de communauté chrétienne. Et comme tout idéal, ils peuvent aussi nous permettre de relire notre propre vie communautaire et paroissiale. Nous savons que quelques lignes plus loin, dans le livre des Actes des Apôtres, une sorte de « péché originel » dans l’Eglise naissante va briser ce descriptif paradisiaque. Nous sommes, jusqu’à aujourd’hui, marqués de ce péché. Mais nous pouvons entendre ce à quoi le Seigneur nous appelle, et le désirer d’un grand désir : mettre tout en commun, n’avoir qu’un seul cœur et une seule âme, rendre témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus. D’un bout à l’autre de notre paroisse, nous voilà invités à vivre dans une communion parfaite, chacun portant le souci de tous, et vivants d’un esprit missionnaire. Nul doute que les « païens » du temps de l’Eglise naissante devaient regarder avec surprise et curiosité ces disciples du Ressuscité agir de la sorte. Quel témoignage ! Qu’en est-il du témoignage que nous portons au-delà de notre cercle ? Qu’en est-il des relations entre nous ? Nous mesurons la marche à monter, la distance à parcourir.
Nous mesurons la petitesse et la fragilité de notre foi. Nous ressemblons en cela – chacun de nous mais aussi, pourquoi pas, nos communautés chrétiennes – aux disciples toujours verrouillés par la peur, enfermés sur eux, ne saisissant pas ou ne se laissant pas saisir par l’inouï réalisé par la résurrection de Jésus. Et nous ressemblons aussi à Thomas. Difficile de « croire sur parole ». Difficile de « croire sur La Parole », quand bien même serait-elle la Parole de Dieu, la Parole efficace qui ressuscite Celui qui était réduit au silence.
« La paix soit avec vous », dit le Ressuscité. Par deux fois. Ou plus précisément, à chaque fois qu’il se laisse voir. Il nous faut accueillir cette Parole de Paix. Parole d’une paix qui n’est pas uniquement apaisement des craintes et des peurs, qui se manifesterait par une baisse du pouls ou de la tension ! Elle est parole d’une Paix qui vient de loin. De très loin. Du plus profond. Du très bas. D’une Paix qui vient des entrailles de la terre et des enfers du cœur de l’Homme, d’une Paix qui prend tout, embrasse tout sur son passage. D’une Paix qui vient combler le cœur de l’Homme et lui donner vie et bonheur, goût d’éternité. D’une Paix synonyme de miséricorde, cette miséricorde de Dieu que nous célébrons avec toute l’Eglise en ce deuxième dimanche de Pâques, en communion aussi avec les membres de notre paroisse et de notre diocèse présents au pèlerinage à Lourdes ce week-end. Cette miséricorde qui n’est pas uniquement consolation, mais renaissance, résurrection, vie.
Cette Parole vient réveiller notre foi. Celle des disciples, celle de Thomas, et la nôtre. Elle nous offre de participer à la victoire du Christ sur le monde et sur tout l’univers, comme le rappelait l’apôtre Jean : « La victoire remportée sur le monde, c’est notre foi. »
Et voilà que ces Paroles viennent éclairer d’une lumière nouvelle le passage des Actes des Apôtres que nous méditions plus haut. Si nous ne sommes pas dans notre vie communautaire au niveau des premiers chrétiens, nous savons que la Paix que Jésus Ressuscité nous offre, et sa miséricorde, nous donnent de vivre déjà, même de façon inaccomplie, cette communion. En Eglise locale et avec toute l’Eglise. Même si nous sommes marqués encore par des forces de morts. Mais la victoire du Christ a été totale, et il nous fait participer à cette victoire, mystérieusement. Il nous donne de déployer, tout autour de nous, auprès de nos familles, de nos relations et de tous nos contemporains, cette Paix et cette miséricorde qu’il nous offre. A nous d’être les témoins de ce que nous avons reçu. A nous de de donner la paix et de faire miséricorde, à nous d’aimer comme le Père a aimé son Fils jusqu’à le relever d’entre les morts. C’est à cet extrême que nous sommes invités, en sortant de nos peurs, de nos craintes et de nos enfermements. En n’ayant pas peur de regarder les plaies de notre humanité, de nos sociétés et de notre monde.
En accueillant, aussi, l’Esprit Saint promis. Jésus souffle sur les disciples, comme Dieu soufflait dans les narines d’Adam au premier jour de la création pour lui donner vie. Et Jésus continue de souffler sur nous pour nous donner vie et nous remplir de son Esprit. Cet Esprit que nous allons invoquer encore jusqu’à la fête de Pentecôte et qui nous fait sortir de nous-mêmes tout en nous faisant vivre en communion les uns avec les autres, faisant de nous « un seul cœur et une seule âme »
Demandons au Seigneur le don de sa Paix, de sa miséricorde et de son Esprit, pour vivre de la résurrection de son Fils et devenir témoin de cette Bonne Nouvelle : Christ est ressuscité, Alléluia !
P. Benoît Lecomte
Laisser un commentaire