Voir Jésus. Voilà un rêve que nous pouvons faire parfois. Au moins par curiosité, savoir de quoi il avait l’air, à quoi ou à qui il ressemblait. Pourquoi pas lui parler, le toucher, partager avec lui un verre de thé, se laisser bercer – ou secouer – par sa voix et sa parole…

Mais l’homme ne vit qu’un instant. Lui est mort sur une croix il y a 2000 ans, est bien ressuscité, nous le croyons, est apparu à quelques-uns, a vécu son Ascension. Peu de chance que nous le croisions au détour d’un chemin aujourd’hui ou demain.

Ce n’est pourtant pas ce qu’il annonce à ses disciples, un peu avant sa mort : « D’ici peu de temps, le monde ne me verra plus, mais vous, vous me verrez vivant, et vous vivrez aussi. En ce jour-là, vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, que vous êtes en moi, et moi en vous. »

Or, nous sommes de ces disciples. Jésus ne parle pas seulement aux quelques-uns réunis ce soir-là autour de lui. Sa Parole traverse les âges et les générations. Elle est pour nous. « Vous me verrez vivants, et vous vivrez. » Non par hallucination ou je ne sais quel procédé, mais par l’Esprit Saint. L’Esprit qui unit le Père et le Fils dans l’amour, et qui nous entraine nous aussi dans cet amour. « Celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; moi aussi, je l’aimerai, et je me manifesterai à lui. »

Voir Jésus vivant. Question de regard.

Invitation à ouvrir les yeux. A ne pas voir comme le monde qui risque toujours de ne rien voir de l’amour qui se déploie sous ses yeux, mais à voir avec les yeux du cœur, dans la Vérité et la Lumière de l’Esprit Saint.

L’Esprit Saint habite-t-il ton cœur et ton regard ?

L’Esprit de Dieu qui nous fait souvenir et garder les commandements du Seigneur, qui nous donne d’aimer et d’habiter en Dieu, inspire-t-il nos journées ?  

            Voir, et vivre. Les deux sont liés dans la bouche de Jésus : « vous me verrez vivants, et vous vivrez. »

            Ce ‘vous’ n’est pas une formule de politesse : Jésus s’adresse aux Douze. Aux Douze, donc à l’Eglise. A nous, en tant qu’Eglise, communauté convoquée et rassemblée. Eglise universelle, Eglise diocésaine, Eglise paroissiale : c’est à nous que, habités par l’Esprit, il est proposé de voir le Christ vivant, pour vivre.

Vivre en temps qu’Eglise pour, réciproquement, donner à voir au monde la présence et l’amour du Christ qui habite chaque Homme. Vivre pour « rendre raison de l’espérance qui est en nous » (1 P 3). Vivre pour expérimenter, entre nous, la qualité des liens d’amour qui nous unissent et qui nous lient les uns aux autres. Vivre pour rendre visible l’action de l’Esprit Saint, l’Esprit de Dieu qui habite en nous.

N’est-ce pas ce que nous avons vécu, en paroisse et en doyenné, le week-end dernier ? 120 d’entre nous étaient à Lourdes, beaucoup étaient restés en Sud Charente. Mais ce qui a été vécu à Lourdes, dans la qualité des relations, dans l’attention fraternelle et joyeuse à chacun, dans la beauté des liturgies, dans la profondeur de la prière, dans l’ouverture à tant et tant de rencontres, dans l’accueil de ceux qui nous recevaient, n’a pu que rejaillir et rejaillira encore sur celles et ceux qui étaient ici. La force de l’amour vécu là-bas n’a pu laisser indifférent le cœur de ceux qui n’y étaient pas. Mystère insondable de la communion qui se joue des distances, de l’Esprit Saint qui nous unit : tous, nous avons participé à ce pèlerinage inédit et si particulier. Tous, nous avons ou nous allons bénéficier de l’action de l’Esprit Saint, qui fait de nous une seule et même Eglise, capable de manifester la vie du Christ au monde, l’amour de Dieu pour chacun.

            L’Esprit Saint, nous formant en un seul Corps, en un seul Peuple aux relations « de douceur et de respect », offre au monde de voir Jésus vivant à travers nous… pour peu que nous le laissions agir et travailler en nos cœurs, comme nous l’avons vécu la semaine dernière. Oui, Jésus est vivant, il est ressuscité, sa mort n’a été qu’un passage. Oui, il est vivant aujourd’hui pour tout le monde, et il se donne à voir par la beauté de son Eglise lorsqu’elle-même se laisse aller au commandement de l’amour et qu’elle vit en Dieu. Oui, cette vision donne la vie, non pas la vie biologique mais la vie qui ne finit pas, la vie qui récapitule tout, la vie de résurrection qui se déploie à travers les âges et donne de voir Dieu.

            Que l’Esprit Saint vienne habiter nos cœurs et toutes nos relations, pour que nous demeurions en Dieu, et Dieu en nous, et que le Nom de Jésus soit manifesté à tous les hommes.

            Amen.

P. Benoît Lecomte