Messe de rentrée – envoi en mission
Il y a seulement deux jours, se terminait le « mois de la création », mois institué par le pape François et le patriarche Bartholomée au cours duquel les chrétiens portent un souci accru à la création et à leur rapport avec elle.
Et ce matin, la Parole de Dieu nous renvoie à cette création. A l’acte créateur dans la Genèse, mais aussi, par les mots de Jésus, au projet créateur. Alors que des pharisiens tentent de lui tendre un piège, Jésus ne s’y laisse pas enfermer. Au contraire, il ouvre le regard et l’horizon : il renvoie « au commencement », à la création. Au projet initial. A l’élan originel. A l’idée que Dieu se fait de l’humanité.
La création est un acte, elle est aussi un processus, et elle est en processus, « ce processus d’une nouvelle naissance […] Il s’agit d’une croissance cachée qui mûrit, presque comme “une graine de moutarde qui devient un grand arbre” ou “du levain dans la pâte” (cf. Mt 13, 31-33). Les débuts sont minuscules, mais les résultats attendus peuvent être d’une beauté infinie » (message du Pape François pour le mois de la création 2024). Il s’agit d’un déploiement, d’un enfantement qui ne cesse de grandir. Et cet enfantement vécu par l’action de l’Esprit Saint, donne à chaque être vivant de devenir soi-même, de prendre sa place au milieu des autres par le jeu des relations qui distinguent et relient. C’est ce qui arrive à l’Homme dans ce chapitre de la Genèse. En Hébreux, le texte désigne au début l’être humain, sans préciser s’il est homme ou femme. Il n’est pas encore à l’image et à la ressemblance de Dieu, qui est communion. Alors Dieu garde l’initiative, il plonge cet être humain dans un « sommeil mystérieux » et il déploie l’humain. L’Hébreux oublie alors le premier terme, et parle de Ish et Ishsha, homme et femme, dans une relation d’égalité et de réciprocité, de communion dans les différences.
Ce processus de création, manifestation du projet de Dieu, est le même qui se déploie dans le mystère de l’Eglise. La session synodale qui se tient à Rome ces jours-ci nous redit que l’Eglise est bien, elle aussi, même 2000 ans après sa naissance, en état de commencement permanent, cherchant, à l’écoute de l’Esprit, à grandir dans la qualité des relations et des liens fraternels, pour devenir toujours davantage reflet de la Lumière du Christ dans le monde. Il s’agit de se laisser convertir, et de chaque jour se recevoir de Dieu par sa miséricorde, pour retrouver l’image divine inscrite en elle et en nos cœurs, image abîmée par le péché. Mais Dieu, comme Jésus le fait dans l’évangile, ne se lasse pas de renouveler son Souffle Créateur et de relancer notre marche.
Notre communauté paroissiale, notre communauté chrétienne, n’échappe pas à ce processus initié par Dieu. Elle est, elle aussi, en état de commencement permanent. Bien sûr, chaque rentrée est un recommencement. Mais plus fondamentalement, il nous faut, sans cesse, jusque dans les gémissements et les douleurs parfois, naître et renaître, ne jamais nous croire arrivés à l’état d’une croissance terminée ou d’une maturité atteinte. Elle est ce Corps où chacun prend sa place et devient soi-même dans la relation avec tous les autres. Elle est l’expérience concrète et visible de la communion des différences, de l’importance de l’autre qui n’est pas comme moi, pour que l’autre soi autre et que je devienne moi-même, tous deux indispensables pour devenir image de Dieu. Elle est cette assemblée convoquée par le Seigneur par-delà nos histoires, nos habitudes et nos mérites, pour devenir signe de sa présence et de sa puissance créatrice et aimante en notre monde. Et il n’est pas absurde de reprendre à son sujet – à notre sujet – les mots de Jésus dans l’évangile : « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas. »
Evelyne et Marie-France, vous avez accepté de servir ce Corps en participant à l’Equipe d’Animation Pastorale. Avec vos coéquipiers, votre mission est celle-ci : être au service de la communion, de la vie, de la mission, de la croissance de notre communauté chrétienne. Être au service des relations entre tous, pour que chacun puisse s’épanouir et déployer le baptême reçu. Et avoir le souci de chacun et de tous, et d’abord des plus petits et des plus fragiles, de susciter, encourager, rendre grâce, et être les premières témoins de ce que le Seigneur fait à travers nous.
Et vous toutes et tous, qui acceptez de prendre à nouveau une mission, ou d’assumer une mission nouvelle cette année : vous répondez à un appel du Seigneur et de son Eglise qui vous demandent, à cause d’un charisme reconnu en vous, de participer de façon plus visible à son ministère. C’est l’Esprit Saint qui vous conduit, dans l’expression de sa liberté, dans l’attribution de ses dons, en réponse aux besoins non seulement de l’Eglise, mais aussi de notre monde, et de notre monde ici et maintenant, à Barbezieux, Baignes et Barret aujourd’hui. Vivez cette mission dans l’action de grâce, dans la communion avec tous, avec le souci de participer, de façon particulière, à ce processus de création permanente, à la manifestation du règne de Dieu, à la richesse du déploiement de la fraternité entre nous et avec Jésus Christ, lui qui nous a sanctifié et « qui n’a pas honte de nous appeler ses frères. »
L’eucharistie que nous célébrons aujourd’hui et chaque dimanche nous réunit, nous nourrit et nous envoie. Pour que la façon avec laquelle nous vivons les uns avec les autres, les uns pour les autres et jamais les uns sans les autres, soit témoignage aux yeux du monde. Anticipation de la récapitulation de toute la création menée à son accomplissement, que cette eucharistie nous donne de grandir ensemble dans le projet et la mission que Dieu nous donne : devenir communion dans la richesse de nos différences, lieu de fraternité et signe d’espérance, pour que le monde croie que Dieu l’aime, et le sauve.
Amen.
P. Benoît Lecomte
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