Croyez-vous, croyons-nous en la résurrection ? Après avoir fêté la Toussaint et célébré la commémoration des défunts cette semaine, la question peut paraître saugrenue. C’est pourtant celle-là que nous lance la Parole de Dieu aujourd’hui. Et cette question n’est peut-être pas aussi légère qu’il n’y paraît. En notre assemblée, combien d’entre-nous y croient ? Et combien n’y croient pas ? De récentes enquêtes l’affirment : en 2009[1], on notait que chez les catholiques, seulement 13,1% des pratiquants croyaient en la résurrection, et 57 % chez les pratiquants réguliers. 21% des catholiques croyant en la réincarnation, et 33% à rien après la mort. Plus près de nous, en 2021[2], seuls 47% des catholiques pratiquants disent croire à l’existence de l’âme (26% croient en l’immortalité de l’âme humaine, 21% estiment que l’âme humaine est en attente de résurrection des corps). La réalité de la résurrection est loin d’être une évidence, et nous ne parlons là que des catholiques.
C’est pourtant dans l’événement pascal de la mort et de la résurrection de Jésus que s’enracine toute notre foi. Alors la question de la résurrection, que nous pose aujourd’hui la Parole de Dieu, nous pose la question radicale de notre foi.
Je vous ai peut-être déjà raconté cette histoire. On m’avait chargé un jour d’animer un temps d’échange avec des chefs scouts, des jeunes de 18-22 ans environ, sur la résurrection. La discussion se passait plutôt bien mais une jeune fille n’y prenait pas part. Elle semblait même s’ennuyer sérieusement et se désintéresser totalement de ce que nous racontions. Je lui demande alors ce qu’elle pense de tout ça, et elle de me répondre du tac-au-tac : « ton histoire de résurrection, ça peut intéresser ceux qui vont bientôt mourir, parles-en aux vieux ! Moi je n’y pense pas. Ce qui m’intéresse, c’est de vivre à fond aujourd’hui, sans attendre la mort. »
Sans le savoir, cette jeune fille avait tout compris.
En effet, si notre affirmation de la résurrection ne concerne que ceux qui sont morts, alors elle n’est qu’une espérance, un espoir d’un « quelque chose d’autre après », sur lequel nous ne savons pas grand-chose. Plus encore, ne serait-il pas dommage de penser qu’on ne peut vivre pleinement qu’après la mort ?
Non. Notre foi en la résurrection vient transformer déjà notre présent, notre façon d’être, de vivre au monde, et toutes nos relations. C’est bien ce que dit Jésus en substance aux Sadducéens dans l’Evangile : ne vous souciez pas des modalités de la vie après la mort. Vous n’avez pas de prise dessus. Souciez-vous plutôt de votre vie aujourd’hui, car « Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. » Vivez dès aujourd’hui comme si votre vie était déjà pleine, entière, totalement donnée, et déjà, vous vivrez de l’éternité. » « Nous sommes enfants de Dieu », méditions-nous lors de la fête de la Toussaint. Et Jésus ajoute aujourd’hui : « Vous êtes enfants de la résurrection. »
Enfants de la résurrection. La résurrection nous a enfantés et nous enfante encore ! Qu’est-ce à dire ? Cela signifie que la mort n’exerce plus sur nous aucun pouvoir. Non qu’elle n’ait plus d’importance : c’est évidement une échéance et un passage qui peut nous angoisser ou que nous pouvons attendre, qui est plus ou moins facile ou difficile à vivre. Sans oublier que le pouvoir de la mort, c’est aussi le pouvoir du péché, du refus de Dieu, du refus de l’Amour. Mais si nous sommes « enfants de la résurrection », c’est que nous montrons la victoire du Christ sur la mort en aimant, car « l’amour est plus fort que la mort » (Ct 8,6). Et comme le disait un ancien Maître des dominicains : « Si la vie éternelle est la plénitude de la vie, nous recevons son cadeau en empoignant notre vie présente avec enthousiasme. Si nous devons être pleinement vivants pendant toute l’éternité, nous ferions mieux de nous y mettre maintenant. Dieu aime la vie. Chaque jour est un cadeau : les mourants le savent et le vivent intensément. »[3]
Notre foi en la résurrection n’est pas uniquement une espérance pour un après, mais une façon de vivre, un art de vivre qui, acceptant notre condition mortelle et finie, nous donne d’accueillir pleinement la vie. Et cette vie transforme notre vision de l’homme et du monde et toutes nos relations humaines et sociales.
Entendons alors pour nous-mêmes les paroles que Paul adressait aux Thessaloniciens : « Que notre Seigneur Jésus Christ lui-même, et Dieu notre Père qui nous a aimés et nous a pour toujours donné réconfort en bonne espérance par sa grâce, réconfortent vos cœurs et les affermissent en tout ce que vous pouvez faire et dire de bien…Que le Seigneur conduise vos cœurs dans l’amour de Dieu et l’endurance du Christ. »
Amen.
P. Benoît Lecomte
[1] https://www.cairn.info/revue-commentaire-2009-3-page-782.htm
[2] https://atlantico.fr/article/decryptage/sondage-exclusif–les-surprenantes-croyances-des-francais-sur-ce-qui-se-passe-apres-la-mort-jerome-fourquet-ifop-chantal-delsol
[3] Timothy Radcliffe, Faites le plongeon, Cerf, p 203
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