Homélie du 5 mars 2023, par le P. Benoît Lecomte

Barbezieux - Baignes - Barret

Publié le 5 mars 2023

Le carême comme un voyage, disions-nous au premier jour, le mercredi des cendres.

Le voyage, nous y sommes. Il est même demandé par Dieu, et il promet d’être radical : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, et va vers le pays que je te montrerai. » Larguer les amarres, lâcher ses sécurités. On imagine le regard d’Abram scruter l’horizon, ses bêtes et ses champs, et les montagnes au loin, le vent sifflant dans les arbres. Là-bas, une promesse, qui en vaut la chandelle : « Je ferai de toi une grande nation, je te bénirai, je rendrai grand ton nom, et tu deviendras une bénédiction. » Mais la traduction plus littérale de ce « va vers le pays que je te montrerai » indique une autre voie. L’Hébreu dit : « va vers toi. » Dieu ne demande pas de se disperser, de s’étendre à l’infini, de se perdre. Mais d’aller en soi-même. De retourner en soi, au cœur de la rencontre avec Lui. De retrouver la racine de notre être, et de notre vocation, et de l’appel primordial de Dieu à la vie et à la vie avec Lui dans son amour.

« Va vers toi. » Voyage intérieur qui, si on le prend au sérieux, oblige ou demande à quitter bien des repères et des fausses sécurités (morales, affectives, religieuses, sociales…). Chemin de carême et de libération. Va vers toi, va vers ce pays intérieur qui t’habite, quitte ta sédentarité et deviens pèlerin.

Peut-être – et c’est à cela que tu es appelé – le chemin te mènera sur la montagne. Jésus y a emmené Pierre, Jacques et Jean. Mais la montagne n’est pas la montagne. Elle est autre chose que la montagne, elle est le lieu où Dieu te donne rendez-vous, où il veut se manifester à toi, et à nous tous. Le lieu où Dieu veut se révéler et où il te révèle à toi-même. Jésus ne montre pas le chemin, il est le Chemin. La transfiguration qu’il vit n’est pas un spectacle offert à quelques-uns, c’est la révélation de ton but, de ta vocation, de ta vie, du pèlerinage. Ton horizon.

Il serait bon et agréable de rester là. De se poser. De se croire enfin au terme du voyage : arrivé à Pâques, pourrons-nous passer à autre chose ? Arrêtons-nous là, au moins un instant, le temps de savourer ! Dressons donc trois tentes ! Mais non. « Relevez-vous. Vous êtes des hommes debout, et marchant. Il nous faut redescendre, et retrouver la plaine, et la foule, et les autres. Pour vivre une autre transfiguration, celle pour laquelle Jésus n’est pas reconnu. Cette transfiguration de l’absence de figure, raconté par un autre évangéliste, Matthieu : « Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé, assoiffé, étranger, nu, malade ou prisonnier ?” Et le roi leur fera cette réponse : “En vérité je vous le dis, dans la mesure où vous l’avez fait, ou pas, à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait, ou pas.” »

Le voyage intérieur du carême nous conduit à nous-mêmes, et à Dieu, et aux autres… c’est tout un. Aventure personnelle, et aventure communautaire. Solidaire. Aventure en Eglise. Car l’Eglise ne peut stagner ou faire du surplace. Sa tente n’est pas en place. La caravane de pèlerins qui la constitue est sans cesse en mouvement, et en ouverture, et en accueil, et en plus loin. L’Eglise a pris la route, le chemin. Le chemin synodal, pour marcher ensemble, et « aller vers le pays que je te montrerai. » « C’est  ensemble, comme Église pérégrinant dans le temps, que l’on vit l’année liturgique et, à l’intérieur de celle-ci, le carême, en marchant avec ceux que le Seigneur a placés à nos côtés comme  compagnons de voyage » (Message du pape François pour le carême 2023). C’est pour cela que nous avons pris le temps, vendredi, de redécouvrir les dimensions du sacrement du pardon ; que nous accueillerons Florencia, Argentine, qui nous ouvrira à l’accueil des étrangers ; que nous vivrons l’office du vendredi saint avec nos frères et sœurs protestants ; que nous préparons notre pèlerinage de doyenné à Lourdes ; que nous sommes en discernement pour appeler de nouvelles personnes à participer à l’équipe d’animation pastorale de la paroisse, etc. L’habitude et le « comme toujours » ne peut être un principe de carême. « Va », continue de dire Dieu à son Peuple. « Pars, va vers toi. »

C’est pour cela, pour vivre ce voyage et ce pèlerinage, que nous voulons nous mettre à l’écoute de la Parole de Dieu. Nous entendons la voix du ciel nous y inviter : « Celui-ci est mon Fils bien aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ! » et nous voulons nous mettre à l’écoute. Faire taire nos tempêtes intérieures, nos jérémiades, nos peurs de tout quitter, et entrer dans la confiance. « Car Dieu nous a sauvés, il nous a appelés à une vocation sainte, non pas à cause de nos propres actes, mais à cause de son projet à lui et de sa grâce », rappelle Saint Paul.

Abram a fait confiance à cette Parole de Dieu et l’a accueillie de ton son être et de toute sa vie. Pierre, Jacques et Jean ont saisi, parce qu’ils l’ont vu de leurs yeux, ce que cette Parole transforme en nous, comment elle accomplit en nous le travail de Dieu en nous menant à l’accomplissement de notre vocation.

Sens-tu, pressens-tu, avec tes frères et sœurs en Eglise, comment cette Parole te fait bouger, te réveille, te relève et te met en route, en chemin, en aventure pendant ce temps de carême ? C’est ce que je te souhaite, ce que je nous souhaite. Et d’avancer, ensemble, joyeusement, vers la promesse et la bénédiction de Dieu.

Amen.

P. Benoît Lecomte

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