Depuis presque 15 jours, le pape François est décédé. Le pape, le successeur de Pierre, est mort. Et nous cherchons depuis – surtout les cardinaux, dont c’est une des missions, mais à écouter les médias j’ai l’impression que tout le monde veut dire son mot et son avis, et on voit apparaître des bookmakers et autres sondages – un nouveau successeur pour le siège de Saint Pierre.
Or nous venons d’entendre dans cette page d’Evangile, comment Jésus ressuscité donne sa mission à Pierre. On pourrait dire : dans quelles circonstances il donne sa mission au premier pape. Cela peut nous aider pour comprendre ce qui est attendu du prochain pape comme de tous les papes, et plus largement, de toute l’Eglise et donc de tous les baptisés. Les critères du choix ne sont pas ceux d’un camp (des progressistes ou des conservateurs, des partisans de telle puissance, ou de telle autre). Non, les critères sont tout autres, bien plus profonds que tous ceux qu’on nous raconte – et peut-être même que nous imaginons. Et ces critères du choix de Jésus pour désigner Pierre dans sa mission – et après Pierre, de tous ses successeurs – sont aussi les critères, ou les caractéristiques, qui font de nous des baptisés, des disciples de Jésus, des témoins du Fils de Dieu dans le monde. Ces caractéristiques, qui s’applique au prochain pape, mais aussi à chacun de nous, et à toi aussi, Léna. A la lecture de l’évangile de ce jour, je vous en propose quatre.
La première est de vivre l’expérience de la rencontre avec le Seigneur ressuscité. C’est ce que va vivre Pierre, reparti à la pêche malgré l’annonce du matin de Pâques. Etonnant retournement de situation ! On lui annonce que Jésus est ressuscité, il le croit, et cela n’a rien changé à sa vie. Après ces trois années intenses avec Jésus, il revient à son point de départ, ressassant sûrement tous ces événements dans son cœur, mais il n’a pas été transformé. Il faut cette rencontre, inattendue, sur le lac, et l’écoute de la Parole de celui qui n’est désormais plus mort, mais ressuscité. Il faut l’expérience de cette rencontre qui redonne vie là où il y a désespérance. La pêche n’a rien donné, leur vie n’a plus de goût, leurs ardeurs ont été douchées et leur cœur n’a pas compris ce que l’annonce de la résurrection de Jésus change radicalement. Il faut cet inconnu sur le bord du rivage, écouter sa parole, y obéir, et vivre cette pêche soudainement surabondante. Expérience intime de la résurrection, qui n’est pas annonce intellectuelle, mais expérience vitale, essentielle, existentielle de la puissance de la vie de Dieu en nos pauvres vies. Pierre fait cette expérience, radicale, que nous voulons faire nous aussi.
« Venez manger », dit Jésus qui leur a déjà préparé le repas avec du poisson et du pain qu’il prend et leur donne. Deuxième expérience, eucharistie déjà, où l’on reconnaît le Christ : « Aucun n’osait lui demander « qui es-tu », ils savaient que c’était le Seigneur. » C’est à la fraction du pain que l’on reconnaît Jésus ressuscité, et c’est cette fraction du pain qui nous rassemble et fait de nous son Corps. Voilà une deuxième caractéristique des chrétiens que nous cherchons à être : vivre de l’eucharistie, nous nourrir de la Présence de Dieu qui se donne à nous dans sa Parole et dans le pain eucharistié, pour faire de nous tous son Corps, nouvelle présence de Dieu dans le monde. Nous pourrions certainement élargir cette vie eucharistique aux autres sacrements de l’initiation : le baptême et la confirmation. Simon-Pierre ne se jette-t-il pas à l’eau, comme un nouveau plongeon, comme un baptême dans une nouvelle identité, en comprenant que Jésus ressuscité est devant lui ? Nul doute que le prochain pape sera attaché à célébrer et vivre l’eucharistie. Nous pouvons entendre l’interpellation pour nous-mêmes : où en sommes-nous de cette « pratique » ? Vivons-nous la messe comme un exercice de piété, ou comme le lieu où le Seigneur se donne à nous et change notre vie en faisant de nous son Corps ?
Changer la vie, c’est la troisième expérience que Simon Pierre fait dans l’évangile. Il fait l’expérience de la miséricorde de Dieu. Après son triple reniement au moment de la passion, le voilà invité à redire trois fois son amour de Jésus qui, nous l’entendons, lui pardonne tout. Notre vie chrétienne n’aurait aucune douceur, aucune tendresse, aucune ouverture si nous ne faisions pas cette expérience, radicale elle aussi, de la miséricorde du Père, qui vient nous chercher et nous relever alors même que nous sommes tombés. Cela est vrai pour chacun de nous, ce sera aussi vrai du prochain pape : il aura, lui aussi, fait l’expérience d’être un pécheur pardonné par le Seigneur, vivant de la grâce de la miséricorde.
Enfin, Simon-Pierre répond à l’appel de Jésus : « sois le pasteur de mes brebis… et suis-moi. » Expérience de la confiance et de l’envoi de Jésus ressuscité fait à un homme parmi les hommes. Notre baptême n’est pas pour nous, nous ne sommes jamais propriétaires de nos missions. Tout cela, nous le recevons pour servir l’Eglise et le monde, pour devenir signes et témoins de l’événement de la résurrection de Jésus, de cette Bonne Nouvelle de l’Evangile. Le futur pape recevra sa mission, comme nous recevons les nôtres au nom de Jésus pour devenir, avant tout, ses disciples.
Léna, tu réponds ce matin à cet appel de Jésus, en étant plongée dans l’eau du baptême. Tu fais l’expérience de la résurrection de Jésus, de sa miséricorde qui te sauve, de l’inscription de ton nom dans le ciel, tu fais tes premiers pas de disciples du Christ.
Que le Seigneur lui-même t’accompagne de son Esprit Saint, ainsi que les cardinaux, le futur successeur de Pierre, et nous tous, sur ce chemin joyeux et vertigineux de la suite du Christ et de la vie en Eglise, pour le monde.
Amen.
P. Benoît Lecomte










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