Nous avons été baptisés au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. En entrant dans la prière, nous nous marquons du signe de la croix « au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ». Aujourd’hui vous faites votre profession de foi en l’inscrivant dans la foi de toute l’Eglise, une foi en Dieu Père, Fils et Esprit Saint. Tout notre être chrétien est baigné de cette foi en un Dieu Trinitaire, qui nous rebute pourtant parfois : comment l’expliquer sans formule compliquée ? Comment comprendre ce « un seul Dieu en trois personnes » ? A quelle arithmétique cela répond-il ? Pour quoi s’être compliqué la vie à développer une telle pensée ?

            Peut-être, effectivement, que le mystère de la Trinité divine ne s’explique pas. Du moins pas comme on explique un théorème ou une recette de cuisine. Ce mystère ne s’explique pas, parce qu’avant tout, il se vit. Il est expérience dont aucun discours ne peut faire entrer dans la profondeur. Il est expérience d’une relation, et d’une relation d’amour, qu’aucun mot ne peut circonscrire.

            Nous avons tant d’idées sur Dieu. Avouons-le, le mot « Dieu » est un mot « fourre-tout » dans lequel chacun glisse ses images, ses représentations, ses fantasmes, ses peurs, ses espoirs. Autant sommes-nous, autant avons-nous d’idées ou même de définitions du mot « Dieu ». Mais le Mystère que nous célébrons n’est pas une idée ou une théorie. Le mystère que nous célébrons et en qui nous croyons est l’acte de quelqu’un. Une personne nous aime, elle nous crée par amour, elle se fait l’un de nous pour nous sauver par amour, c’est-à-dire pour nous faire vivre avec elle en Alliance, et elle nous donne son Souffle pour que sa vie soit en nous. Mystère d’un amour que rien n’arrête. Mystère d’un don qui ne cesse de se donner et de se donner encore et toujours. « Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. » Voilà le cœur du Mystère de Dieu, réalisé dans l’acte de salut par l’amour Trinitaire. Un amour Trinitaire qui ne se satisfait pas d’être Trois, mais qui nous prend avec lui comme un quatrième à toujours aimer.

            Cet amour Trinitaire, nous n’en sommes pas extérieurs. Nous ne contemplons pas la gloire divine comme on regarde un spectacle, de loin et avec plus ou moins d’attention. Cet amour Trinitaire, nous en vivons. Et ce que nous vivons le manifeste. Les paroles de l’apôtre Paul nous invitent à vivre de cette expérience d’amour trinitaire déjà entre nous : « Soyez dans la joie, encouragez-vous, soyez d’accord entre vous, vivez en paix… ». Ces mots pourraient décrire les relations entre le Père, le Fils et l’Esprit, mais voilà qu’elles définissent les relations entre nous. Et après tout, ne sommes-nous pas créés « à l’image de Dieu et à sa ressemblance » ? Non pas chacun de nous pris isolément, mais nous tous, toute l’humanité, dans notre immense diversité, capables de ce type de relations emprunts d’attention mutuelle et de fraternité réciproque ? Et l’Eglise, l’ensemble des baptisés, du moins dans le projet de Dieu, de devenir comme la révélation de cet amour Trinitaire. « C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres qu’on vous reconnaîtra comme mes disciples », disait ailleurs Jésus.

            Notre foi en la Trinité n’est pas une foi théorique. Elle est le mot qui décrit notre vocation, la vocation de nos relations, leur plein accomplissement. Une vocation, un accomplissement, réalisables à la mesure où nous laissons le Dieu Trinité nous aimer, venir à nous, nous sauver, et nous faire vivre dans son intimité.

            Que la foi que vous professez aujourd’hui ne soit pas la récitation de mots extérieurs à vous-mêmes, mais l’affirmation de votre volonté de vivre de Dieu toujours, et de manifester par toute votre vie son amour pour tous les hommes. Et nous, de nous laisser réveiller et interpeler par votre profession de foi, en reprenant conscience de ce à quoi elle nous engage, dans le quotidien de notre existence. Que ces mots de la foi ne soient pas des mots, mais l’expérience d’amour que nous vivons, avec Dieu et entre nous.

            Amen.

P. Benoît Lecomte