Homélie du 3 octobre 2021, par le P. Benoît Lecomte

Barbezieux - Baignes - Barret

Publié le 3 octobre 2021

Le livre de la Genèse dessine le projet initial de Dieu. Après avoir créé l’univers, les bêtes du ciel, de la mer et de la terre, il demande à l’homme de nommer les créatures, chacune par un nom. Puis pour accomplir sa création, Dieu endort l’homme d’un sommeil mystérieux et tire de sa côte la femme. L’os de ses os, la chair de sa chair. Celle avec qui il sera désormais « côte à côte. » Celle avec qui il pourra vivre une communion à l’image et à la ressemblance de Dieu, et ne faire plus qu’un. Voilà le projet de Dieu, et la vocation de l’Homme, homme et femme mais plus largement de toute l’humanité. La vocation de toute la famille humaine en marche vers ce projet : l’unité, la communion de tout le genre humain. Une vocation, un projet divin qui se réalise dans cette relation d’amour, de réciprocité, de respect comme l’homme et la femme sont invités à la vivre. Voilà ce qui est sacré. Ne plaçons pas le sacré ailleurs. Voilà ce qui est sommet de la création et du projet de Dieu. Le refrain du psaume le chantait : « Que le Seigneur bénisse tous les jours de notre vie. » Oui, que le Seigneur bénisse tous les jours de notre vie, parce qu’au long de ces jours, nous sommes invités à entrer et à vivre dans cette aventure incroyable de l’amour réciproque, dans le Souffle de l’Esprit qui nous unit à travers toutes nos différences. C’est bien ce qui se vit – ou ce qui veut se vivre – dans l’aventure d’un couple, d’une famille, de l’Eglise, de l’humanité.

                Mais nous nous arrêtons là. Car nous savons que ce projet divin est malmené. Déjà dans l’évangile, les pharisiens interpellent Jésus sur une question a priori technique ou légaliste. Et Jésus leur répond en faisant remarquer leur dureté de cœur. Cette dureté de cœur qui ose « séparer » ce que Dieu a uni et que l’homme ne doit pas séparer. Cette dureté de cœur qui ose rejeter, répudier un être humain. Cette dureté de cœur qui ne craint pas de se mettre en rupture avec le projet initial de Dieu, et en rupture avec la vocation de tout homme et de l’humanité. Cette dureté de cœur, qui vient abîmer ce qui est sacré, c’est ce qu’on appelle le péché. Et ce péché peut aller jusqu’au crime, et détruire des vies.

                Mardi prochain, Jean-Marc Sauvé, président de la CIASE, la Commission Indépendante sur les Abus Sexuels dans l’Eglise, commission crée à la demande des évêques de France il y a 3 ans, présentera son rapport. Un rapport précisément sur la façon avec laquelle des gens d’Eglise, des prêtres principalement, ont détruit ces enfants que Jésus met au centre de l’Evangile aujourd’hui. Le contenu précis n’est pas encore connu mais on nous annonce un choc, une déflagration, un rapport plus que douloureux pour toute l’Eglise de France. Un rapport qu’il nous faudra recevoir pour ce qu’il est, avec certainement le dégoût et la honte qu’il pourra provoquer et avec toute la compassion et les pleurs qu’il suscitera à l’égard des toujours trop nombreuses victimes. Un rapport qu’il nous faudra accueillir avec humilié et aussi avec responsabilité, car il dénoncera à n’en pas douter des systèmes ecclésiaux et des modes relationnels entre baptisés qui nous éloignent du projet de communion et de respect mutuel auquel Dieu nous appelle. Un rapport qui nous invitera à tirer des conséquences en actes, non seulement à l’échelle des évêques et de l’Eglise de France, mais jusque dans toutes les paroisses et tous les lieux d’Eglise. Un rapport qu’il nous faudra accueillir en nous confiant au Seigneur, sans fuir nos responsabilités mais comptant sur sa présence et son accompagnement dans la vie de son Eglise. Pour croire qu’il est toujours avec nous jusqu’à la fin des temps.

Nous ne pouvons aller plus loin sans avoir le contenu de ce rapport. Attendons mardi et nous en reparlerons, c’est évident. Mais déjà, en prenant au sérieux toute la réalité dans ce qu’elle a de plus beau et aussi de plus horrible et mortifère, nous pouvons nous tourner vers le Christ, comme nous y invite la Lettre aux Hébreux. Le Christ s’est abaissé jusqu’à la mort « pour mener une multitude de fils – et de filles ! – jusqu’à la gloire. » « Car celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés doivent avoir la même origine » pour être appelés « ses frères », continue la Lettre. Nous laisser transformer de l’intérieur de nous-mêmes et convertir nos structures parfois malsaines. Sortir de la loi dans laquelle sont les pharisiens, sortir du permis / défendu, des étroitesses de nos systèmes, pour plonger résolument et concrètement dans la radicalité de l’amour qui va jusqu’au pardon et qui ne supporte pas l’approximation, au risque de mal aimer, de briser voire de tuer. Regarder droit devant nous le projet des origines de communion et d’amour, non comme un modèle du passé, mais comme une promesse d’avenir qui s’ouvre à nous et qui nous impose, avec la force que le Christ nous donne, de prendre nos responsabilités, tous, quel que soit notre investissement, pour grandir dans ce projet divin qui tire notre humanité des ténèbres, des séparations et des ruptures vers la lumière et l’unité.

L’oraison d’ouverture disait à merveille la prière qui monte de nos cœurs : « Dans ton amour inépuisable, Dieu éternel et tout-puissant, tu combles ceux qui t’implorent, bien au-delà de leurs mérites et de leurs désirs ; répands sur nous ta miséricorde en délivrant notre conscience de ce qui l’inquiète et en donnant plus que nous n’osons demande. » Confions au Seigneur le temps de vérité et de conversion qui s’ouvre cette semaine pour l’Eglise de France. Confions au Seigneur ces rendez-vous à venir de l’Assemblée diocésaine samedi prochain et de notre assemblée paroissiale dans 15 jours, pour qu’ils soient des rendez-vous d’écoute de l’Esprit Saint, d’enracinement dans notre vie baptismale, de responsabilisation dans notre vie d’Eglise, de synodalité dans notre façon de vivre. Tous ces événements semblent se télescoper, mais tout est lié. Convertissons-nous, en Eglise, pour accueillir le Royaume de Dieu « à la manière d’un enfant » qui fait confiance en ses parents. Et entrons, pas à pas mais toujours davantage, dans ce projet d’amour, de réciprocité, de respect et de vie que Dieu a voulu pour nous depuis les origines.

Amen.

P. Benoît Lecomte

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