« Et Dieu dit : ‘Que la lumière soit’, et la lumière fut. »
Parole inaugurale. Parole au principe de tout principe, au commencement de tout commencement.
Parole à la genèse de toute vie. Genèse de tout amour.
Ces premiers mots de la Bible et du monde, ces premiers mots de nos propres existences, sont repris au début de l’évangile selon Saint Jean. « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était Dieu, et le Verbe était auprès de Dieu… C’est par lui que tout est venu à l’existence, et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui. » Nouvelle Alliance. Nouveau commencement, ou continuation d’un commencement permanent et toujours nouveau, toujours en renouvellement. Parole ininterrompue qui donne existence à l’existant. Depuis toujours et à toujours. Maintenant. A l’instant. Dans un présent sans temps, Dieu parle.
Trouver la parole, c’est grandir et devenir soi-même. C’est passer de l’enfance (étymologiquement : « celui qui ne parle pas ») à l’âge adulte et responsable. Par la parole va s’installer le dialogue, la recherche commune, la relation d’égal à égal. La parole permet d’advenir à une humanité adulte.
L’évangile est Parole. Parole de Dieu et parole d’homme. Parole de Dieu et parole d’homme parce que l’évangile n’est pas un texte à méditer ou à commenter, mais une personne, un Verbe, Le Verbe, Jésus-Christ. Il est, Lui, la Parole définitive de Dieu qui ne cesse de se dire à travers le temps et l’espace. Il est l’évangile pour le monde, l’évangile du monde. Rappelons-nous en lorsque nous parlons d’évangélisation ou de catéchèse : il ne s’agit pas de faire connaître de beaux récits ou un contenu de foi, mais de faciliter la rencontre entre l’homme, nous et tous ceux qui cherchent, avec Jésus. Pour entrer en dialogue et pour aimer.
« Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. » Premières paroles de Jésus dans l’évangile selon Saint Marc. Premiers mots du Verbe qui disent toute la proximité de Celui qui s’est fait proche. Le règne de Dieu est là, sous nos yeux, devant nous. L’Evangile est là, en la personne de Jésus, « en ma personne », nous dit-il. « Ne pensez pas échafauder d’autre plan qui plairait davantage à Dieu. Mais ouvrez les yeux, les oreilles, le cœur. Cessez de vous plaindre et de vous détourner de ma présence, le règne de Dieu est tout proche, l’Evangile est là. » Parole pour aujourd’hui tout autant que pour hier et pour demain. Parole de tout temps, Bonne Nouvelle pour tous les temps. Parole à accueillir, sûrement, aujourd’hui comme chaque jour, pour transformer notre regard et ne pas désespérer. Mieux, nous réjouir ! Convertissons-nous ! Convertissons-nous et croyons à l’Evangile, à cette Présence au présent, là où nous sommes ! Réjouissons-nous et annonçons cette Bonne Nouvelle.
L’absence de parole divise, rend indifférent, engendre la peur ou le regard de travers. La Parole nous unit. Même dans le silence, surtout dans le silence, quand ce n’est plus nous qui parlons, mais Dieu lui-même, parole silencieuse et créatrice, parole qui opère elle-même la conversion du cœur et de nos vies. Parole qui construit l’unité. L’unité de nos existences. L’unité de nos familles. L’unité de nos communautés et de nos paroisses : sans la Parole de Dieu et l’échange de nos paroles humaines, de nos avis et de nos idées, de nos questions et de nos inquiétudes – jusque dans les désaccords que nous pouvons avoir ! – qu’il sera difficile de recevoir cette unité ! La parole, nos paroles, nous aident à nous lier, à nous connaître, à nous aimer. Unité, encore, entre les églises de confessions chrétiennes. Expérience vécue jeudi après-midi au Temple de Barbezieux, au cœurs de cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens, alors que nous avons échangé réciproquement des paroles et des silences adressés au même Christ. Paroles qui façonnent notre unité et notre reconnaissance.
” Consacrer de façon particulière un dimanche de l’Année liturgique à la Parole de Dieu permet, pardessus tout, de faire revivre à l’Église le geste du Ressuscité qui ouvre également pour nous le trésor de sa Parole afin que nous puissions être dans le monde des annonciateurs de cette richesse inépuisable “, rappelle le pape dans le texte qui instaure ce « dimanche de la Parole ».
« Venez à ma suite. Je vous ferai pêcheur d’hommes. » Parole de Dieu, parole du Verbe qui met en mouvement. Aucune assurance dans cette parole de Jésus, sauf celle de l’aventure, du risque, du don, de l’insécurité sûrement, de sa confiance aussi et de son envie de nous donner d’annoncer avec lui l’advenue du règne de Dieu. Dieu ne nous promet pas de réponses ou de certitudes, d’installation dans des codes et des lois : il met en route, celle des méandres du cœur de l’homme, celle du feu, des cendres et des braises du monde. Il met en vie. Il met en rencontre. Et sa Parole enthousiasme, percute : « Aussitôt, ils le suivirent. »
Que cette Parole vienne réveiller nos propres paroles, pour qu’elles soient créatrices et constructrices de nos communautés humaines et chrétiennes. Que cette Parole, reçue et partagée, nous donne de grandir toujours davantage dans une humanité adulte et responsable, joyeuse de partager avec le Verbe l’amour pour le monde. Que cette Parole ouvre nos yeux et nos oreilles pour reconnaître qu’il est là, tout proche de nous, le règne de Dieu. Et que nous prenions la suite de Jésus pour devenir, avec Jacques, Jean, Simon, André et les autres, non pas des prêcheurs de morale ou de règles, mais des pêcheurs d’hommes qui ramène à la Vie ceux que le Fils est venu chercher. Ensemble et avec Lui, dans le Souffle de l’Esprit.
Amen.
P. Benoît Lecomte
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