Homélie du 22 août 2021 par le P. Benoît Lecomte

Barbezieux - Baignes - Barret

Publié le 22 août 2021

« Soyez soumis les uns aux autres ; les femmes à leur mari, comme au Seigneur Jésus », entendons-nous de Saint Paul. Et tout de suite se braquent nos oreilles, et nos langues reprennent les mots des disciples dans l’Evangile : « Cette parole est rude ! Qui peut l’entendre ? » D’autant plus rude en ces temps d’actualité qui nous montrent l’Afghanistan tomber aux mains des Talibans qui, eux, signeraient volontiers ces mots de l’Apôtre. Mais nous ne sommes pas des Talibans et ne pouvons accepter leurs pratiques. Et Jésus de répliquer : « Cela vous scandalise ? Voulez-vous partir vous aussi ? » Lui n’a pas parlé de la soumission des femmes à leur mari mais, tout au long du chapitre qui se termine et de son grand discours sur le pain de vie dans l’évangile de Jean, il a parlé de sa chair devenue nourriture, de son corps à manger et de son sang à boire pour avoir la vie éternelle. Paroles elles aussi scandaleuses, inaudibles, incompréhensibles. Ce discours est peut-être tout autant scandaleux pour les juifs que les mots de Saint Paul pour nous aujourd’hui. Alors que faire de cette Parole, qui est Parole de Dieu ? Que faire de ces mots, comment les entendre, les recevoir, les accueillir et nous en nourrir ? Nous faut-il partir, nous aussi, et arrêter de nous abreuver de ce qu’on pourrait considérer comme des mots surannés voire dangereux ?

Plus largement, ne sommes-nous pas tentés, parfois – ou souvent – de crier au scandale face à telle position de l’Église, ou tel discours sur Dieu, ou telle parole sur un sujet d’actualité ? L’envie nous saisie de prendre ce qui nous arrange, de rejeter ce qui nous gêne. Et de rêver d’un Dieu à nos dimensions, d’une Eglise à notre convenance. Qu’est-ce qui nous empêche et qui empêche les gens de suivre Jésus ?

Ou choisissons-nous, malgré tout, de suivre le Seigneur, comme les Israéliens le font dans le livre de Josué… mais à quel prix ?

D’abord en ouvrant notre cœur à l’intelligence des Ecritures. En comprenant – pour ce qui est de la liturgie d’aujourd’hui – que Saint Paul parle à partir de son époque et ne disserte pas d’abord sur les rapports époux / épouses mais sur le rapport du Christ et de l’Église, l’Église étant soumise – c’est-à-dire dans une relation d’infini respect – au Christ comme le corps à sa tête. Et dans son paysage culturel, Paul pense à ce qu’il voit des couples mariés… allant jusqu’à exiger – ce qui peut être considéré comme scandaleux à certains pour l’époque – que les maris aiment leur femme jusqu’à donner leur vie pour elles. Ce qui est en jeu chez Paul n’est pas tant les relations dans le mariage que les relations entre l’Église et le Christ, entre l’humanité (crée homme et femme à l’image de Dieu) et le Christ, des relations vécues dans un don total de l’un à l’autre, dans un corps à corps jusqu’au bout. Ce même corps à corps dont Jésus a parlé dans son discours : son corps donné, livré par amour, offert en nourriture pour nourrir notre corps.

Voilà peut-être le cœur où veut nous emmener la Parole de Dieu aujourd’hui : es-tu prêt à suivre jusque là le Seigneur ? Es-tu prêt à le recevoir dans son corps pour ce qu’Il est – pour Tout ce qu’Il est d’infini et d’insaisissable voire de scandaleux à nos eux – et prêt à te donner dans le même abandon à tes frères et sœurs, à ton époux ou ton épouse, à ceux que tu rencontres au long des jours ? Es-tu prêt à vivre dans une réciprocité absolue d’amour et de communion, c’est-à-dire à vivre tes relations – et ta vie en Eglise – non pas à partir de toi et de tes besoins, mais à partir de l’amour donné et reçu faisant grandir chacun dans la liberté à laquelle nous sommes appelés ? C’est là qu’est le projet de Dieu pour nous tous et pour toute l’humanité.

Jésus n’invite pas à le suivre, il invite à choisir de le suivre. Il fait appel à notre liberté. Bien sûr, notre prière demande à Dieu de nous aider à répondre, comme le faisait l’oraison d’ouverture de cette célébration : « Dieu qui peux mettre au cœur de tes fidèles un unique désir, donne à ton peuple d’aimer ce que tu commandes et d’attendre ce que tu promets ; pour qu’au milieu des changements de ce monde, nos cœurs s’établissent fermement là où se trouvent les vraies joies. » Mais reste la liberté de notre réponse, la liberté de notre décision . « Quel dieu voulez-vous suivre », demande Josué. « Voulez-vous partir ? » demande Jésus. La liberté reste sauve et l’on nous dit que « beaucoup de ses disciples s’en retournèrent et cessèrent de l’accompagner. »

Ce choix n’est pas le choix d’une vie. Il est le choix de chaque jour, de chaque instant. Il est le choix à reposer à l’infini, à la lumière de ce que le Seigneur a fait pour nous dans notre histoire – le peuple juif se rappelle les bienfaits du Seigneur et choisi de le servir à nouveau. A la lumière de la Parole qu’est le Christ : « Tu as les paroles de la vie éternelle et nous croyons, nous savons que tu es le Saint de Dieu… A qui irions-nous ? », proclame Simon-Pierre. A la lumière des signes de sa présence que nous relevons dans la vie de notre monde. A la lumière du témoignage du matin de Pâques, transmis jusqu’à nous de générations en générations par le Mystère de l’Église.

Il ne s’agit plus de partir ou de rester pour convenances personnelles, mais de replonger sans cesse au mystère de Pâques et de notre baptême, pour saisir de l’intérieur de nous-mêmes ce que le Christ nous invite à vivre d’amour, d’espérance, d’humanité, de fraternité et d’engagement en ce monde. Et d’entrer avec toutes nos pauvretés, notre volonté, notre énergie, notre intelligence et notre confiance dans l’action de grâce du psalmiste : « Je bénirai le Seigneur en tout temps, que les pauvres m’entendent et soient en fête. » Pour que notre monde soit enfin accompli dans l’amour.

Amen.

P. Benoît Lecomte

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