(Baptême de Lucas, messe de rentrée de la paroisse, envoi en mission)
Le partage des richesses était une préoccupation du temps du prophète Amos (environ 800 ans avant Jésus-Christ). Il suffit de lire les trois premiers titres des journaux ces jours-ci ou d’écouter les 2 premières minutes des informations pour se rendre compte que c’est toujours la même préoccupation qui alimente les débats. Avec toujours les mêmes objectifs : que la dignité de chacun soit respectée, et que nous puissions vivre dans une société à la fois juste et fraternelle. A l’heure des négociations, des tractations et des menaces de blocage dans notre pays, nous faisons nôtres les encouragements de Saint Paul à Timothée de « faire des demandes, des prières, des intercessions et des actions de grâces pour tous les chefs d’Etat et tous ceux qui exercent l’autorité afin que nous puissions mener notre vie dans la tranquillité et le calme, en toute piété et dignité. »
Pour autant, la parabole de Jésus est déstabilisante et semble aller à l’encontre de cette recherche de justice et de vérité. « Le maître fit l’éloge de ce gérant malhonnête car il avait agi avec habileté », lit-on. Que vient donc faire cet éloge de la magouille et de l’embrouille, au milieu de l’évangile, alors même qu’on attend un encouragement à la justice et à la droiture ?
C’est que dans son récit, Jésus ne fait pas l’éloge de la malhonnêteté, mais du gérant qui a été habile pour arriver à ses fins. Il fait l’éloge de l’ingéniosité de cet homme, et par là, nous donne plusieurs pistes pour nourrir notre méditation.
D’abord, la place et le rôle de l’argent dans nos échanges et dans nos systèmes sociaux. Nul doute que Jésus a apprécié pouvoir compter sur les ressources que lui apportaient celles et ceux qui le suivaient, et il avait même confié la bourse à l’un d’entre eux. Il ne s’agit donc pas de dire que l’argent est mauvais, mais de le situer à sa juste place : un moyen. Un moyen comme tous les autres moyens, dont il ne faut certainement pas faire un absolu ou une idole. Avouons que le risque est parfois grand. Avec l’argent, peut-être, ou avec d’autres réalités auxquelles nous pouvons donner trop d’importances – chacun pourra penser à son mode de vie, à ses attaches personnelles. Ne confondons jamais les moyens (même les moyens religieux !) avec le but.
Le but, le gérant de la parabole l’a bien identifié : avoir des amis. « Se faire des amis pour qu’ils vous accueillent dans les demeures éternelles. » Entretenir des relations. Le but, ce sont ces relations humaines qui tissent le Royaume auquel Dieu nous appelle. C’est pour cela que Dieu nous a créé, pour vivre dans une communion les uns avec les autres, et tous ensemble avec lui. Pour partager, à l’échelle de toute l’humanité, la vie Trinitaire divine. Pour vivre cette réalité dans l’au-delà, mais déjà y participer dans notre aujourd’hui, notre présent, au cœur de toutes nos activités et de tous nos engagements. Gardons au cœur cette vocation à laquelle le Seigneur nous appelle tous, et dont les baptisés que nous sommes doivent être les témoins et les artisans.
La troisième piste à méditer, est que nous ne sommes finalement propriétaires de rien. Bien au contraire, comme les débiteurs de la parabole, nous sommes tous en dette de Dieu. Tout nous est confié, et nous avons, tel l’intendant, ou le jardinier, à en prendre soin. A l’utiliser à bon escient. Nous pensons à l’argent, à cause des textes de ce jour, mais nous pouvons penser, en ce mois de la Création, à la Création toute entière, à notre terre, à tout le vivant, à la vie elle-même, qui nous est confiée. Si fragile vie ! Vie que certains seraient tentés de supprimer quand elle devient trop fragile… L’agenda parlementaire de notre pays est un peu à l’arrêt ces temps-ci, mais nul doute qu’il reprendra et aura à nouveau à traiter de ces questions délicates qu’un coup de crayons ne peut régler : que faisons-nous lorsque la vie devient à la fois fragile et parfois coûteuse ? N’oublions jamais le but, et notre tâche : être des intendants à qui la vie est confiée, pour la rendre belle et digne.
C’est la quatrième piste qui nous vient à l’esprit : la confiance du Seigneur sur notre gestion. « Celui qui est digne de confiance dans la moindre chose est digne de confiance aussi dans une grande. » Le Seigneur ne fait pas à notre place, il nous rend responsables, fait appel à notre ingéniosité, à notre habileté, à notre savoir-faire, à notre créativité. Il nous fait confiance, et nous pouvons grandir dans cette confiance à mesure que nous acceptons de prendre notre part. Et nous pouvons ensuite lui rendre compte, et rendre grâce pour cette confiance qu’il nous fait, cette liberté qu’il nous offre.
En ce jour de rentrée, beaucoup d’entre nous vont recevoir une mission, acceptent de prendre ou de continuer un service ou un engagement paroissial. La parabole nous invite à recevoir ces missions comme des intendants en qui le Seigneur met sa confiance, pour faire grandir son Eglise en notre territoire de Barbezieux – Baignes – Barret. A utiliser de façon juste tous les moyens que nous pourrons trouver, pour grandir ensemble dans la communion fraternelle et filiale, et devenir toujours davantage des témoins de l’Evangile et du salut de Dieu en Jésus-Christ.
Et toi, Lucas, prends ta part de mission parmi nous, en étant plongé dans l’eau du baptême. Reçois toi-aussi du Seigneur cette confiance pour servir le but ultime qu’est le Royaume de Dieu. Que ton baptême ravive le nôtre, et nous donne d’œuvrer ensemble joyeusement à l’œuvre de Dieu.
Amen.
P. Benoît Lecomte
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