« A table ! » crie la mère de famille à toute la maisonnée. Et ses ados d’enfants de répondre un « J’arrive ! » sans que rien ne se passe. Et la scène se répète 1 fois, 2 fois, 3 fois, 4 fois, et le ton monte jusqu’à ce que, on ne sait si c’est de lassitude ou à cause de la faim, les ados arrivent et se mettent à table. Peut-être cette histoire vous rappelle-t-elle quelques situations vécues ?
L’inertie des adolescents n’est pas au programme de la Parole de Dieu. Les habitants de Ninive crurent en Dieu « aussitôt », Simon et André, Jacques et Jean suivent Jésus « aussitôt » également. « Le temps est limité » annonçait Saint Paul. On ne tergiverse pas, on ne procrastine pas. « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche, convertissez-vous et croyez à l’Evangile », crie Jésus. Cet appel ne supporte pas l’hésitation. Il n’est pas n’importe quel appel. Il est celui de la Parole faite chair, il est celui de « l’Evangile de Dieu. » Il est celui que le Christ proclame pour tous les hommes de tous les temps, quelque soit le moment de l’Histoire. Car à chaque instant l’appel est au présent, la Parole reste insistante : « Les temps sont accomplis, convertissez-vous, croyez à l’Evangile. »
Cet appel est donc pour nous, aussi, aujourd’hui. Et si la rapidité de réponse des habitants de Ninive et des apôtres nous surprend, elle doit d’abord nous interroger sur notre propre délai de réponse et nos hésitations. Et d’abord, à quoi nous convertir ?
Nous pouvons penser à la conversion de nos actes moraux. Il ne faut pas faire de mal, et s’entrainer à faire le bien. Cela est juste, mais est-ce donc spécifiquement évangélique ? Est-ce là, la raison de la venue de Jésus-Christ en notre monde ? La Bonne Nouvelle de l’Evangile n’est pas d’abord une question de morale, même si un comportement moral toujours à faire grandir, en dérive nécessairement. L’Evangile est une question de mort et de vie. D’appel à la vie. D’appel à une vie joyeuse, libre, épanouie, libérée de tout ce qui nous retient aux forces de mort. Et je ne parle pas uniquement de nos vies individuelles et personnelles, mais aussi de notre vie en Eglise. Nous sommes ce dimanche en plein cœur de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. L’on sait trop combien les divisions apparues au cours de l’Histoire sont devenues de véritables blessures infligées au Corps du Christ et à son unité. Elles sont une souffrance pour ceux qui vivent de ce Corps, et un contre-témoignage pour ceux qui en sont extérieurs. Comment être crédibles et parler de pardon, de réconciliation, d’unité, quand nous avons tant de difficultés à nous rapprocher et nous accueillir déjà les uns les autres entre confessions chrétiennes ? Notre expérience œcuménique, en Sud Charente, ravivée encore par les dernières célébrations communes, est porteuse d’espérance. Mais il nous faut sans cesse travailler, et travailler encore, pas à pas, à recevoir de l’Esprit Saint la communion de tous dans la richesse des différences. Ce n’est qu’à cette condition, qu’à cette conversion que l’unique Corps du Christ manifestera la Vie de Dieu au cœur du monde et le salut qu’il annonce.
La deuxième conversion à laquelle nous sommes appelés, est celle de la Parole. Le pape nous invite à célébrer ce dimanche, le dimanche de la Parole, pour nous rappeler, si besoin était, qu’elle est, cette Parole, non pas un texte ou de belles histoires, mais la Parole de Vie, la Parole qui donne Vie, la Parole créatrice capable de nous arracher de la mort – et même du néant – pour nous mener à la vie. Elle est Parole efficace, comme celle de Jonas appelant à la conversion, comme celle de Jésus appelant à le suivre. Conversion à l’Evangile et suite de Jésus comme étant une seule et même Parole, un seul et même appel, invitant à une seule et même réponse : celle de notre volonté, pour notre plus grande joie. Comme la semaine de prière pour l’unité des chrétiens réveille notre désir d’unité, puisse ce dimanche de la Parole raviver notre désire de la lire, de l’écouter, de la méditer, de l’accueillir, de la faire nôtre et d’en vivre réellement. Jusqu’à devenir nous-mêmes, par toute notre vie, réponse à cette Parole, immense « fiat » à l’amour de Dieu.
L’année prochaine, en 2025, nous vivrons une année jubilaire. Ce jubilé, indique le pape, pourra « favoriser grandement la recomposition d’un climat d’espérance et de confiance » à travers notre monde si éprouvé. Et pour nous préparer à ce jubilé, il invite à faire de l’année 2024 une année « consacrée à une grande “symphonie” de prière. Tout d’abord pour retrouver le désir d’être en présence du Seigneur, de l’écouter et de l’adorer. Une prière, aussi, pour remercier Dieu pour les nombreux dons de son amour pour nous et louer son œuvre dans la création, qui engage chacun au respect et à l’action concrète et responsable de sa préservation. La prière comme expression “d’un seul cœur et d’une seule âme” (cf. Ac 4, 32), qui se traduit par la solidarité et le partage du pain quotidien. La prière qui permet à chaque homme et à chaque femme de ce monde de se tourner vers le Dieu unique, pour lui dire ce qui est caché dans le secret du cœur. La prière comme voie royale vers la sainteté qui conduit à vivre la contemplation même au milieu de l’action. »[1]
Que cette prière nous aide à répondre promptement à l’appel à la conversion et à la suite de Jésus, au travail de l’unité et à l’accueil de la Parole de Dieu. « Le temps est limité » et « le monde tel que nous le voyons, passe », disait Saint Paul. Attachons-nous à notre mission de disciples-missionnaires. Le Seigneur, Dieu de toute tendresse, nous indique les chemins de l’Amour. Convertissons-nous, suivons-le.
Amen.
P. Benoît Lecomte
[1] Lettre du Pape François à Monseigneur Rino Fisichella pour le Jubilé 2025
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